Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
19 octobre 2012 5 19 /10 /octobre /2012 14:12

 

 

5. Ma dernière Saint-Nicolas

 

Dans sa dernière lettre aux élèves de 6e, datée du 21 novembre 2000, le directeur demande un spectacle «cohérent, amusant, intelligent MAIS qui respecte les personnes, professeurs/éducateurs et élèves…». Avant ce souhait, Jean-Marie Delobel énumère une série impressionnante d’interdictions, résultat d’expériences décevantes sinon révoltantes. Je relève par exemple qu’il met le holà aux boissons alcoolisées, pétards, fusées, farine, œufs et spectateurs étrangers (essentiellement des anciens rhétos qui ne venaient que pour chahuter les nouveaux). Nous applaudissons tous chaleureusement.

Si j’étais encore là, je redemanderais aux responsables de la Sécurité de ne plus couper l’alarme qui relie directement le Centre scolaire aux pompiers. Je me demande si ma première intervention avait été suivie d’effet. C’est pourtant fondamental: même si le nombre d’enseignants présents est important, cette activité est sans doute la plus risquée de l’année scolaire.2004-60-ans-Leroy-et-Albert.jpg


 

Grâce à Gilles Leroy (Rh. 2005) – revu avec plaisir à l’occasion –, je découvre une préparation minutieuse et des vidéos prêtes à l’emploi pour cette fête de fin 2004. Ma mémoire, pourtant très défaillante en l’occurrence, me remet instantanément dans le fauteuil du Centre, dans le fond à droite. Je revois la salle remplie d’élèves surexcités, non: chauds…
En fait, ce sont les intermèdes musicaux qu’ils préfèrent. Dès que les premières notes de ces morceaux à la mode retentissent, ils se lèvent tous comme un seul homme et se mettent à balancer leurs bras levés, la figure hilare ou transcendée par un plaisir sublime: ils n’entrent pas en transe, mais n’en sont pas loin... Les plus sportifs ajoutent à cette chorégraphie un joyeux sautillement censé respecter le rythme de la musique. Cette gestuelle n’est pas improvisée, mais manque de coordination pour que ce soit esthétique. En réalité, il n’y a pas de quoi étonner le téléspectateur moyen.

Oui, mais dans la salle du Centre, ça vous prend aux tripes. Je suis littéralement envahi par la brusque et unanime explosion de joie de ces jeunes gens, encore assis calmement l’instant précédent: c’est comme la première vague d’un tsunami inattendu!
Pourquoi ai-je surtout retenu ces moments alors que presque tout le reste s’est effacé? Mystère. Ça ne devait pourtant pas être ma première expérience du genre. Mais je n’avais jamais réagi ainsi.
Je me revois encore, bien calé dans mon siège, la tête enfoncée dans les épaules, les yeux écarquillés, les mains croisées, les oreilles agressées et la boule à l’estomac. J’ai envie de sortir discrètement ou même de me sauver brusquement, mais le sens du devoir m’oblige à rester. Curieusement, je me sens subitement à l’étroit dans cette salle que j’ai fréquentée des dizaines de fois. Je n’ai plus du tout l’impression d’être dans mon école, chez les miens. Je suis totalement perdu au milieu de cette foule hurlante; écrasé, abandonné, minuscule, inutile… Que faire dans cette galère? au milieu de ce déluge? C’est dur, pour un prof, de ne plus être le maître!
Oui, il était temps de prendre ma
retraite. Je savais que j’avais vieilli – depuis le temps… –, mais pas que j’étais devenu vieux!
Aujourd’hui, bien à l’aise devant mon ordinateur, sans doute rajeuni de quelques années, je me reproche cette attitude… puérile! C’était le moment de me moquer de moi-même en adoptant leur posture, sûr d’amuser la galerie avec mon manque de souplesse et mes gestes maladroits. C’était l’instant où jamais d’abandonner mon costume de prof. 
 
Revenons sur scène, ou plutôt imaginons la scène à partir des documents en notre possession.
Tout commence par «Are you ready» de Blind: quel dommage, cette invasion anglo-américaine! Juste après, les présentateurs déboulent sur le plateau aux accents de «Eye of the tiger» (YouTube illustre ce morceau avec des combats de boxe entre Sylvester Stallone et d’abominables adversaires aux proportions effrayantes).  Stallone.jpg
Trois élèves
(Antoine Collart, Sandrine Briart et Virginie Karasavidis) sont ensuite appelés sur scène et déguisés en plantes vertes. Ils feront simplement partie du décor, arrosés toutes les 20 minutes!



 
2004-60-ans-Pitance.jpg
Les animateurs engagent la salle à chanter, comme il se doit, «
O grand saint Nicolas». Et c’est parti! Saint Nicolas, alias Nicolas Pitance (frère de Benoît, grand saint d’une précédente édition!), déboule sur scène à moto! Malgré cette arrivée fracassante, il n’a pas son air rassurant habituel. Il explique qu’un ancien roi mérovingien (dit le Méro), enterré sous nos pieds depuis des siècles, n’a pas apprécié que l’on profane sa tombe pour ériger les fondations de notre école en 1854. Il s’était déjà manifesté à l’époque sous forme de fantôme, harcelant les premiers pensionnaires de notre institut. Par bonheur, un chevalier au cœur vaillant, le frère Eustache, avait relevé le gant. Et sa méthode imparable était consignée dans un grimoire, blotti paraît-il en lieu sûr, malheureusement oublié de tous.

Une vidéo, datant sans doute de l’époque (!), montre le
frère Eustache-Dejong en train de relire à haute voix l’histoire de son coup fumeux. En regardant cette intervention solennelle de Philippe Dejong, revêtu d’un froc blanc pour l’occasion, je repense au discours emphatique, largement dramatisé, du président Charles de Gaulle, après le putsch d’Alger d’avril 1961. Ayant remis pour l’occasion sa tenue de général des armées, je viens de le revoir sur YouTube lancer à travers les ondes: «Au nom de la France, j’ordonne que tous les moyens, je dis: tous les moyens, soient employés partout pour barrer la route à ces hommes-là, en attendant de les réduire.»

Le frère Philippe-Eustache ne lui doit rien au moment de déclamer le discours  suivant:
Mes batailles ont été sanglantes et acharnées,
Mais elles étaient indispensables
[Défait], l’ennemi a promis de se venger
Alors, moi, frère Eustache, qui suis le seul survivant,
Je vais vous enseigner le moyen de le vaincre
Comme je l’ai vaincu en cette année de grâce 1854.
La marche à suivre est tout autre
Que tous vos produits, tous vos subterfuges sophistiqués.
Mais vous verrez,
Je vais vous enseigner comment vaincre cet ennemi
Je l’écris ici dans ce grimoire. Point!


 

Les spectateurs découvrent alors sur le grand écran la traque dans les couloirs du Collège. Elle est menée par François Hallut, assisté de deux lieutenants très remontés: sus au Méro!
Ils tâchent d’abattre ce spectre en lui jetant une poubelle dans les jambes: il tombe pour la première fois, mais se relève. Hallut Fr 2004





Jaminet-2004.jpgAu moment où, en pleine course, le revenant va passer devant la porte de l’ascenseur, celle-ci s’ouvre brusquement et notre fantôme la prend en pleine poire: il tombe pour la seconde fois. Le Méro est K.O. Le préfet de discipline, Eric Jaminet, auteur de cette agression involontaire, crie machinalement: «On ne peut pas courir dans les couloirs!» et poursuit son chemin sans jeter le moindre coup d’œil à la victime allongée piteusement sur le sol. Autrement, il aurait peut-être dit instinctivement: «Relève la tête, fier Sicambre!»…
dejongle
janssen rac

 

 

 

Le combat n’est pas terminé. On aperçoit le Méro reprenant ses esprits, assis sur un banc devant la salle de jeu, une Jup à la main…
Heureusement, Nadia Pirard, d’abord horrifiée par l’apparition du Méro dans le miroir des toilettes où elle se remaquille, réussit à se sauver de ses griffes et, bien aidée par une discrète copine, à dénicher le fameux grimoire dans la bibliothèque. Le public est conquis, la salle exulte (enfin, je l’imagine).
Nous sommes sauvés.

2004-60-ans-5-filles.jpg
 
On entend alors Eustache égrener sous forme de commandements, rimes comprises, sa méthode imparable. Chacun de ces curieux préceptes (imagination, quand tu nous tiens!) sera repris pour introduire le «jeu» suivant, présenté en vrai et non plus sur écran. Le principe est immuable: faire venir sur scène des profs et des élèves plus ou moins consentants et les ridiculiser devant tout le monde. Je note en passant que la complicité entre rhétos et professeurs est étonnante, je dirais même inimaginable pour un spectateur étranger. Les enseignants du Collège, du moins ceux qui sont appelés à s’exhiber sur les planches – je note pour cette année-ci Jean-Marie Merken, Hotermans 2003Patricia Hotermans, Manu Chaumont, Gérard Lemin, Louis Bernard Koch, Dominique Jeangette, Bénédicte Winandy et Cédric Schmetz – lemiin (Large)sont admirables. Certains diront peut-être naïfs. Mais n’est-ce pas le prix à payer pour la réussite de l’événement? La seule question que je me pose, c’est de savoir jusqu’où ils iront pour amuser la jeunesse. Je disais parfois par boutade (mais c’était surtout à la fancy-fair que je pensais) qu’on en arriverait à montrer un strip-tease… Mais je ne pensais pas aux profs à ce moment-là, ou pas encore…
Revenons aux choses «sérieuses». Je note en italique les fameux commandements de notre cher Frère. Préalablement, Jasmine Reinartz (5D) sera convoquée sur scène pour devenir une potiche, comme on en voit systématiquement dans les jeux télévisés (toujours une jolie fille, bien entendu). Son seul travail sera d’apporter les indices-parchemins aux 2004 5D Reinartzprésentateurs. Pour son malheur, elle sera affublée d’une tenue de plongée enfilée par-dessus ses habits. L’heure est à la glorification de la nature, pas encore au naturisme…

Merken gala 2005


1. Ta condition physique tu entretiendras

Pour le cycle inférieur, on appelle deux professeurs sportifs: Patricia Hotermans et Jean-Marie Merken. Ils sont priés de faire une course sur des vélos d’appartement. Le dernier (selon quels critères?), Merken, aura la surprise de recevoir, de la part du père Fouettard, une assiette de crème fraîche en pleine figure! Jean-Marie, mon voisin à Lambermont, m’a confirmé cet épilogue: «J’ai été pris par surprise, le coupable, Gilles Leroy (qui ne s’en souvient pas vraiment!), se tenait derrière moi.» Beau joueur (heureusement pour Gilles!) malgré tout, Jean-Marie se rappelle avoir humé toute l’après-midi une odeur de beurre rance (sans doute caché dans sa moustache…). Plutôt que de la crème fraîche, il a conseillé de prendre à l’avenir de la crème à raser. Le message est passé. 

 

2. Tes compagnons tu amuseras

Trois garnements sont chargés de raconter une blague au micro. Le plus nul subira l’épreuve de la tarte à la crème. En fait, ils seront classés ex æquo. Donc…          Gill

 

3. Aux questions tu répondras

Voici in extenso le texte du projet: «Sept élèves arrivent sur scène, et restent debout. On leur bande les yeux. Derrière eux, des rhétos (Becco, Viatour, Scius, Lolos…) ont un sceau (sic) rempli de trucs dégueux (mousse à raser, crème fraîche, ketchup, vinaigre…). Les présentateurs posent des questions aux élèves. A chaque mauvaise réponse, le sceau (resic) leur tombe sur la gueule :o)»
Non, on ne fait pas dans la dentelle.


 

4. Ta peur tu surmonteras
Epreuve réservée aux 10 redoublants de 5e. On continue dans la nourriture repoussante ou pour animaux. 

 

5. L’ennemi tu flatteras
On adjoint un élève à chaque prof appelé. Ces nouveaux couples doivent improviser un éloge poétique à l’intention du Mérovingien, présent de corps et d’esprit. Méro décidera souverainement du couple devant subir l’attaque pâtissière. 

 

6. A la mode tu t’habilleras

Les nominés sont les «retenus du lendemain». Ils sont d’abord emmenés en coulisse où on les habille d’une façon ringarde. Ils apparaissent ainsi vêtus pour le plus grand bonheur des spectateurs. Sur les murs de la salle sont accrochés des vêtements variés. Nos guignols ont alors le temps d’une chanson (d’un tube) pour se rhabiller au mieux, sexy de préférence. Je crois me souvenir que les moins élégants paieront le tarif habituel.  

 

J’arrête l’énumération de ces jeux plus ou moins amusants. Les autres sont du même tonneau. Ils se terminent tous par l’entartage public, pratique médiatisée inaugurée par le Belge Noël Godin dit Le Gloupier. Les victimes les plus célèbres de ces chevaliers du ridicule sont Bernard-Henri Lévy (à 7 reprises!), Bill Gates, Elio Di Rupo, Maurice Béjart, Nicolas Sarkozy, Patrick Bruel, Patrick Poivre d’Arvor, Jean-Pierre Chevènement et Ségolène Royal.

L’agression pâtissière a remplacé la violence verbale: c’est un progrès incontestable. C’est bizarre comme les adolescents aiment les films violents et les films d’horreur. Notez que ce dernier ingrédient a reçu une consécration inattendue avec la fameuse fête d’Halloween, réimportée d’outre-Atlantique après avoir été vidée de son sens initial irlandais. J’espère que cette mode essentiellement commerciale disparaîtra vite de notre Vieux Continent.

c schmetz3

                                                    gof

 


Une autre séquence, filmée en caméra cachée, montre comment un jeune surveillant, Serge Rouwette en l’occurrence, qui n’a ce jour-là qu’un garçon (dont j’ignore le nom) à surveiller, se fait tirer en bouteille par ce comédien hors pair: du grand art!sur (Large)


 

Bien entendu, on n’échappe pas à la traditionnelle série de dias – due à l’imagination fertile du grand Bertrand Lebecque. Je montre tout au long du présent article les photos des profs concernés. Comme je ne connais pas l’extrait de chanson destiné à chacun, l’effet comique est inexistant ou presque. Je vous laisse le soin de reconnaître vos anciens maîtres…

                                                       Lebecque 2003

                                                             2004-60-ans-Hardy.jpg

 

 

 


                                                  Leysten Laura t

Ce même Bertrand (dit Aralas) remercie ses collaborateurs: Laura Leysten, Benjamin Jacot, Sophie Chaumont, Steve Scius, Yohann Lolos, Charlotte Bontemps, Xavier Albert et Xavier Hardy.

 

Le reste ne se raconte pas, ça doit se voir et se vivre dans l’ambiance très particulière du dernier vendredi après-midi avant les examens de Noël.

 

Ah oui! J’oubliais: le rideau se ferme au moment où le Méro, ou son fantôme – allez savoir! –, se bat avec l’invincible saint Nicolas…
 

Il paraît que cette représentation de 2004 était un bon cru.

Allez, à votre santé!

Partager cet article
Repost0

commentaires