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5 juillet 2012 4 05 /07 /juillet /2012 14:18

3. La guerre du feu

 

1985 marque un tournant. C’est la première fois que le Collège a des rhétoriciennes et c’est aussi la première fois qu’un film digne de ce nom est entièrement réalisé par nos élèves. L’entreprise est colossale. Tout sera organisé minutieusement par nos jeunes qui sélectionneront un casting comprenant 10 acteurs de premier plan, tous professeurs. Les professionnels se plaindront sûrement de quelques longueurs, mais l’histoire retiendra plutôt l’audace de ces jeunes gens.
Une star de l’époque, Jean Arnould, témoin au-dessus de tout soupçon, ne tarit pas d’éloges sur le sérieux de l’organisation. Le scénario était complètement écrit et chaque comédien l’avait reçu avec toutes les précisions qu’il pouvait espérer. Deux cadreurs filmaient les scènes, le repas de midi était assuré (chez les parents de François-Mathieu Winandy à Oneux) et le froid régnant sur le bois de Sohan, lieu du tournage, était partiellement compensé par un (comme on dit «j’ai bu un verre») petit péket bien de chez nous. C’est vrai que, pour certains, l’effet de ce breuvage ne fut pas négligeable en fin de tournage… 

En ce jour de la Toussaint 1985, le temps est clair, le sol est sec et les feuilles multicolores sont en train de quitter les arbres définitivement. Les conditions sont idéales pour la réalisation composée de Catherine Leroy, François-Mathieu et José-Benjamin Longrée, justement trois élèves que j’ai bien connus. La mise en scène est réglée par Xavier Boffing, Jean-Pierre Meessen, Daniel Meunier et Bernard Jacquemin (encore un de mes anciens). Quant au montage, il est l’œuvre d’Alain Lahaye. Ces renseignements sont de première main puisqu’ils proviennent de la cassette (assez abîmée) dudit film transmise justement par Jean Arnould. guerre du feu 1

Le scénario est inspiré de La Guerre du feu, film à succès réalisé par Jean-Jacques Annaud et sorti sur les écrans en 1981.D’ailleurs, nos jeunes ont repris intégralement le début de l’œuvre originale, où on voit des hominidés

(pratiquement des orangs-outans) se battre à coups d’énormes os.
Puis c’est la forêt de Sohan – «là où la main de l’homme n’avait jamais mis le pied». On vient de faire un bond de 20000 ans. Gros plan sur un arbre en ce bel automne: «On n’est plus à l’âge de la pierre, mais à l’âge de la feuille, c’est le feuillage!» Vous avez compris que le commentaire doit amuser le jeune public allant de 12 à 18 ans. guerre du feu 2
Le feu, élément magique vénéré mais redouté, devient l’objet de luttes pour la survie de l’espèce. Apparaissent enfin ces ancêtres de l’humanité dont la parenté avec la race actuelle est manifeste. En 20000 ans, non seulement les longs poils noirs ont disparu, mais le vêtement est plus qu’une ébauche. Fini les peaux de bêtes! On découvre même, furtivement, un short bleu mal caché par une veste défraîchie. Les chaussettes sont déjà à la mode, et même les baskets. Les mâles (disons les hommes) ont les cheveux soignés, sauf le personnage joué par Jean Gillot: sa perruque doit être d’époque! Mais les femmes sont nettement moins coquettes de ce côté-là, confirmation que le salon pour dames n’était pas encore inventé. Le langage n’a guère évolué: ce sont des cris simiesques dans lesquels domine la syllabe wou

Boldo guerre du feu 85

 

 

 

 

 

 

 

 

Il est temps de parler des protagonistes de cette quête du feu. Le commentateur nous présente en passant la tribu des ALCOLICUS comprenant Williquetta (Jacqueline Boldo), l’australopithèque Erectus Constantus (Patrick Constant), l’homo Kupperus (Georges Kupper), aussi appelé l’homme de Nederlandertaal, les deux derniers de cette tribu sont le petit et le gros Magnon: Gil-lotus (Jean Gillot) et Amesse (Jean-Louis Hamès).Gil-Lotus 1985






Hames Amesse1982


En face, les SOBRIUS. Citons en premier lieu Longréa (Anne Longrée), compagne (je suppose que le mariage n’existait pas encore, ni le Pacs) de Fleuronus (Joseph Fléron). Les autres membres de cette tribu, un peu plus évoluée puisqu’ils ont réussi à conserver ce feu précieux, sont Arnoldus (Jean Arnould) et Embrettus (Dominique Embrechts).
La première scène nous montre les Alcolicus en pleine sieste, «qu’ils n’ont  pas méritée», précise le commentaire. La caméra s’attarde sur
les mouvements de ces corps agités sans doute par des cauchemars (se croyaient-ils Longréea 85. njpgattaqués par quelque carnivore affamé?). Mais Constantus, le premier réveillé, a l’air de flairer quelque chose. Son instinct le guide. Il presse le pas en s’aidant de ses mains. Il ne s’arrête qu’un instant pour manger une grande araignée plus appétissante que les autres. Un vent favorable pousse vers lui une fumée issue du camp des Sobrius. Eurêka! devrait-il se dire s’il était un peu plus évolué, ces sauvages ont réussi à garder le Kupperus 83 Nederlandertaalfeu! Vite, il retourne chez les siens et leur communique la bonne nouvelle par le téléphone arabe: ça consiste d’abord à les réveiller Arnouldus 83par quelques coups violents. Commentaire: «Il faut battre le fer tant qu’il est chaud et la chair autant qu’il le faut!»










C’est la mobilisation générale chez les Alcolicus. Sus aux Sobrius. Se déroule alors une longue scène de bagarres, une mêlée indescriptible, les coups partent dans tous les sens, ce sont encore des luttes à mains nues, quelques branches mortes exceptées. En wallon, on parlerait de troûlaie. La scène la plus intense – très bien filmée d’ailleurs – est celle du combat singulier entre les deux femelles (ou femmes, mais certainement pas dames…). Elles se roulent à terre en faisant voler les feuilles mortes, et se frappent, se tirent les cheveux, se mordent, se griffent… Quelle sauvagerie, quelle barbarie, quelle Fleuronus 87bestialité! Nous sommes encore très loin des Embrettus 83«précieuses ridicules».
Les Alcolicus réussissent à voler un peu de feu et à le ramener triomphalement dans leur clairière. Ils enlèvent en même temps Longréa (renommée probablement Sabina) dont ils ligotent les mains. Le petit Magnon est commis à sa garde, mais il en tombe amoureux: censure!
Surexcités, les Alcolicus vont chercher de l’eau avec une casserole (on n’est pas à un anachronisme près). Ils y ajoutent une substance connue d’eux seuls et font bouillir cette mixture pour obtenir un liquide aux vertus euphorisantes, d’où le nom de la tribu sans doute. Chacun se précipite alors sur cette potion magique dont l’effet le plus visible ressemble furieusement à celui de l’alcool de notre époque. «L’homme des cavernes est en passe de devenir l’homme des tavernes!»Constantus erectus 1986
Williquetta, juste avant de tomber de sommeil, renverse la casserole sur le feu, qui meurt définitivement!

Le réveil de cette tribu est dramatique: le temps glacial leur donne la tremblote. On a froid pour eux. Le feu est indispensable à la survie: on est reparti pour une nouvelle bagarre. Au cours de celle-ci, le grand Magnon glisse, tombe et son large postérieur étouffe le dernier foyer jalousement gardé par les Sobrius! Catastrophe! L’homo Gil-lotus court à toutes jambes: c’est sans doute l’origine de l’expression «avoir le feu au derrière». Au moment où il s’assied dans la rivière pour refroidir ses fesses, il éteint en même temps la dernière flamme vive, condamnant du même coup le genre préhumain à mourir de froid! C’est partout la désolation. Même plus de raison de se taper dessus. C’est l’origine de la guerre froide…guerre du feu le feu
Le film ne peut pas se terminer ainsi. Pour la troisième fois, on aperçoit les pas d’un homme élégant, en imperméable tout nouveau (sans doute de chez Marvan) avançant calmement dans ce bois de Sohan, l’attaché-case à la main. Maintenant, on l’aperçoit de pied en cap. C’est Louis Bernard Koch (LBK), encore plus raide que d’habitude. Sur un fond musical de circonstance («O grand saint Nicolas…»), LBK s’approche des sauvages, se penche vers le sol et, sans un mot (inutile de toute façon), allume un feu avec son… briquet.

 

Tout le monde est heureux. Merci saint Nicolas LBK! Générique.

P.S. En relisant mon texte (en ce jour de Pâques 2013), je m'aperçois que j'en ai un peu remis, comme on dit vulgairement... Ma passion l'a emporté sur la vérité historique; j'espère que vous me pardonnerez cetteKoch 1986 LBK exagération littéraire.

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