Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
17 janvier 2011 1 17 /01 /janvier /2011 20:00

6. Les gourmandises d’Eric Jaminet

On connaît mal ses amis: vu de l’extérieur, Eric Jaminet, jeune préfet de Discipline, pouvait donner l’impression d’un fonctionnaire appliqué. Comme j’ai rarement recours à ses services (tant mieux pour moi!), je ne fais que deviner ses activités. Au fond, tant que tout marche, pourquoi s’en inquiéter? Et puis, un beau jour, il prend une initiative étonnante, Jaminet-2004.jpgretentissante, je dirais même fulgurante. Pourquoi s’agiter ainsi?

Ce passionné de livres – normal pour un ex-bibliothécaire – cherche un moyen d’améliorer la qualité de vie de nos élèves, tant du primaire que du secondaire. Il voudrait financer l’achat de bancs et tables en bois à disposer çà et là dans la cour, surtout celle des petits et, d’autre part, installer des poubelles murales encourageant les grands à maintenir notre cour propre. Bien placé pour connaître la pression financière subie, pour quelques années encore, par la trésorerie du Collège, il en déduit que c’est à lui de trouver l’argent pour réaliser son objectif. Il s’oblige donc à mettre les mains dans le cambouis.

Merland-05-n.jpgSeul, en tout cas au début. Primo, trouver l’idée géniale… Un concept nouveau, facile à mettre en œuvre. Surtout pas une opération mangeuse de temps et accapareuse de bénévoles: ceux-ci – toujours les mêmes – en font assez: ne pas tuer la poule aux œufs d’or! L’étincelle jaillit un beau jour dans ses rêves… éveillés: c’est le fameux Cahier gourmand. Une brochure de 100 pages regroupant «Plus de 200 recettes des amis du collège Saint-François-Xavier». Voilà ce qu’on lit sur la couverture dessinée, comme il se doit, par l’artiste maison: Christian Merland. 

Le premier trimestre avance inéluctablement vers les fêtes de fin d’année (2002). Ce serait bien de sortir ce catalogue culinaire pour «mettre au pied du sapin de GourmandNoël»: voilà une bonne publicité! Objet pas cher – vendu 8 € –, utile, attrayant, facile d’emploi, durable, manipulable, familial, original, dont les auteurs sont des gens connus (éventuellement soi-même!), bref, un bon moyen d’améliorer la convivialité sans frais, ou quasi. Le principe, avouons-le, est excellent. On pourrait ajouter au verso: «N’oublions pas grand-maman!» Effectivement, les propositions attendues sont plutôt des recettes de grand-mère, celles qu’on aime bien et qu’on ne trouve jamais pareilles ailleurs.

Il ne reste plus qu’à se lancer dans la réalisation. Il attaque tout azimut: les profs, les parents, les anciens, les élèves, à la recherche de recettes originales, simples de préférence, idéalement peu coûteuses. Le bouche-à-oreille va fonctionner comme jamais. Le fournisseur de recette est évidemment un acheteur potentiel, voire un revendeur. Publicité, récolte, classement, dactylographie, mise en pages, impression, commandes, distribution, vente, réimpression, etc. Seul? Impossible. Heureusement, son enthousiasme fait école. Il reçoit dès le départ l’aide précieuse de Nadine Sprumont, qui va gérer la mise en page. Ils prennent chacun le taureau par une corne. Attention, le risque est grand de publier des erreurs. On a besoin d’une spécialiste, capable de relire minutieusement et de corriger les imperfections. Nous avons ça à domicile; le Collège est riche en talents. Anne Longrée connaît la musique, ou plutôt la cuisine. Je l’ai vue à l’œuvre dans les camps du Val d’Aoste: impressionnant, un vrai chef! Anne accepte, évidemment.
Le modus operandi est parfaitement défini. C’est parti. Jaminet, emballé, règle tout ça comme du papier à musique. Nonobstant, c’est un homme prudent: il est hors de question de se lancer dans une entreprise téméraire. On imprimera donc par lots de 50 exemplaires au fur et à mesure de la demande. Et pour amortir le coût de l’impression, les encarts publicitaires feront l’affaire. Eric pense à tout: son job lui a donné de bons réflexes.

Ce Cahier gourmand, mémorable, fera un tabac: plus de 700 exemplaires Sprumont-Nadine-2000.jpgen quelques semaines. Pratiquement un par famille. Eric et Nadine sont aux anges, tous les collègues, admiratifs, viennent les congratuler (enfin, j’imagine).

L’idée était trop bonne (comme disent les jeunes). Deux ans plus tard, on en parle encore. Pourquoi ne pas remettre ça? Oui, il reste une série de recettes qui n’attendent que la publication. On réamorce la pompe et, sans efforts, on vend une nouvelle série de 400 exemplaires, toujours avec la même couverture du même Christian Merland, qui n’oubliera pas de changer l’étiquette: «Cahier gourmand n°2».

Outre les recettes, bien présentées, nous trouvons une table des matières divisée en entrées, potages, plats, desserts, light et divers. Les plats exotiques mentionnent leur origine : Congo, Sénégal, Hongrie, Tunisie, Grèce, Tchétchénie, Antilles, Italie, Maroc, Géorgie, Texas, Australie, Bretagne, Provence… A propos, si vous voulez préparer du poulet à la mwambe (Cahier 1, p. 32, recette de Déborah Tshitenda), sachez que vous avez besoin, pour 4 personnes, de 3 pili-pili entiers (plus suivant le goût), mais que le vin est déconseillé, car il active le feu du pili-pili si vous épicez à l’africaine. «Dans ce cas, une bière bien fraîche est idéale.» A votre santé!

Le mobilier scolaire espéré et les poubelles indispensables sont installés dans la cour, peut-être pour des décennies. Tous comptes faits, l’entreprise n’aura mobilisé que deux personnes, Eric et Nadine, pendant moins de 6 mois – leur travail habituel n’étant en rien négligé – et aura produit un bénéfice approchant la moitié d’une… fancy fair!

Il en a sous la casquette, le petit Jaminet!

7. Retraite-service en double exemplaire

Arrivée à la gare de Ciney (toujours au Mont de Lasalle: voir Souvenirs 100 et 105) en train le mercredi 8 janvier 2003 vers midi.  Comme chaque année, le frère André Delaive nous attend sur le quai, accompagné d’un de ses Frères. Installation et dîner vite expédiés et départ vers les institutions. Gérard et moi accompagnons chacun un groupe. Je vais à l’IMP (Institut Médico-Pédagogique) où nous avons rendez-vous à 14h: la sœur Marie-Rose n’est pas là (étonnant), je l’appelle avec mon GSM pour entendre la sonnerie de son fixe à un… mètre de moi!

Nous sommes au Tabor. Notre hôte entre rapidement dans le vif du sujet: elle amène quelques résidents   du village formé par l’IMP, dont un petit Ludovic qui a l’art de nous dérider par ses pitreries. Ne traînons pas, ils savent le but de leur sortie et ils trépignent. Le temps est  glacial. Chacun tient un infirme par la main – la sœur en prend trois! Ceux-ci ont tendance à mener le train: difficile de freiner mon camarade occasionnel tant il est fort! On termine la promenade par quelques chants à la chapelle, heureusement bien chauffée. A 16h30, retour au bercail. La sœur nous dépasse à vélo en brûlant (comme l’an passé) un stop pourtant bien visible.

Dodo revient vannée du CPAS: elle a nettoyé tout l’après-midi, une grande première pour elle; mais elle ne se plaint pas. Bénédicte et Anne-Marie ont réussi à éviter de s’acharner au travail. Elles s’en vantent. 
Les six de la maison de retraite Sainte-Thérèse reviennent surexcités. Josselin raconte à la cantonade son après-midi en insistant sur le fait que je posséderais mon fan-club parmi les pensionnaires...

Le soir à 20h commence la veillée préparée par les élèves formés à la Mutu (Mutualité chrétienne). Comme l’année précédente, nous voilà plongés dans l’ambiance Star Ac’: l’équipe Nolwenn affronte le groupe Houcine. Jérôme, présentateur occasionnel, multiplie les «sans transition». L’ambiance est Retraite-Ciney-2003-1.jpgexcellente et, d’après Jérôme, de plus en plus chaude… Retraite-Ciney-2003-2.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Oui, cela va tourner à surprise-party: j’interviens gentiment mais fermement.

 

  Retraite-Ciney-2003-4.jpg

 

Tout le monde se replie sur les jeux de cartes avant de rejoindre plutôt calmement sa chambre. 

Le jeudi, réveil en chanson (Le Galérien). Les trois filles du CPAS sont déjà au travail quand nous arrivons à 8h pour le petit-déjeuner. Sophie, malade, est restée au lit; refroidissement sans doute. Je vais chercher des médicaments dans l’aile réservée aux frères âgés ou handicapés. Je confie mon GSM à Sophie avec les numéros des institutions visitées. Puis je lRetraite-Ciney-2003-3.jpg’abandonne pour quelques heures; elle n’est manifestement pas à l’article de la mort. Pourvu que sa maman ne téléphone pas, elle est capable de venir la rechercher. Sophie aura le plaisir de recevoir plutôt l’appel traditionnel du directeur Camps, sans doute surpris par la voix de son correspondant.

Gérard accompagne le groupe de l’IMP, tandis que je rejoins le home du Sacré-Cœur. Nous avons là deux petits groupes de trois préparant chacun des spécialités pâtissières de notre région en invitant les résidentes à mettre la main à la pâte. L’après-midi, nous mangeons notre production: macarons de Dison et gâteaux de Verviers.

Hervé prend le relais pour présenter un montage de dias sur Verviers. Après le dîner, Anne-Catherine se présente spontanément pour aider à la vaisselle: bravo! Aurélie distribue les pâtisseries aux personnes qui doivent garder la chambre. Tout baigne.

En relisant les notes prises à cette époque, je m’aperçois que j’avais tout organisé très minutieusement. Chaque élève avait son rôle bien déterminé: chef d’équipe, animateur des soirées, responsable d’ambiance (!), chargé des horaires, trésorier, infirmier, etc.

Mont-de-la-Salle.jpgEn revenant au Mont de Lasalle, Gérard et moi rencontrons Régis Dohogne, représentant syndical bien connu des enseignants depuis les grèves (voir Souvenirs 40 - 4 et 65) et on engage la conversation. Il est là pour présider une grande réunion de tous les secteurs de la FIC (Fédération des Instituteurs Chrétiens). Notre étonnement vient surtout de les avoir vus prier avant d’entamer leur Dohogne.jpgréunion.

 


Lemin-dep-saute-2005.jpgLa deuxième soirée, toujours organisée par la Mutu, verra ma défaite cuisante à l’occasion d’un quiz sur des matières scolaires. Audrey n’en revient pas de m’avoir battu. Je m’y attendais un peu: je suis bien moins cultivé qu’on ne le croit généralement. Le reste de la soirée est annoncé encore plus «osé» que la veille. Effectivement, certains jeux sont un peu limite, du niveau du Club Med. Nouvelle tentative pour dévier tout doucement vers la soirée dansante. Nouveau veto de ma part malgré l’insistance conjuguée de Josselin et d’Audrey. Entêtement inutile! Finalement, tous les élèves sortent dans le parc malgré le noir et le froid, mais rentrent bien à 23h comme prévu. Ils voulaient ainsi montrer leur mauvaise humeur. Quand nous allons avec Gérard les retrouver, nous entendons distinctement ces paroles sortant de l’obscurité: «v’là les casseurs d’ambiance». Mon sang ne fait qu'un tour, je n’admets pas ce jugement et je le fais savoir. Tout rentre dans l’ordre, la nuit sera calme.
Le lendemain – je change de chanson pour le réveil: «Une fleur au chapeau» –, Sophie déjeune: ouf!

Ce vendredi, j’accompagne le groupe de Sainte-Thérèse. Nous participons longuement au verre offert par Mme Isabelle (animatrice) à ses collaborateurs. Je bois du jus de fruit. Pour le dîner, ce sera de l’eau, tandis que mes élèves savourent la Ciney ou la… Rochefort! Il ne suffit pas de montrer l’exemple…

Retour assez joyeux et grands «au revoir» en chansons devant la gare de Verviers. C’est vrai que, malgré quelques petits accrochages, la retraite s’est très bien passée. Le frère André et les responsables des institutions visitées sont déjà prêts à nous accueillir l’an prochain. Rien que des louanges sur l’attitude des élèves. Nous répercuterons ces félicitations aux parents de ces jeunes bien élevés. Et les retraitants, eux, sont prêts à recommencer.


Nous reviendrons effectivement à 18 le week-end des 26 et 27 avril 2003. L’occasion est la soirée organisée au profit de Sainte-Thérèse. Souper: 10 € pour des boulettes ou du vol-au-vent.

Anne-Marie arrive in extremis à la gare de Verviers. Elle m’explique, tout essoufflée, qu’elle est trop fatiguée pour partir avec nous: trop tard pour être remboursée! Elle ne s’en formalise pas. 

Ciney-collegiale.jpgNous assistons à la messe de 18h à la collégiale de Ciney (toujours intacte en 2003; la tempête dévastatrice date de 2010). Le souper commence à 19h au hall omnisports de Natoye. Juste avant, les jeunes sont retournés dans chacune des institutions fréquentées 3 mois plus tôt. Le souper se termine par une soirée dansante: pas question d’intervenir, nous sommes dans un tout autre contexte et je ne vois pas le mal partout. Nous irons jusqu'au bout des festivités, aux petites heures. Le seul risque que nous prenons, c’est de nous laisser reconduire au Mont de Lasalle par des gens de bonne volonté, mais pas tous amateurs d’eau…
J'ai appris récemment que la nuit n'est pas un temps de sommeil pour tout le monde. Ainsi, Arnaud Freeman faisait des démonstrations d'alpinisme en passant d'une fenêtre de la façade à l'autre à mains nues, au second étage : Dieu du ciel!

Pour le retour, je savais que le papa de François Hallut viendrait chercher son fiston en voiture à Ciney pour qu’il puisse Collegiale-Ciney-14-juillet-2010.jpgjouer son match de foot à l’Espoir Minérois: gâté, va!

Quant à François Gramme, je ne sais plus par quel miracle il a récupéré le sac qu’il avait oublié dans un train.

Voilà terminés ces déplacements avec cette gentille classe, sans oublier la journée de lancement où nous sommes allés voir, sous la conduite de l’ami Gérard, des écrevisses à pattes rouges à Hestroumont.

La veille de la remise des bulletins du second semestre, nous sommes invités chez Thomas à Saint-André, où nous profitons d’un joyeux barbecue musical. Je termine l’année par la lecture de la désormais traditionnelle «lettre à mes élèves». J’en profite pour philosopher quelque peu, mais en n’oubliant pas de citer Shakespeare: «Jamais ne vécut philosophe qui put en patience endurer le mal de dents.» Je les ai quand même encouragés à lire un vulgarisateur comme André Comte-Sponville, dont voici une pensée: «Sans Gutenberg, nous aurions eu tôt ou tard l’imprimerie. Sans Villon, pas un seul vers de la Ballade des pendus. Les inventeurs font gagner du temps. Les artistes en font perdre et le sauvent.»

Dans la foulée, je m’entends encore leur lire avec délectation la Ballade des pendus, en entier!

ballade-des-pendus.jpg

« Frères humains, qui après nous vivez,
  …

 Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!»
 

Partager cet article
Repost0

commentaires