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7 septembre 2009 1 07 /09 /septembre /2009 18:40

1992 : année de transition

Nous sortons d’une période trouble, inquiétante, déstabilisante : la guerre du Golfe, qui a vu 34 nations de l’ONU attaquer, avec le blanc-seing de celle-ci, l’Irak de Saddam Hussein qui avait envahi le Koweit quelques mois plus tôt. Tous les pays occidentaux, sous le commandement américain, ont pris part à ce conflit d’un autre âge – du moins le pensait-on. La TV nous a montré la guerre en direct, plus précisément… les images que l’US Army avaient triées, puisque celle-ci avait la mainmise sur la retransmission du conflit. Dans un premier schwartzkopf-nn.jpgtemps, une propagande magistralement orchestrée a expliqué au monde qu’on peut mener une guerre «propre» à coups de frappes chirurgicales… Malgré tout, les Etats-Unis et leurs nombreux alliés n’ont pu empêcher les relents de pétrole d’atteindre les narines du spectateur berné, relents qui se dégageaient de cette expédition punitive prétendument secourable. C’est alors, surtout, qu’on a découvert dans la bouche du général Schwatzkopf, commandant en chef des troupes "alliées", l’expression aseptisée de dégâts collatéraux : les va-t-en-guerre justifiaient ceux-ci en disant prosaïquement qu’on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs. En l’occurrence, les œufs, c’étaient des routes et des bâtiments, mais surtout des civils irakiens déjà opprimés par la dictature du sinistre Saddam Hussein: Allah et son prophète Mohamed avaient-ils abandonné les Irakiens à leur triste sort?

Oui, le monde changeait, mais pas dans le sens espéré par les masses populaires.Saddam-Hussein.jpg

Mais la vie continue. Depuis le mois de septembre 1991, je suis titulaire d’une 4e math 6h. C’est une classe sympathique dominée intellectuellement par Charles-Henry Massa, qui ne fait pas trop sentir sa supériorité. Je me souviens particulièrement, pour diverses raisons, de Bruno Devos, Jean-Christophe Diépart, Marie-Annick Gouders,  Olivier Hermanns, Pierre-Yves Kroonen, Cécile Liégeois (fille d’un copain de Spéciale-Math), Pierre Sacré, Sonia Nivarlet et Valérie Masset, qui deviendra l’année suivante le souffre-douleur de Charles-Henry. La matière me plaît beaucoup, je me donne à fond dans les préparations de ce nouveau cours.

Le mois de janvier 92 me verra conduire pour la première fois mes élèves de 4e en retraite. Ma dernière expérience de cette activité religieuse datait de 1961: j’étais alors en rhétorique et nous avions passé 3 jours à Nivezé avec un prédicateur quasi aveugle qui nous avait épatés par sa foi et sa modestie.

Je pars donc pour Ayrifagne avec 23 de mes 24 élèves. La seule absente est une fille très mal intégrée dans le groupe, elle est la seule représentante de son ancienne classe de troisième (pour des raisons de choix d’option, je suppose). Vaguement inquiet, je téléphone chez elle juste avant de partir. La maman me répond qu’elle n’est pas malade, mais qu’elle ne viendra pas en retraite, parce que « les retraites ne servent quand même à rien ». Je tente de lui faire comprendre que c’est l’occasion rêvée pour permettre à Cindy de s’intégrer à la classe, rien n’y fait. Au fond, j’aurais dû punir la maman ! Sanctionner la gamine ne me paraissait pas souhaitable – elle s’était punie elle-même en demeurant à domicile. On en est resté là. Mais parlons d’autre chose.
Je dois mentionner que j’ai aussi une très bonne 3e math 6h dont voici quelques spécimens.

91-partie-3E.jpg
Et, grâce aux 3 heures attribuées à COJEREM, je n’ai que trois classes cette année-là. La dernière est une classe de 4e math 4h qui terminera l’année sans échec (ne comptons pas le 199/400). C’était la classe des Pierre Blaise, Christophe Davenne, Gérald Gardier, Marlène Giot, Antoine Grand et autres Catherine Tréfois, que j’ai rencontrée à l’hôpital de Verviers il n’y a pas très longtemps : elle est devenue infirmière-accoucheuse.

Moi, je suis en train de passer du cycle inférieur au cycle supérieur. Une transition qui se fera en 6 ans.

Et dans les hautes sphères du Collège? Rien de bien neuf. Et chez les profs? C’est Copernic en plein : chaque semaine ou presque, un groupe d’enseignants manque à l’appel des élèves. Les remplacements deviennent monnaie courante, il faut bien que la machine continue à tourner. 

1. Les bonus

Je crois que c’est à cette époque que j’ai donné un coup d’accélérateur à la méthode des bonus. Lors des interrogations, si la matière s’y prête, je pose systématiquement une petite question supplémentaire, appelée bonus, qui donne droit à des points-cadeaux, 2 en général. C’est ainsi qu’un élève qui a  tout juste, bonus compris, obtient un total surprenant de 22/20 ! C’est arrivé plus d’une fois. Cette question supplémentaire est évidemment de l’ordre du dépassement. Elle sort de l'ordinaire, je la qualifierais plutôt de subtile, faisant appel à une aptitude manifeste à la résolution de problèmes. Bref, c’est la cerise sur le gâteau. C'est fou comme ça motivait les élèves, pas seulement les plus forts. Chacun essayait de se montrer astucieux à défaut d’être studieux. Ils pouvaient tenter leur chance sans risques puisque cette question ne pouvait déboucher que sur des points surnuméraires. J’ai même posé des questions-bonus aux examens, mais sur peu de points, de l’ordre de 2%. Je craignais d’avoir l’air ridicule en cas d’examen parfait. C’est pourquoi j’annonçais aux élèves que ces points obtenus ne pourraient faire crever le plafond de 100%. Peur du qu’en-dira-t-on ? Un peu, et vieux réflexe traditionaliste plutôt que mathématique.
J’ai évidemment subi les critiques de bonnes âmes, qui se trouvaient en l’occurrence chez mes collègues : donner plus que le maximum aux interros, est-ce bien raisonnable? Le professeur ne se ridiculise-t-il pas dans cette opération? Certains parlaient d’idiotie pure et simple. Ils ne voyaient pas l’argument pédagogique, le moyen peu coûteux d’augmenter la motivation des apprenants. Pourtant, je ne faisais qu’appliquer le principe en vogue qui affirmait que les points n’étaient qu’un moyen d’évaluer l’assimilation de la matière et non une fin en soi. Chacun s’accordait alors à relativiser cette échelle de notations. J’avais beau jeu de demander: « Comment faites-vous pour  gratifier un élève qui fait plus qu’assimiler simplement la matière? Celui qui est allé plus loin que ce qu’on en attendait? Cet apprenant d’exception ne devait-il pas avoir une notation d’exception? Pour moi, c’était un faux débat. L’effet sur les élèves était positif, c’était tout ce qui m’intéressait. J’ai d’ailleurs constaté que, peu de temps après, certains profs se sont mis à appliquer la même recette, discrètement.  Bien faire et laisser dire…

Mais toute médaille a son revers. C'est ainsi qu’en 1992, j’ai en 3e un certain Ferdinand, rejeton d’une haute lignée, qui passe plus de temps à tâcher de trouver le bonus qu’à répondre aux questions normales. C’était un chevalier de l’impossible, convaincu de son génie. Mais pas convaincant! Le bon sens est la chose du monde la moins bien partagée, contrairement à ce que dit René Descartes. Mais on soupçonne fort René d’avoir écrit cet aphorisme par pure ironie.

Je remarque plus d’une fois – je suis également assez partisan du système – que les profs constatant qu’aucun élève n’a réussi à répondre à une question, suppriment cette question sans autre forme de procès, évitant ainsi un tsunami dans les notations. Allez, taisez-vous, scribes et pharisiens hypocrites!

2. De l’histoire en math

C’est aussi l’année où les jeunes m’ont prêté le plus d’attention lorsque je faisais un détour par l’histoire des mathématiques, matière qui ne figurait malheureusement pas au programme. J’ai même rencontré un élève (Pierre Stangherlin) qui m’a demandé de lui donner les références de livres traitant du sujet. Non, il ne me l’a pas demandé directement en classe, devant les autres, mais par l’intermédiaire plus discret de sa maman lors d’un rencontre programmée.

Ces tranches d’évasion étaient pour moi l’occasion de montrer que les mathématiques sont pure invention du genre humain. Ce n’est pas l’observation et l’expérimentation qui suggèrent la théorie, comme en physique par exemple. Du coup, je pouvais mettre en évidence à quel point les génies mathématiques se sont trompés avant de mettre au point leurs théories ou leurs méthodes de calcul. Et même lourdement. Il fallut des dizaines d’années pour accepter l’idée qu’on ne pouvait diviser par zéro. Ce fameux zéro n’entra véritablement dans la façon d’écrire les nombres qu’avec les Indiens du IVe siècle après Jésus-Christ, qui inventèrent aussi la numération de position (la position d’un chiffre dans un nombre indiquant sa valeur réelle: unités, dizaines, centaines, etc.).  Idées reprises et exploitée par les Arabes – d’où nos chiffres arabes, qui ne sont que des chiffres indiens déformés que nous ont transmis les Arabes. A propos de ceux-ci, je n’ai jamais oublié que l’abbé Willain, mon titulaire de 4e en 1958, commençait son cours d’algèbre par le mot suivant: الجبر, écrit en grand au tableau. Il nous épatait: écrire en arabe, quelle culture! Ce mot signifiait algèbre (al-jabr) dans sa langue d’origine. L’algèbre était donc une science fondée par les Arabes. Je ne risquais pas de l’oublier. Henri Leclercq, qui a eu le même prof que moi, se souvient encore du même épisode près d’un demi-siècle plus tard. Cette entrée en matière impressionnerait moins aujourd’hui à l’ère d’Internet.

Je montrais aussi les mesquineries des grands mathématiciens – ils ne sont finalement que des hommes – qui se sont souvent disputés pour des questions de préséance, s’accusant mutuellement de plagiat. Et ça dure toujours, plus que jamais maintenant que les prix attribués aux génies reconnus frisent les sommes généralement réservées aux footballeurs doués ou aux golfeurs d’exception. Ce cancer ronge encore les mathématiciens d’aujourd’hui d’après Alexandre Grothendieck (photo ci-contre) , mathématicien apatride né en 1928, considéré comme un des plus grands génies de tous les temps. Ce lauréat de la médaille Fields (le Nobel des mathématiques) se plaignait en 1988 de la dégradation de l’éthique chez ses collègues mathématiciens. Il fut impitoyable dans son réquisitoire contre cette caste. Pour la petite histoire, il faut savoir que Grothendieck venait alors de refuser un prix international (le prix Crafoord ) malgré les 270 000 dollars qui lui étaient associés, estimant, entre autres, que « son salaire de professeur et sa future retraite étaient largement suffisants pour ses besoins »! Par la suite, il devint un militant écologiste. Les voies du Seigneur sont impénétrables.

3. SFX sans frontières

Cette expression, que je n’ai jamais bien comprise, pourrait signifier l’ouverture sur le monde extérieur via les nombreuses activités parascolaires pratiquées au Collège. Ou encore le lieu de retrouvailles de tous les organisations dépendant du près ou de loin du Collège SFX.
C’est sans doute une invention d’Henri Defawes, préfet du parascolaire. En compulsant la revue Parascolaire éditée en 92, je m'aperçois que le Collège offre beaucoup plus de possibilités d’activités que je ne croyais. C’est même extraordinaire, mais en y regardant de plus près, la liste n’était pas à jour, quelques activités abandonnées depuis longtemps y figuraient toujours. Il n’empêche que, du côté sportif, vous pouviez pratiquer le base-ball, le basket, le volley, la boxe française, le judo, l'escalade, la gymnastique, la pétanque, l'escrime, le tennis ou le tennis de table! Pour les non-sportifs (comme le célèbre Churchill, qui recommandait plutôt le cigare et le whisky) il restait l’occasion de s’exercer à la dentelle ou à la guitare. Mais aussi aux dames et aux échecs, conseillés par Fabien Boniver. Vous pouviez même faire partie du cercle philosophique fondé par Olivier Delobel. Le tout, rue de Rome, bien entendu. Ne parlons pas des scouts ou des CVX (communautés de vie chrétienne), qui sont évidemment chez eux à SFX.

Le Collège? Une ruche. Mais une ruche assez discrète, à tel point qu’on peut vivre 38 ans à côté d’elle sans jamais être piqué.


4. Le 269
e

Au mois de septembre 1992, la SFX revue, appellation relativement nouvelle du mensuel baptisé d'abord Association des Parents puis Revue du Collège Saint-                           Revue SFX sept 1992             François-Xavier et enfin SFX revue (et qu'on nommait entre nous Revue des Parents), en est à son 269e numéro sous la férule de son second (et dernier) rédacteur en chef: le père Vincent a remplacé M. De Donder depuis la retraite de ce dernier en 1978. De Don était devenu rédacteur en chef de la revue en octobre 1969 (au moment où M.François devient président de l'Association des parents). Signalons qu'en fin des années 1970, Jean-Louis Undorf, élève puis séminariste, a tenu une rubrique littéraire très régulière.


Le n°1 date de mars 1965, le président des parents, M.Yvan Gille, y expose les problèmes du Collège et signe "un des 460 papas"...
Cette revue est une mine de renseignements.                                                                                  
Undorf-1975.jpg                           Pour les événements du Collège, petits et grands. J’en profite largement pour raviver mes souvenirs.


J’y lis un appel à la balade qui émane de l’Association de Parents: tous à la plaine Ozanam de Lambermont ce dimanche 11 octobre 1992. C’est signé par les présidents, Pierre et Anne Delooz.

                                      Legros-Jean-Marie.jpg                                       Le vice-président Jean-Marie Legros (qui utilisa pratiquement la ritournelle
publicitaire de Rodania, bien connue des amateurs de cyclisme, pour sa première campagne électorale communale) s’occupe de l’école primaire et relate les questions posées par les délégués de classes.
Elles portent sur la
drogue, les moqueries (politesse et respect des autres), les langues, les sports et l’éducation physique, et enfin les devoirs à domicile: vaste programme!

 

Le père recteur Huet écrit un petit mot gentil pour cette année scolaire nouvelle.

                                     Revue SFX sept 1992



L’équipe « Education Physique » explique aux parents les buts du cours qu’elle dispense. Le plus important pour nous, dit-elle, c’est d’aider vos enfants à devenir chaque jour plus confiants en eux, plus ouverts aux autres, plus épanouis et plus heureux. Après cela, plus de certificat d’exemption.


Le reste est de la plume du père Vincent, dont la chronique S.F.Xienne regorge de renseignements. J’y apprends par exemple que « Jean-Pierre Dumont , le leader, Michel Gaspard, Gérard Lemin, et les Anciens Alexandre Binet, Vincent Boniver, Eric Godon, Frédéric Schoonbroodt, Raphaël Fafchamps et Christian Lousberg » ont fait un périple de 1 500 km pour relier Verviers au mont Ventoux en passant sportivement par 9 cols.1992-mai-dessin-Nervenne.jpg

Ça me rappelle le premier périple organisé par Dumont, accompagné cette fois-là de Joseph Ruwet, ancienne gloire du cyclisme aubelois (Ruwet est à gauche, moi derrière l'affiche, Dumont et M-T. Blocteur à droite). Jean-Pierre avait préparé minutieusement le parcours, en calculant au kilomètre près la distance à effectuer par jour pour que les participants réussissent ce périple sans efforts démesurés.



Le hic, c’est qu’en Grande-Bretagne, pays qu’ils allaient
nt sillonner, les cartes routières mentionnent les distances en miles (1 mile = 1,609 km), ce qui avait échappé à notre organisateur. Ce fut le casus belli de la brouille entre nos deux compères. L’un (Dumont) voulait qu’on s’adapte en allongeant d’autant les étapes journalières; l’autre (Ruwet), furibard, exigeait qu’on réorganise tout le voyage en respectant les distances prévues en kilomètres. Les séquelles de la dispute sont à peine cicatrisées. 

lepiece-89.jpgRevenons à nos moutons: Marcel Lepièce, écologiste zélé, a recueilli « 20 kg de piles usagées qui n’iront pas polluer notre cher environnement ». Et on salue enfin l’arrivée de la petite Karolina au domicile de notre collègue Myriam Soret.

Cette revue est joliment illustrée par le talent de M. R. Nervenne (auteur de la fameuse caricature d’André Sauté: voir dans SOUVENIRS 40, Le maître de musique).

Ce précieux outil, véritable trésor pour l’histoire du Collège, ne passera pas l’an 2000: triste!
Erreur: en y regardant de plus près, nous avons déjà reçu la Revue (voir ci-dessous) de 2977!

On n'arrête pas la marche du temps...



Revue-SFX-futuriste.jpg

 

Je m'en voudrais de ne pas vous faire savoir que dans le numéro de février 1991, on apprend qu'Anne-Christine Defrance (1D) et Bernard Fréhisse (3F) Frehisse-1991-4E.jpgdéfendront les couleurs de SFX aux championnats du monde de ski scolaire. En juin de cette même année, des lauriers sont tressés pour le chef de Sophie Rassenfosse (6e primaire), qui a remporté le fameux concours d'orthographe du Balfroid. Sophie est la seule à réussir le sans-faute.
En mars 1992, on nous apprend qu'au 27e tournoi d'éloquence du "Lion's Club" de Spa, Isabelle Heymanns-1989.jpgHeymans (6D) et Dominic Stockwell (6A) terminent ex-aequo à la deuxième place.
Bravo à tous ces champions en herbe!

5. Où en est le club de basket?

A la fin des années 1970, "notre" club de basket quitte définitivement la salle de gymnastique du Collège (voir Souvenirs 12-4): elle est devenue trop petite pour les géants de l'anneau. Saint-François, comme on l'appelait en 1950, n'a plus grand-chose de commun avec l'institution qui a nourri cette association sportive. Verviers vient de gagner un club professionnel appelé désormais Verviers Basket-Club. Il joue maintenant en division I, les journaux locaux pavoisent, les pages sportives encensent régulièrement ces artistes et en particulier leur président, un certain Binet, devenu l'homme de la situation

– une promotion fulgurante pour cet inconnu. La valse des millions fait tourner la tête du "kop" qui n'en revient pas. Les sponsors se bousculent, Spa-Monopole fait pétiller l'équipe renforcée par des Américains. Le président investit dans le basket, paraît-il, mais son argent sent mauvais. Et c'est la chute irrémédiable, accompagnée de la honte de voir le fameux président Binet incarcéré!

Caricature-basket-2.jpgLe club disparaît avec pertes et fracas. Le Capitole est proche de la roche tarpéenne! Sa chute est d'autant plus brutale qu'il tombe du sommet.
C'est le désarroi chez les joueurs de toutes les catégories.
Inutile de préciser que les journaux locaux ont brûlé ce qu'ils avaient adoré: Ils n'ont pas manqué l'occasion de crier haro sur le Binet...
 


En attendant, c'est la débandade chez les jeunes joueurs du cru.
Non, le Collège n'abandonnera pas ses sportifs en herbe. Le 27 juin 1983, des gens courageux
Paul Fis, Dominique Grand, Simon Bosquin, Roger Louis et Jean-Marie Delobelfondent un nouveau club, qui s'appellera Collège SFX Basket Club.
Le Dr P. Defrance en fait la promotion dans La Toque n°97 de décembre 1989. Article repris en partie dans la revue du Collège de février 1990.
«Fort de la triste expérience rappelée ci-dessus, nous avons tous voulu créer un club tout à fait original par son esprit et par ses statuts. Nous avons voulumettre l'accent sur la LIBERTE des joueurs en nous engageant à accorder à tout joueur de notre club, libre de dette envers celui-ci, la possibilité de le quitter pour un an à la fin de chaquesaison et ce, gratuitement. En ne donnant le transfert que pour un an, nous empêchons de la sorte le joueur de se retrouver piégé dans un autre club qui l'empêcherait ultérieurement soit de revenir chez nous soit d'aller ailleurs en retrainsitant par notre club.»
C'est une véritable bombe dans le milieu du basket. D'aucuns parient sur la vanité de l'opération.

La première année, 33 membres s'inscrivent et la saison sportive démarre avec 3 équipes de jeunes. L'année suivante 8 équipes se lancent dans la compétition.
Après cinq années de croissance, le comité ligne 14 équipes officielles en championnat, comportant plus de 150 joueurs.
En 1992, le club aligne 18 équipes allant de la section psycho-motricité (3-5 ans) à 2 équipes première en Messieurs et en Dames. Voilà donc un club de plus de 200 sportifs en activité. Quel essor! N'a-t-il pas grandi trop vote? Effectivement, les bénévoles ne suivent plus. C'est là surtout qu'il faut recruter. En 1993, Roger Louis alerte le public du Collège: aidez-nous, venez et voyez! Roger est admirable, il ne compte pas les heures consacrées à ce club, son club. 
L'ambiance est excellente et les statuts sont respectés: l'idéal sportif n'est pas un vain mot. J'admire et j'encourage mon collègue, connaissant bien les difficultés inhérentes à tout responsable bénévole d'un club amateur (mais en football). Pourtant, je suis sceptique. Je crois vraiment que si les responsables nationaux du basket ne font pas évoluer les règlements sur les transferts, le Collège SFX Basket Club ne résistera pas à conserver son idéal à long terme: l'argent, encore lui, aura raison des bonnes volontés. Mais il faut espérer, l'action du club est tellement courageuse qu'elle mérite tous les encouragements.

                         Louis-Roger-76.jpg

Il faudrait aujourd'hui écrire un autre chapitre.


6. Une classe de 4e  mémorable

Le Collège voit passer dans ses murs nombre de jeunes gens de très grande qualité, personne n’en doute. Je trouve aussi que nous rencontrons souvent des classes exceptionnelles tant pour leurs aptitudes que dans leur comportement. Pour ma part, j’ai été particulièrement gâté comme titulaire. Je crois pouvoir dire que je n’ai eu que de très bons groupes dans les 15 dernières années de ma carrière. La classe en tant que groupe dont je garde peut-être le meilleur souvenir, c’est la 4 E 1992-93 (math 6h) dont vous voyez la photo ci-dessous.  C'est en fait la deuxième année consécutive que je dirige cette sympathique équipe. Pour ceux que ça intéresse, j’ai mis sur Facebook toutes les photos de classes (avec noms des élèves: sacré boulot !) que j'ai fréquentées en tant qu'élève (il m'en manque 5) ou professeur (il m'en manque une seule), soit 162 photos! 
4E 92-93 Cormann
92-93 : 4 E. De gauche à droite et de haut en bas.
Jean JANSSEN, Geoffray Lejeune, Michaël Kottgen, Grégory Cormann, Jean-Michel Hercot (+), Jean-Michaël Gauthy, Laurent Goblet, Pierre Stangherlin.
Laurence Hardenne, Florence Vanderthommen, Christel Boudry, Julie Honnay, Benoit Delhaes, Vincent Zintzen, Alain Camus.
Dany Heinen, Rodrigo Bellino, Jérôme Hansenne, Vincent Réga, Yannick Schyns.

Je ne sais trop pourquoi, mais la plupart des garçons de cette classe que j’ai eue deux ans d’affilée me vouaient presque de l’admiration. Ils aimaient se prendre pour mes disciples! J’ai gardé une de leurs missives où ils m’appellent Maître avec toute l’ironie que des adolescents peuvent y glisser; n’empêche, ça m’a touché. Il y avait entre nous une complicité évidente que je n’avais jamais partagée avec un groupe.


7. L'exhibitionniste

Les rhétos ont parfois publié un journal satirique prévu pour paraître régulièrement, le premier numéro sortant évidemment numéroté 1. Le malheur veut qu'on connaisse EXHibitionniste-1992.jpgtrès peu de n°2. Voir ci-joint quelques pages de l'Exhibitionniste sorti en novembre 92. Les courageux auteurs (dont les noms sont encore lisibles) sont Antoine Grand et Bertrand Ruwet.

                                                       Servais-caricature--exhibit-nov-92.jpg
           EXHibitionniste-Plantu-1992.jpgEXHibitionniste-Mignot-1992.jpg


Serait-ce Bernadette Mignot à gauche?


Voici la 4e de couverture:                                                                                                                                                                                                    
                          EXHibitionniste-4-couverture1992.jpg



Ci-dessous la couverture d'un numéro de 1985, vendu au profit du foyer d'accueil de Hollogne au prix très démocratique de 10 FB:
Elèves Babillard 1985

Je ne sais pas d'où proviennent les deux caricatures ci-dessous, peut-être d'un certain "Débloque-notes"? Sans doute les oeuvres de scientifiques B, passionnés par leurs profs de sciences.


Debloque1.jpg

Debloque2.jpg

Je viens (avril 2012) de recevoir de Marcel Lepièce (un homme précieux) un exemplaire d'un numéro 2 datant de la Saint-Nicolas 1976 : Le Loup-Phoque. Comme on peut voir, les moyens techniques utilisés (16 ans plus tôt que le précédent) sont assez rudimentaires. Aucune caricature ni photocopie ne viennent agrémenter le contenu. Pourtant, la rédaction comprend du beau monde, rien que des Philippe de 1ère scientifique B (éditeur responsable et titulaire: Jean-Marie Delobel): Demortier, Bouchat et Knott. Ils se sont fait aider par les professeurs Lepièce et De Donder tandis que le R.P. recteur Lefèbvre avait relu et corrigé cet opus.
Le jeu de mots règne en maître dans les 16 pages de cette revue très littéraire. Une page complète est réservée à un poème wallon intitulé ISTWERE DU M'PERE AVOU L'ESPAGNOL (d'après Victor Hugo). C'est signé Rod. Grosjean, je suppose que ce n'est pas un élève. Des grilles de mots croisés et de lettres cachées passionneront sans doute les grands-parents. Une page complète termine un article entamé dans la revue n°1 à propos du groupe musical (je suppose) GENESIS. On peut aussi y déguster du bout des lèvres une trop brève histoire de la bière (tiens!). Heureusement, l'humour ne fait pas défaut. Je recopie ci-dessous quelques définitions qui m'ont amusées.

OVALE: cercle ambitieux
GEOLIER : prisonnier libre (Zammaoïs)
Rhume: tempête sous-narine (Campion) Egoïsme: Moi de 365 jours (Lévy) Moignon: membre honoraire –  Placenta: extrait de naissance.1976-Loup-Phoque-num-2.jpg

Sans doute plus court et plus simple, mais les auteurs en étaient bien jeunes, voici la couverture de La feuille de chou, réalisée par la 3LG de 1975-76. Dans les plumitifs de service, je relève les noms de René-Philippe Croquet, Patrick Bartholomé, Benoît Malvaux, Jean Collard, Daniel Vielvoye, Emmanuel Weerts et Jean-Marie Boland.
         1975-76-3LG-feuille-de-chou.jpg
A l'intérieur, on découvre ce croquis d'un auteur inconnu.
 
               1975-76-f-de-chou-dessin.jpg
 

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4 septembre 2009 5 04 /09 /septembre /2009 07:30
Le petit Fabry

 J’ai connu le père Fernand Fabry (photo de gauche) – le petit, disait-on, pour le distinguer de l’autre, le prof de Poésie, surnommé Jef (l'autre photo), portant une belle brosse blanche comme coiffure – lorsque j’étais en primaire. Mon premier souvenir remonte à 1955, quand il nous faisait répéter des chants destinés aux festivités du centenaire du Collège. Je le vois encore gesticulant et articulant exagérément pour nous entraîner à entonner joyeusement et distinctement le « Vert et vieux, Franchimont » qu’il nous faisait reprendre inlassablement, jusqu’à ce que "ça pète"! Il nous impressionnait tous par sa vitalité et son tempérament de feu.

Je l’ai retrouvé l’année suivante comme prédicateur de retraite de communion à Ottomont, dans une sorte de hangar semi-cylindrique en tôle ondulée qui servait aux mouvements de jeunesse, situé à l’endroit où se trouve aujourd’hui l’église Sainte-Thérèse. Il nous avait demandé de prendre chacun un petit carnet dans lequel nous allions écrire des réflexions importantes et des résolutions « pour notre vie de chrétien ». La première page détaillait, sous sa dictée, les distances astronomiques entre la Terre, le Soleil et la Lune, ainsi que les rapports entre les masses de ces corps célestes. Nous écrivions consciencieusement des nombres gigantesques, avec des flopées de zéros (pas de notation scientifique à cette époque): ça nous en bouchait un coin. Et nous dans tout ça ? Justement, nous étions ramenés à de plus justes proportions, des fourmis dans un univers sans limites. Je ne sais plus où se trouve ce petit carnet, mais je suis sûr que je ne l’ai jamais jeté.

Le troisième épisode qui me revient en mémoire date d’une messe du Saint-Esprit dans notre église du Sacré-Cœur, le premier jour d’une année scolaire où j’étais déjà prof. Il avait eu des mots très forts pour les élèves qui n’avaient pas tout à fait réussi, des gars qui avaient des examens de passage, des mecs pétés, quoi. Le pire, c’est que ça sonnait vrai. A cette époque, il était déjà connu comme Barrabas à la Passion. C’était le jésuite qui parlait wallon dans ses sermons, un exalté, capable d’ameuter le tout-Verviers pour une affiche de cinéma un peu osée (pour l’époque !) devant le cinéma Marivaux, en face de Saint-Michel.

J'ai récemment entendu un récit de Jacques Poumay (un copain: photo de Ster-001wgauche), élève de 6e latine A en 1957-58 (pas de titulaire dans le calendrier scolaire!). Il me racontait 57-Poumay-Jacques-6-A.jpgqu'il avait eu un jésuite en latin. Etonnant, pensai-je, c'était sans doute un remplaçant, très provisoire. Il est vrai que Martiny était parti cette année-là pour faire son régendat. Précision de la part d'un garçon qui a toujours été le plus petit de sa classe: c'était un jésuite très petit. J'étais un véritable cancre en latin, continue Jacques, ma moyenne tournait autour de 24%. Lors de la remise d'un travail encore raté, il m'a saisi par les épaules, m'a littéralement soulevé de terre (malgré sa petite taille!), m'a secoué comme un vieux prunier, puis m'a craché au visage cette condamnation que j'entends encore: "tu ne seras jamais qu'un ouvrier!".
Le petit jésuite, photo à l'appui, était bien notre Fernand Fabry. J'ai toujours du mal à croire ce genre d'anecdote. Mais c'est vrai que Fabry était capable de tout. Notez que José Lambrette a aussi vécu une histoire du même genre. Mais la remarque sortait cette fois de la bouche du curé de Lambermont (paroisse Saint-Bernard), Félix Wankenne, frère des 2 jésuites bien connus, d'une soeur et d'un bénédictin (je crois). Ce Félix avait dit à José qu'il avait bien de la chance de devenir instituteur au Collège, lui, le fils d'un ouvrier!
J'ai aussi entendu Dominique Jost raconter une réaction maladroite (je n'ose pas dire méprisante connaissant le père Charlier): Jost lui apprenant qu'il venait d'avoir son diplôme d'instituteur, le père Charlier lui aurait rétorqué illico: "C'est bien, pour toi!"; autrement dit "je m'étonne que tu sois allé si loin dans tes études avec tes petits moyens..."

Comme quoi, les souvenirs embellissent souvent les choses.

Je me suis laissé dire au Collège (sans doute par M.Martiny) que, juste après la guerre, lors de la fameuse poussée communiste, le petit Fabry était allé donner la réplique dans le Limbourg aux « mineurs révolutionnaires » qui excitaient les ouvriers des charbonnages. Une fois, dans un café, le petit Fabry serait monté sur le comptoir pour être à la hauteur de ses adversaires ou pour dominer son auditoire. Pour la voix, pas de problème, il en avait. Il aurait même été à deux doigts de fonder un parti anticommuniste! Il était intenable, paraît-il.
Toujours en première ligne, dans son combat pour la foi, pour l’Eglise, pour la Belgique. Rien ne lui faisait peur. C’était un tribun aux accents volontiers populistes. Il était friand de slogans; ce qu’il cherchait avant tout, c’était d’attirer l’attention des gens. Ainsi, quand il était curé de Lincé, il avait fait paraître durant la semaine sainte une publicité dans La Libre Belgique disant textuellement: « Pâques à Lincé, Pâques à tout casser »!

Il a terminé sa longue vie de religieux comme curé d’Elsaute, village désormais  coupé en deux par l’autoroute roi Baudouin. Je lis ceci sur Internet: « Le dynamisme des Elsautois reste, quant à lui, entier et indivisible un peu à l’image de feu le révérend père Fabry, le dernier curé de la paroisse, qui proclamait haut et fort à chaque occasion la maxime reprise par le village tout entier:
« A ELSAUTE, FAUT QUE ÇA SAUTE ! ». Il décède en 1989, aimé de tous ses paroissiens, à l'âge de 84 ans.

En réalité, c’était un vrai pédagogue. A Elsaute, comme il entrait dans le chœur, juste avant les prières au bas de l’autel, il se retournait vers les fidèles et posait une question branchée en général sur l’actualité de la semaine; une question insidieuse, propre à remuer les consciences, ou une interrogation que les quotidiens avaient évitée. Il fallait attendre l’homélie pour en savoir plus. On ne regardait pas sa montre pendant qu’il parlait! Il lui est arrivé aussi de passer plusieurs semaines, les semaines de vacances je crois, sur un même thème qu’il avait minutieusement préparé. Une année, c’était la biologie. D’après une collègue versée dans cette discipline, il n’était pas à côté de ses pompes. Mon épouse et moi faisions volontiers le déplacement Lambermont-Elsaute pour l’écouter, un régal à chaque fois.

Je l’ai enfin rencontré durant un an ou deux (vers 1987) chaque lundi au restaurant self-service du Sarma, en face de l’église Saint-Lambert – l’église des Allemands, comme on disait déjà au XIXe siècle. Ce qui est bizarre, c’est qu’il venait chaque lundi en Communauté (une obligation morale sans doute), mais qu’il ne mangeait jamais avec ses confrères. Il avait alors déjà plus de 80 ans et faisait régulièrement du stop pour se déplacer, devenu de son aveu incapable de conduire sans risques sa petite Fiat d’un autre âge. Je ne sais plus de quoi nous parlions, mais je suis sûr que je devais surtout l’écouter. Je me rappelle un seul sujet avec précision. Il m’avait raconté qu’à un de ses examens de théologie, son examinateur lui avait posé une question qui l’avait fort embarrassé: « Jésus savait-il qu’il était Dieu ? » Je n’ai retenu que la question.

Il était passionnant, résolument décidé à rester dans le coup, malgré sa soutane. Il s’intéressait à tout ce qui se passait dans le monde. Persuadé de l’importance de l’avènement de l’informatique à l’époque, il était venu suivre mes cours du soir de langage basic ! Ça me faisait de la peine de le voir suer sur des Print et des Input.

A la fin de sa vie, son médecin lui avait dit de prendre du repos pour ménager son cœur. Il lui avait répondu qu’il n’avait pas le temps et qu’il aurait toute l’éternité pour se reposer…

J’ai assisté un samedi à une scène peu banale. Il ne supportait pas que des gens restent debout dans le fond de l’église, phénomène assez fréquent dans les villages. Systématiquement, avant de poser sa fameuse question à l’assemblée, s’il y avait un homme ou deux debout dans le fond, il les interpellait en disant: « Veuillez avancer, il y a encore des chaises libres », et en général les gens s’exécutaient. Cette fois-là, un homme est resté stoïquement debout à sa place. Le petit père a repris immédiatement la parole pour dire à ce récalcitrant : « Vous avancez ou vous sortez.» Le type a tourné les talons et est sorti! Tout le monde retenait son souffle. Alors, Fabry a dit très calmement à l’assemblée: « Ne vous tracassez pas, c’est un problème entre lui et moi.» Puis, se ravisant, il a ajouté en wallon: « Voci, c’èst mi qu’èst  mêsse ! »

Fabry Fernand décèsDans la Toque-Anciens d'avril 89, le père Meessen retrace les grandes étapes de sa vie. Rhétoricien en 1922-1923, sous la baguette du célèbre père Milcamps qui "nous ouvrait aux beautés de Sophocle, Cicéron, Bossuet, Fernand, tête ronde, cheveux ras, genoux au vent, Fernand futé, spirituel, gavroche aussi, ami du rire et de la farce, animait parfois les cours de M.Lejeune." Entré chez les jésuites après sa Rhéto (en même temps que deux condisciples dont le père Meessen), "Fernand se lança dans la carrière, esprit ouvert, brillant même, attaqua les études avec autant de courage que de succès."
Après le collège de Mons, il se retrouve à Liège où l'élève Georges Longrée (celui qu'on connaît tous) profitera de son action. Durant la guerre de 18 jours il était, en qualité d'aumônier militaire, impliqué dans une antenne chirurgicale. Ensuite, sans bruit, il entra dans la Résistance. "Fernand avait besoin d'avoir les coudées franches. On lui trouva une occupation à la mesure de son dynamisme: promoteur des Ligues du Sacré-Coeur."
"Il donne de 60 à 70 conférences par an, réunissant de 30 à 100 hommes et jeunes gens. "Ceci s'ajoute aux prédications ordinaires, réunions de zélateurs, action des curés, récollections par groupes de villages réunissant de 800 à 1.000 adultes. (...) Je l'imagine comme je l'ai toujours connu: un paquet de nerfs dans un corps n'acceptant que le strict nécessaire. Il arrive documenté scientifiquement, le verbe fort, aisé, délié, usant d'images simples, se servant aussi bien du wallon que du patois allemand. Il plaisait."

Musicien jusqu'au bout des ongles, il avait composé des messes, des motets du Saint-Sacrement, organisé des cours pour organistes (un de ses élèves d'Elsaute, Michel Crosset, se retrouve aujourd'hui comme maître de musique auprès du Prince de Monaco) et il tournait la pasqueye avec art et talent.

Le père Meessen termine : "Il était prêtre, uniquement prêtre tout entier au service de l'autel et de la parole. Une foi infaillible à travers les épreuves, un courage inlassable et (...) un attachement au Christ dont il était le compagnon."

Un personnage, vraiment.

 

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3 septembre 2009 4 03 /09 /septembre /2009 20:34

5. Défi relevé

Après quelques années de collaboration avec l’inspecteur Nachtergaele, je suis devenu assez familier avec lui. Peut-être un peu trop. Pour moi, sa venue au Collège consistait en un moment privilégié pour décortiquer le programme et discuter de son application. Cette fois-là, je crois que nous étions 5 à la salle de jeux (sous le préau) – l’inspecteur, Bernadette Pirotte (à droite), Luc Peeters (à gauche), Henri Leclercq (en-dessous, à gauche d'André Beaupain) et moi –, on en arrive à parler de formules d’algèbre et j’exprime mes regrets de constater l’abandon des exercices sur le cube d’un binôme, soit la formule

             (a + b)³ =
       a³ + 3a²b + 3ab² + b³


Le père Nachtergaele justifie ce changement en affirmant que cette formule est peu utilisée en math et bien trop difficile pour les élèves (tiens, s
eraient-ils subitement devenus plus bêtes ?). « D’ailleurs, renchérit-il, je mets au défi n’importe quel professeur d’appliquer cette formule sans se tromper dès que les termes sont un peu compliqués. » Moi : « Je relève le défi! » Voilà donc notre inspecteur tenu de me donner un énoncé gratiné. Motivé comme jamais, je réussis ce défi en un temps record. Il vérifie ma réponse et conclut, dédaigneux : « Oui, vous êtes très bon en maths traditionnelles.» Mauvais perdant, va!

Une autre fois – ou est-ce le même jour? –, j’avais passablement énervé notre révérend quand, n’y tenant plus, il me… gifla! Affirmatif. Mais ce n’était pas un soufflet demandant réparation, c’était presque amical. Je crois qu’il s’est retenu au dernier moment; mais sa main est partie suffisamment vite pour que je ne puisse l’éviter. Surréaliste!

6. Une diocésaine

Il n’y a évidemment aucune relation de cause à effet entre le gag précédent et la demande de pension de notre cher inspecteur. Le malheur, c’est que personne du sérail ne prend sa relève. En attendant un très hypothétique candidat jésuite, nous passons sous la coupe de l’inspection diocésaine. Pour nous, c’est une sorte de déchéance. Oui, nous avons un petit complexe de supériorité. Bien sûr, nous faisons partie de l’enseignement libre catholique, mais nous sommes d’abord « jésuites » ! S’il le fallait, pour défendre notre spécificité, nous mettrions des t-shirts ornés de A.M.D.G. (pour les non initiés : Ad Majorem Dei GloriamPour une plus grande gloire de Dieu –, devise des jésuites).
Notre directeur, obligé de se conformer lui aussi à la triste réalité, invite notre inspection désormais diocésaine à nous rencontrer, à domicile. Des gens bien informés nous annoncent une inspectrice, une certaine demoiselle Bauwens. On n’en sait pas plus quand débarque chez nous, sortant d’un énorme 4x4, cette très peu féminine inspectrice. Habillée comme un chasseur regagnant ses pénates, c’est tout juste si elle n’a pas de bottes ; cette personne veut sans doute montrer ce qu’elle n’est pas. En tout cas elle n’a rien d’une intellectuelle en mission. Nous qui étions habitués aux manières raffinées de Nach, on est tombés bien bas.
On ne peut pas dire qu’elle avait l’air sévère, non, elle paraissait traîner avec elle une terrible lassitude, un mortel ennui.

En réunion, elle se montre plutôt discrète ; elle attend nos questions. Nous lui en posons plus pour lui faire plaisir que par envie. Elle y répond surtout par monosyllabes. Poussée dans ses derniers retranchements, elle prend la tangente avec une réponse conventionnelle. Ce n’est manifestement pas une entraîneuse (vous m’avez compris), une meneuse d’hommes. Elle est d’une prudence de sioux (siouxx, comme disait l’ancien ministre Willy Claes en prononçant le x final). Incolore (c’est vrai, tout est sombre chez elle), inodore (pas sûr, on se tenait loin d’elle) et insipide mathématiquement parlant. Une fois partie, ça fait du bruit dans le Landerneau : trouvez-nous un nouveau Nach!

7. Deux inspectrices

Nos vœux vont être comblés au-delà de tout espoir. Lors d’une réunion exceptionnelle des profs de maths au collège Saint-Michel à Bruxelles  – ça devait être en 1989 –, on nous présente une paire de dames locales qui vont prendre en charge l’inspection. C’est la gynécocratie triomphante! Mais pourquoi deux ? L’une d’elles, Mme Maggy Schneider (née Gilot) –, que nous appellerons toujours Maggy (à gauche, photo de 2009) entre nous –, nous explique qu’elle a été sollicitée pour la fonction, mais qu’elle estime cette charge trop lourde pour ses disponibilités actuelles (mazette!); elle laissera donc cette charge (au moins provisoirement) à sa collègue bruxelloise Mariza Krysinska (ce n’est sûrement pas une Flamande), épouse Legrand’Henry: ça en jette!

Cette Mariza (son nom est trop compliqué), dont l’accent rocailleux trahit les origines polonaises, avec ses longs cheveux noirs et ses yeux sombres trop maquillés, a une dégaine de gitane, voire de romanichelle! La première fois qu’elle vient nous rencontrer à Verviers – moi, j’avais eu le privilège de découvrir ce personnage sur ses terres bruxelloises –, mes collègues détectent en elle le mystère troublant des femmes slaves. Je me suis laissé dire par des Bruxellois de Saint-Michel qu’en classe elle passe par des périodes de bouderie prolongée; ceux qui ne la connaissent pas peuvent prendre son comportement pour un excès de mélancolie; le mal du pays, peut-être. 

La voilà donc devant nous un jeudi matin de 1990, je crois. Elle n’est pas dans une phase apathique, tant mieux. Au contraire, elle attaque directement l’objet de son intervention par un exercice censé nous jeter au cœur du problème, de son problème; elle a le geste élégant, mais le ton confidentiel, sans doute un truc pour attirer l’attention de son auditoire, obligé ainsi de tendre l’oreille pour suivre son cheminement. Elle accompagne son discours d’un rapide schéma au tableau qu’elle semble subitement contempler, la mine satisfaite puis interrogative, comme si ce dessin lui inspirait une réflexion inattendue, qu’elle s’empresse de répercuter d’un air tracassé. Un long silence s’installe, le temps à ses professeurs-élèves (ou le contraire) d’assimiler la question. Puis, subitement, elle s’enflamme, saute sur l’estrade (je crois, je ne sais plus s’il y en avait encore), en tout cas elle s’agite et parle haut, son débit s’accélère le temps d’arriver à une nouvelle interrogation qu’elle répète en détachant bien les mots. C’est le nœud du problème, nous sommes au cœur de l’intrigue. Elle se tait, le corps immobile légèrement penché en avant, la craie tenue ostensiblement entre deux doigts, comme une invitation. Seuls ses yeux noirs bougent encore, nous interpellant chacun. Elle a le regard inquisiteur du directeur de conscience devinant que son protégé cherche un faux-fuyant à la question existentielle qu’il vient de lui poser. Elle est en train de culpabiliser tous ceux qui ont perdu le fil de sa démonstration. Tous ses gestes sont calculés, répétés: elle a dû se regarder dans une glace, on dirait un acteur de théâtre chevronné qui tient son public en haleine, juste avant de prononcer la phrase que le critique littéraire de service mettra comme titre de son compte-rendue. On est surtout attiré par sa gestuelle. Je voudrais bien épater la galerie en fournissant la réponse attendue, mais j’ai perdu le fil. J'en suis resté à l'admiration de l'évolution son jeu de scène inattendu (j'allais dire de son jeu de jambes; mais ce n'est pas boxeur. Quoique... ) Puis, prenant un peu de recul, je me demande si l’un de mes collègues, découvrant ce personnage improbable, ne va pas s’esclaffer vaincu par une attaque insidieuse de fou rire. Heureusement, Jean-Marc Charette (photo ci-contre), le seul à avoir saisi l’astuce (comme dirait Pia) du problème posé, donne la bonne réponse au soulagement général. Nous sommes sauvés, le supplice mental vient de prendre fin et Mariza de conclure dans la foulée, rayonnante, avant de saluer à sa façon (raide comme un torero) le public intérieurement enthousiaste. Bravo pour le show! On aurait dû l’ovationner. Quelle bonne femme! Ça nous change de la taciturne Bauwens.

Après avoir relu le paragraphe précédent, je suis convaincu que la mémoire enjolive la réalité, ou du moins la transforme! Ou invite au lyrisme dans des cas exceptionnels.

Si les façons de Mariza sont surprenantes, voire déroutantes, ses idées mathématiques ne le sont pas moins. Elle sort décidément des sentiers battus. Finalement, son exhibition mise à part, ses suggestions nous laissent sceptiques. Son enthousiasme sur commande n’a pas fait l'unanimité. On apprécie l’interprétation, mais on goûte très peu le contenu. Personne n’est vraiment convaincu. Plus prosaïquement, la seule question que l’on se pose, c’est de savoir si c’est elle qui va continuer à nous coacher ou si la blonde Maggy prendra bientôt le relais. On n’est sûr de rien: Verviers est si loin de la capitale... En fait, Mariza va se faire débarquer en douce. On ne la verra plus à Verviers. L'art des jésuites!

8. Maggy l’unique

Après une bonne année d’hésitations, Mme Schneider se décide enfin à nous chaperonner, seule. Exit Mariza, voici Maggy ! Elle est toujours professeur à l’Université de Namur et à Saint-Michel, donc autant de travail, mais elle a peut-être trouvé une immigrée sans papier ou une Marocaine désœuvrée pour s’occuper de son ménage à Overijse, commune riche, y compris en problèmes linguistiques récurrents !
Dès sa première intervention, on sent qu’elle a mûri la question, elle va se donner les moyens d’agir. Elle décide de faire l’état des lieux, mathématiquement s’entend. Pour y arriver, elle a besoin d’une nouvelle structure qu’elle crée ainsi: chaque école est invitée à déléguer son coordinateur
de maths (ou un prof faisant fonction); celui-ci bénéficiera d’un détachement de 2 ou 3 heures de son horaire (en principe) pour lui permettre de participer aux réunions bimensuelles qui se dérouleront le jeudi après-midi à Namur, de 14h à 17h. Ses souhaits sont des ordres. On va donc former autour d’elle un groupe de 8 profs représentatif de l’espace mathématique de la Province méridionale belge. Cela donnera le Cojerem dont j'ai déjà parlé (voir SOUVENIRS 30).
En fait d'inspection, Maggy ne croit pas beaucoup aux visites en classe.Elle ne les fait que contrainte et forcée par les directeurs. Elle voit plutôt son rôle comme une animatrice de rencontres avec les professeurs, une facilitatrice de collaborations entre enseignants, une personne chargée de susciter la réflexion mathématique et d'orienter le travail. Maggy sera aussi obligée de réagir aux innovations pédagogiques (genre compétences) qui traversent toutes les disciplines. Là, disons-le, elle montrera son intelligence pratique, refusant de se laisser coincer par ces réformes mal ficelées. Je dois dire que c'est une responsable très accessible, qui donne volontiers la parole aux profs, et qui réagit sans dogmatisme, avec beaucoup de diplomatie et de réalisme. En outre, elle a horreur d'utiliser des arguments d'autorité.


Pour terminer, voici une anecdote concernant la dernière visite à Verviers de notre conseillère pédagogique (expression destinée à remplacer le terme trop sévère d’inspectrice). La dernière pour moi, en 2004 je crois. Il faut savoir que Maggy avait fait une chute de cheval aux conséquences assez dramatiques : elle dut passer sur le billard et subir des soins prolongés pour un coup de sabot en pleine figure. Elle était pratiquement remise de ses émotions lors de ladite visite, qui regroupait au Collège les profs de maths des deux instituts verviétois de la Compagnie. Struc était là, je pouvais donc préparer mon coup avec un complice dans la salle. J’avais décidé d’amuser la galerie en avertissant discrètement mes collègues: j’interviendrai souvent, avais-je prévenu, en glissant dans chacune de mes phrases un mot qui rappelerait ce sport équestre de sinistre mémoire pour Maggy. J’ai donc interrogé celle-ci sur l’attelage que les jésuites nous proposaient enfin pour conduire la dernière réforme en cours ; je parlai des élèves désarçonnés par la méthode jetée cavalièrement à nos poulains mal entraînés. Je réussis, si mes souvenirs sont bons, à placer les chevaux de trait, les gros sabots, la bombe, le harnais, le pas, le trot, le galop et les œillères. Les fous rires difficilement réprimés n’eurent pas l’air d’éveiller la méfiance de notre conseillère, bien trop occupée par son discours mathématique. Elle devait à tout prix tenir de près les rênes de ce carrosse brinquebalant de professeurs de maths de tous poils et de tous niveaux. Elle reçut donc mes coups d’éperons sans dévier de sa trajectoire et sans vider les étriers, cette fois-ci…

Merci, Maggy, pour ce bon moment, et les autres.

Depuis quelques années, Maggy est devenue professeur à l'Ulg, avec la même fonction et le même traitement qu'aux Facultés de Namur, mais avec des prestations deux fois plus légères. Qui aurait raté cette occasion à sa place? Surtout qu'elle trouve là-bas une liberté totale et pas de sectarisme genre ULB par exemple. Elle a donc quitté définitivement les jèzes qu'elle ne regrette pas vraiment: ils auraient montré à son égard un esprit mesquin qui cadre mal avec leur prétendu détachement légendaire. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir toujours d'excellents rapports avec une grosse partie du milieu enseignant  catholique (si je peux oser cette expression).

Pour nous, ex-membres du COJEREM défunt, ce qu'elle fait aujourd'hui de mieux, c'est de nous réunir une fois par an pour deviser joyeusement devant une table accueillante. Pourvu que ça dure!






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20 août 2009 4 20 /08 /août /2009 18:48
MES INSPECTIONS

  1. Avant tout

Je commence à donner cours en septembre 66 et je rencontre pour la première fois mon inspecteur jésuite fin août de la même année (voir SOUVENIRS 5 -1), donc avant de voir mes premiers élèves et mes nouveaux collègues ! En fait, je suis engagé par le recteur André Nachtergaele, qui m’informe que l’inspecteur de maths est son frère Jean, jésuite comme lui, qui donne justement un recyclage sur les maths modernes les trois derniers jours du mois d’août. Qu’auriez-vous fait à ma place ? Il me conseille d’accompagner M. Héroufosse , Heroufosse-57.jpgprof de maths local. Quand j’ai découvert mon chauffeur, je me suis dit: mais c’est Pia! Je ne le connaissais que par son surnom. Je rappelle la comptine à ce sujet: Qui ch’est cha Pia ? Ah ! Pia, ch’est un homme qu’a la bouche comme cha (…): en disant cela, on faisait une grimace avec la bouche de travers, ce que M. Héroufosse avait un peu, d’où son surnom.

J’ai donc commencé carrière par trois jours de… recyclage. Nach – comme le surnommaient les profs de Saint-Michel à Bruxelles, où il donnait la Spéciale-Math  – était un réformiste modéré, il voulait recycler petit à petit ses profs de maths en lançant quelques troupes dans la bataille. Saint-François-Xavier, le collège de son frère, serait l’avant-garde mathématique des jésuites. Namur en faisait peut-être aussi partie, pas sûr.

2. Inspecté par deux frères

Selon toute logique, le directeur d’une école se doit d’aller inspecter ses jeunes profs sur le terrain, surtout ceux qui ne sont pas encore nommés. Ce que fait donc mon Recteur, un mercredi à 11h10. Il est tombé sur une leçon d’arithmétique, Les nombres illimités périodiques, si je me souviens bien. Il m’a fait un rapport assez flatteur dont j’ai retenu une seule considération toute benoîte, comme son auteur : « Le professeur (moi) montre beaucoup de respect à l’égard de ses élèves. » J’ai distillé avec une certaine fierté ce compliment rectoral dans ma petite famille, déjà si fière d’avoir dans ses rangs un professeur des jésuites.

Bien entendu, le Recteur ne se s’est pas mêlé de la partie mathématique de la leçon. Ce domaine est réservé à son frangin. Je revois celui-ci très vite lors d’une leçon de maths traditionnelles (les maths modernes ne commenceront qu’en 1967) en quatrième. Je me crois obligé de lui montrer que je suis dans le coup pour les maths modernes et je fais durant mon cours une brève allusion à cette matière ; Nach et Misson 1980allusion brève mais encore trop longue, car elle montrait que je ne maîtrisais pas suffisamment cette matière ! J’aurais mieux fait de m’abstenir plutôt que de montrer que je confondais deux notions aussi simples que la réflexivité et la symétrie. L’inspecteur ne manqua pas l’occasion de m’épingler dans son rapport écrit, qui était nonobstant très positif. Quelle gaffe ! Je m’en veux encore aujourd’hui. Mais je trouve que Nach avait raison de pointer ainsi mes lacunes, voire mon immodestie. Il faut rabattre le caquet des ces débutants qui croient tout savoir. 

L’année suivante, je suis dans le bain de la réforme avec une (excellente) classe de sixième (voir Souvenirs 8). Lors d’un nouveau recyclage donné par notre inspecteur jésuite, nous rencontrons deux collègues de Namur chargés par lui et sous sa direction de mettre au point des notes dactylographiées appelées à devenir un syllabus, voire un manuel à l’intention des collègues de nos collèges. Il faut dire que les ouvrages de référence étaient plus que rares en la matière. 
En découvrant les notes de nos deux Namurois (Louviaux et Van Cutsem), je m’aperçois que tout un chapitre est basé sur une erreur assez grossière, déjà contenue dans le titre: le groupe des rotations. J’explique dans les grandes lignes. En math, pour pouvoir parler de groupe des rotations, il faut, mais ce n’est pas suffisant (condition nécessaire non suffisante!), que la combinaison de deux rotations successives soit égale à une seule (autre) rotation.
Pas de panique, un petit dessin vaut mieux qu’un long discours. Je vais donner un contre-exemple ROT.jpgflagrant de cette affirmation. Je pars de la figure noire (le L noir) notée M, père Inspecteur, et je lui fais subir une rotation d’un demi-tour (180°) et de centre O. Le L noir se retrouve alors dans la peau du L rouge (M'). Continuons en faisant subir au rouge une nouvelle rotation d’un demi-tour, mais cette fois de centre P. Le rouge M' se retrouve dans le noir M'' et ces deux L ont des ailes parallèles!  La question est maintenant celle-ci: existe-t-il une rotation qui appliquerait directement le L noir, noté M, sur le L noir M''?
Mais où donc serait son centre? Nulle part! Donc parler du groupe des rotations est excessif
(je pensais inepte) Révérend Père. Oh! le mal n’est pas bien grave (faux cul, Janssen!), il suffit d’ajouter de même centre derrière le mot rotation, chaque fois qu’il apparaît dans le chapitre, et le tour est joué. Effectivement, il est aisé de prouver que la composition de deux rotations de même centre O, l’une de 90° et l’autre de 45° (dans le même sens), donne une rotation de centre O (toujours) et de  
                                           90° + 45° = 135°.
On peut donc parler du groupe des rotations de même centre.
C.Q.F.D.
Pas peu fier, le jeune Janssen!
L’inspecteur Nachtergaele, marri et confus, jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus à faire confiance à ces deux lascars. Ils publieront pourtant des manuels chez De Boeck, maison sérieuse. Et ça leur permettra, m’a-t-on dit, de quitter l’enseignement bien plus tôt qu’ils ne l’avaient envisagé.

3. Becket, mon ami

Nous sommes en janvier 68, c’est ma deuxième année de cours au Collège et à Saint-Michel, où je suis devenu titulaire de la 1re Techniques Commerciales. Ici, pas question de maths modernes, l’inspecteur officiel est contre ! Le directeur Deliège m’a vivement conseillé d’adopter le tout nouveau manuel de math écrit sous la direction explicite – son nom figure en bonne place sur la couverture – de l’inspecteur de math de l’Etat chargé de l’enseignement technique, M. Becket. Il s’agit de l’œuvre d’un fervent adversaire de la rénovation des maths. Donc, dans la même école, selon qu’on est en Modernes ou en Techniques, on a des maths modernes ou traditionnelles. 
Un beau jour, débarquent dans ma classe le directeur et notre fameux Becket himself. Je panique un instant en réalisant que la leçon préparée n’est vraiment pas intéressante : des exercices assez répétitifs. Comme je viens de voir un théorème de géométrie en suivant pas à pas les instructions (classiques) du nouveau manuel, je change mes batteries et je reprends cette démonstration après en avoir averti mon auditoire. La classe participe bien et le cours se déroule comme prévu, en terminant par l’utilisation du manuel où figure textuellement la démonstration vue. Vous voyez, mes amis (je n’ai sûrement pas conclu ainsi, car ce n’était pas mon style d’appeler les élèves mes amis), nous parlons comme un livre! Prenez votre journal de classe… et la minute suivante, la sonnette retentit. Du cousu main. A cet instant, l’inspecteur se lève et, parlant haut et clair afin que nul n’en ignore, il s’adresse à moi en disant textuellement : Monsieur, pour un débutant, vous faites merveille! 

D’un côté, je suis heureux en voyant la mine anormalement réjouie de mon directeur ; d’un autre côté, je suis un peu vexé: M. Becket me prend toujours pour un débutant alors que je donne cours depuis plus d’un an!
J’apprendrai dans le bureau du directeur que celui-ci était d’autant plus heureux que ça s’était très mal passé juste avant avec un autre collègue dont j’étais évidemment le cadet. Je me demande si ce n’est pas ça qui me faisait le plus plaisir; non, je n’étais pas comme ça, pas déjà.

4. L’exigeant M. Sart

Le lundi 9 novembre 1970, mon journal de classe en fait foi, je sors d’un cours sur le P.G.C.D. en 5e Moderne pour aller prendre ma tasse de café durant la récréation. J’aperçois dans la salle des profs un inquiétant trio: les pères Recteur et Préfet des études (Capelle et de Lannoy) sont en grande discussion avec un troisième homme que j’ai déjà vu quelque part. En effet, il s’agit de l’inspecteur de math de l’Etat, il assistait à nos examens oraux de fin de première année du régendat. J’ai retenu son nom: l’inspecteur Sart. Comme la section Modernes naissante – on en est à la 4e, donc à la troisième année du cycle inférieur – n’est pas encore homologuée, sa visite est capitale pour le Collège. Dès qu’il m’aperçoit, Capelle plonge sur moi et me pousse un peu à l’écart. Il a l’air embarrassé. M’annonçant que l’inspecteur veut absolument me voir donner cours en 5e Moderne, d’où je sors (il aurait pu se lever plus tôt), il me propose la solution suivante : je redonne cours dans cette classe que je viens de quitter, mais à 11h10, le moment où j’ai normalement cours en 5LM. Pour me remplacer dans cette 5LM, le Recteur m’indique que le nécessaire a été fait, le père Ernotte s’occupera des élèves. D’accord, mais moi je ne veux pas donner la suite du cours qui postule que les élèves ont étudié et digéré le cours que je viens de leur donner. Pas de problème, me dit Capelle, Sart vient juste pour juger du niveau du cours! On me présente enfin à l’inspecteur pour lui annoncer qu’effectivement, il pourra me voir à l’œuvre à 11h10; seulement, il voudrait pouvoir examiner l’après-midi des documents genre interros de cette 5e Moderne. Moi (très conciliant et même un peu mielleux) : « Vous voyez, Monsieur l’inspecteur, quand j’ai corrigé les interrogations, je les rends aux élèves, mais ils ne les prennent pas avec eux tous les jours. Dommage que je n’aie pas avec moi les examens tout récents de la Toussaint. Notez que je pourrais aller les chercher sur le temps de midi.

Lui (énervé, même pas reconnaissant): « Oui, mais c’est que je dois aller ailleurs après-midi, je voudrais faire ce travail durant l’heure du dîner. »

Je me dis alors que c’est un véritable stakhanoviste, cet inspecteur! Et pas commode avec ça, ce n’est pas une proposition qu’il me fait, ça ressemble à un ordre.

Je vois alors mon copain Gillot (photo ci-contre), très détendu devant son café. Gillot-Jean-1982.jpgJe me précipite sur lui après m’être excusé auprès de l’inspecteur. Je tâche de présenter la situation avec un air détaché alors que je suis sur des charbons ardents : «  Jean, question de vie ou de mort, mon lieutenant (il est officier de réserve) ! N’aurais-tu pas une heure de libre ce matin? » Il me répond très normalement : « Si, pourquoi? » Je lui explique aussi vite que possible tout en tâchant d’être clair : «  Pour aller chez moi chercher les examens corrigés de la Toussaint : c’est pour l’inspecteur, tu comprends, c’est urgent. » Je vois bien qu’il trouve la proposition insolite, il hésite un peu : « Mais, je ne connais pas bien ton appartement, comment vais-je trouver tes interros? »

Je lui donne mes instructions : «  Voici mes clés, j’habite au 14, tu vois la rue. Tu ouvres, si le locataire principal – qui est un gendarme – t’intercepte, tu lui dis que tu viens de ma part et que c’est vital…Bref, tu lui expliques la situation. Tu montes au second, tu ouvres la deuxième porte et juste en face, dans la petite armoire, en bas à droite, le paquet est là. Tu ne peux pas te tromper. Grouille! » 

Gillot a réussi cette mission périlleuse 5/5: il s’en souvient encore aujourd’hui. 
Quant à la leçon devant la classe, renforcée par ce trio de personnalités, pas de problème. En cas de besoin, je faisais appel à Patrick Barvaux (voir sa photo à 13 ans) qui avait réponse à tout. A propos, Patrick est papy depuis peu (nous sommes en 2009), sa fille Catherine Barvaux Catherine 1997(ci-contre, à 15 ans), aussi mon ancienne élève, venant d’avoir son premier bébé. Eh oui! le temps passe…

Je n’ai jamais reçu de rapport pour cette leçon, ni de commentaire oral, je n’ai jamais revu M. Sart, sans doute trop occupé. 

Mais on a eu les subsides. Pas seulement grâce à moi: Luc Peeters avait aussi été inspecté le même jour et puis il n’y a pas que les maths, évidemment.

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5 août 2009 3 05 /08 /août /2009 04:36

Les balades de Raymond Gaillard

La semaine précédant le congé de Pentecôte 1966, Raymond Gaillard, professeur d’anglais et de néerlandais de son état, affiche à la salle des profs un quart de feuille proposant une balade en Fagnes pour le lundi suivant, 31 mai. Le départ aura lieu au Collège à 9h45, il est souhaitable de s’inscrire sur le papier en question.
C’est ainsi que naquit la célèbre balade en Fagnes du premier jour d’un congé. Ce lundi-là, ils étaient quatre: Fernand Poumay, Alfred Cormann, Lino Portolan et notre Raymond à la manœuvre, avec sa carte militaire, son bâton et sa pipe. Le temps est beau, la Fagne aussi, le trajet raisonnable: 10 km et, cerise sur le gâteau, une bonne fricassée à La Couronne à Jalhay. Pour sûr, on remettra ça. La publicité se fait facilement dans un petit collège comme le nôtre.
Effectivement, le même petit papier, avec le même texte, à la date près – l’heure est invariablement 9h45 pour être sûr de partir à 10h: tout le monde n’a pas la ponctualité de Raymond – est affiché au même endroit la semaine précédant les congés de Toussaint, Noël, Carnaval et Pentecôte. On part systématiquement le premier jour de congé, dimanche exclu. N’oublions pas que c’est toujours la semaine de 6 jours à l’époque.

(Sur la photo ci-dessus datant probablement de 1974, on reconnaît, debout, de gauche à droite: Jacques Camps, le mari d’Arlette Chrobot, Alfred Cormann, Raymond Gaillard, Jean Janssen, Jean Lemaire et Joseph Van der Hoeven. Assis: Mme Camps, Arlette Chrobot, René Trokay et Marcel Teller. Remarquez qu’Arlette et son époux portent le fameux t-shirt du Collège, vert avec parements bleu, dont les 2 loups de Loyola)
Ces promenades, dont le tracé varie d’une fois à l’autre, recueilleront un certain succès et suivront un rituel immuable pour devenir une tradition, le pain blanc de Raymond: départ en voiture du Collège à 10 heures en préconisant le covoiturage;  cadence et trajet réglés par notre guide minutieux; arrêt systématique aux environs de midi dans un endroit propice au repas forestier; ramassage de petits bois et de brindilles pour nourrir le feu qui va servir de barbecue et d’atmosphère; dégustation de saucisses grillées, parfois gaillard-03.jpgaccompagnées d’un petit coup de vin rouge (les jours fastes); après le repas, le repos: méditation silencieuse et si possible immobile d’une demi-heure; le tabac de la pipe du doyen (depuis 1978, c’est le titre officieux  réservé au professeur actif ayant presté le plus d’années au Collège) parfumant la clairière; extinction du feu et dispersion des cendres; remise en route progressive. Il va de soi que personne n’a jamais oublié sur place le moindre papier ou une boîte vide. La mode n’était pas encore à l’écologie que la pratique existait déjà. Les conversations reprennent au gré des rencontres, le ton de celles-ci baissant très nettement lorsqu’on doit traverser une région de têtes de mort, ces touffes de végétation formant des petites buttes évoquant le crâne d’un malheureux enlisé dans le marécage, et dont le grand nombre casse la cadence tout en mettant à rude épreuve les genoux et les chevilles. Des haltes sont judicieusement proposées par notre guide-animateur, qui en profite pour faire une photo du groupe ou du paysage: ça peut toujours servir pour ses tableaux de Fagnes, qu’il expose chaque année au Chanteloup à Stembert, son pays d’origine (je vous les recommande, j’en ai acheté un magnifique). Marcel Teller, autre peintre talentueux, a aussi l’œil et le commentaire du professionnel. On profite parfois des connaissances scientifiques de Marcel Lepièce, d’Alfred Cormann ou d’Eric Laurent.

En fin d’après-midi, on commence à penser à la douce chaleur de l’établissement choisi pour nous recevoir et nous désaltérer. Ah ! quel beau pays nous avons, quand on y pense ; c’est vrai que le temps n’est pas toujours de la partie, mais, au total, il ne pleut pas si souvent qu’on le croit: nos statistiques en font foi. Et puis la pluie du matin n’arrête pas le pèlerin, c’est bien connu

Arrivés aux voitures, on se déchausse, on se décrasse un peu et on se prépare au retour à la civilisation, qui sera d’abord une bonne bière (catholique !) pour certains, un café bien chaud ou un Cécémel pour les autres. Les moins pressés prennent hardiment un second verre – attention aux contrôles ! – tandis que les autres s’en vont l’esprit serein après avoir souhaité un bon congé à chacun des participants ; la prochaine, c’est quand ?
Voilà des moments où chacun peut se dire qu’il fait le plus beau métier du monde…
D’autres vous diront que c’est alors qu’on comprend l’expression « la grande  famille du Collège ». N’oublions quand même pas trop vite les élèves, qui nous attendent avec impatience…
Le 20 mai 75 (c’est le doyen qui m’a donné toutes ces précisions), on en arrive à la 25e  balade, longue de 14 km pour 14 courageux, dont Raymond (obligé), Jean Lemaire, Dominique Willem, Marie-France Dethier, Henri Héroufosse (revenu pour l’occasion) et moi. Les autres, je ne m’en souviens plus, mais je suis presque sûr qu’il y avait aussi des habitués de cette époque comme  Marcel Teller, Fernand Poumay, Alfred Cormann, José Lambrette et Joseph van der Hoeven, accompagnés ou non de leurs épouses, plus le R.P. Van der Biest, seul. Ce soir-là, pour marquer l’événement, on prend un bon repas à la Maison Fagnes de Solwaster, dirigée par une certaine Madeleine, fille sympathique au comportement viril et à la voix mâle qui, malheureusement, se retrouve aujourd’hui en chaise roulante. Je me souviens que l’ambiance était excellente et qu’elle s’est d’ailleurs prolongée chez moi pour quelques-uns, dont Jean Lemaire, qu’on n’avait jamais vu aussi joyeux.
Lemaire-Jean.jpg
La 30e promenade entame le congé de Toussaint, on s’y retrouve à 23 pour manger la fricassée à Ovifat.

Je me rappelle une anecdote qui doit se situer à cette époque. Il fait beau, nous sommes gais, le dîner s’est très bien passé et notre chemin longe une rivière qui s’étend paresseusement 2 m plus bas que nous. Mais le terrain est accidenté et nous sommes obligés de marcher en file indienne. Je suis derrière le guide qui, subitement, trébuche sur une souche d’arbre et chute lourdement sur le dos 2 m  plus bas! Comment va-t-on le retrouver? Les vertèbres ont-elles résisté à pareil traumatisme? Raymond n’a pas l’air de souffrir, on descend pour l’aider, mais il est debout avant notre arrivée: son sac à dos l’a sauvé !
Il continuera la balade comme si de rien n’était et ne souffrira jamais d’aucune séquelle: un miracle ! Je fais remarquer au passage que notre solide doyen n’a perdu aucune journée de travail pour maladie sur 39 ans de carrière! Un comble s’il avait été en incapacité de travail après une balade censée nous détendre.

Le 7 avril 79, on termine la 40e  édition par la quasi-traditionnelle fricassée à Maison Fagnes à Solwaster. Raymond sait se faire aider, il demande parfois à d’autres collègues de nous emmener sur des chemins qu’il connaît moins. Nous suivrons 6 fois Alfred Cormann, qui en fait d’ailleurs son passe-temps favori à l’heure actuelle. Ce sera parfois le tour de Thomas Lambiet (2), de Jean-Pierre Dumont (3), de José Lambrette (3) ou de René Trokay. Marcel Lepièce aussi nous fera marcher, de même que Joseph van der Hoeven (2). Joseph Ruwet laissera son vélo pour nous conduire à pied du côté d’Aubel tandis que Jean-Louis Hamès nous fera découvrir les charmes de la campagne stembertoise. Disons toute la vérité, notre gaillard de Raymond en ratera une pour cause d’enterrement!

Pour la 50e du 14 novembre 1981 (tiens, c’est un samedi, mais il est vrai qu’on a depuis longtemps la semaine de 5 jours), Raymond a fait les choses en grand : son affichette est devenue une véritable affiche exposant les statistiques des 49 promenades passées: on a marché au total 725 km, ce qui donne une moyenne de 14,7 km par sortie; ça représente environ 200 h de présence à l’air pur : bravo ! La plus courte ne comptait que 9 km, tandis que la plus longue en faisait 21. La publicité va marcher – c’est le cas de le dire – comme jamais: 51 participants ! Du jamais vu. Dans les renforts, on trouvera les Gillot, les Kupper, les nouvelles venant d’Eupen: Liliane Schmits et Jacqueline Heins, Alain Halleux, etc. Bref, le ban et l’arrière-ban… Le temps n’est pas mauvais, mais il fait assez humide. Je réussirai à faire 13,2 km avec mes gros souliers sans encombre: mes pieds sont restés au sec. Une chance. Mais il reste 300 m à parcourir et, plouf, ma jambe enfonce dans un trou d’eau jusqu’aux fesses! Mince, on a rendez-vous immédiatement après pour le souper à l’hôtel de Béthane ! Heureusement, ma femme doit venir m’y retrouver. Je la préviens de m’apporter des vêtements de rechange et la catastrophe devient une anecdote. Alain Halleux, lui, venant sans doute en Fagnes pour la première fois de sa vie, avait des mocassins de ville et un sachet de chez Wibra (ou d’ailleurs): il était arrangé, le pauvre garçon! Mais il était quand même plus heureux que le jour où des élèves avaient volé son pantalon pendant qu’il faisait du volley avec nous sur le temps de midi…
A Béthane, 70 personnes sont présentes pour voir les diapositives retraçant l’historique des 49 premières promenades des Collégiens. C’est alors que je m’aperçois –  avec quelle  surprise! – que les maris respectifs des « Eupenoises » Liliane et Jacqueline, connues seulement sous leur nom de jeune fille, sont de vieilles connaissances à moi. L’un de Spéciale-math à Saint-Bar, l’autre du club de football de Dolhain. Mes amis, quelle fête ! Nous avons fait la fermeture du restaurant de Béthane et celle d’un café de Dolhain. Heureusement que les épouses savent conduire.

La 75e, de 14,5 km, aura lieu le jour de la Saint-Valentin de 1988. On compte 20 courageux au départ et 25 à l’arrivée à l’Auberge du Wayai à Sart, où la fricassée est précédée d’un potage: un luxe!

Je me souviens d’un jour où nous n’étions que trois: Alfred, Raymond et moi. La Fagne dormait sous un épais manteau blanc, le soleil lui donnant un éclat tout particulier : superbe! Et avec ça un silence religieux dès qu’on arrêtait le crissement produit par nos indispensables bottes. Un moment de pur bonheur. Les nombreux absents, que la grisaille de Verviers et les routes présumées glissantes – elles étaient mieux dégagées à la Baraque Michel qu’à Lambermont – avaient découragés, ont tout perdu en restant au coin du feu. La fortune sourit aux audacieux! (Photo ci-dessous)
fagne-enneigee-76.jpg

Il serait impardonnable d’oublier ce 29 février 92 (année bissextile) où les marcheurs de Saint-François-Xavier parcoururent 20 km dans les environs de Banneux pour assister en fin de promenade, à la chapelle Marie-Médiatrice, à une messe dite par Thierry Monfils. Le corps fatigué laissait l’esprit s’élever…
C’était, si vous voulez tout savoir, la 88e. Un an plus tard, le 29 mai, on termine chez Mme Monami à Polleur, qui nous a préparé des petits toasts tombant à pic ! Raymond, la précision personnifiée, m’a dit que c’était la 93e! Si le terme n’avait pas pris, depuis les années vingt, une connotation péjorative, je l’aurais volontiers surnommé le Duce
Benito Gaillard regrettera amèrement le décret pris par la Région Wallonne interdisant désormais de sillonner la Fagne aux groupes non accompagnés d’un guide-nature. Il retrouvera le sourire en apprenant qu’Eric Laurent et Alfred Cormann ont décroché ce précieux sésame.
Je ne suis pas allé à toutes, loin de là, mais chaque fois que j’ai profité des lumières de notre cher guide, toujours souriant et discret, ce fut une journée de gagnée. Même chose pour ses coadjuteurs, qui en avaient pris de la graine.

Je me reprocherai toute ma vie un coupable oubli : c’était un vendredi, veille de balade, et Raymond s’inquiétait de constater que son papier, destiné à recevoir les noms des participants, était désespérément vierge. Je le rassurai en lui promettant ma présence marchante pour le lendemain. Mais j’ai oublié! Incroyable, d’un jour à l’autre… J’étais sans doute passé par le Dôme (oui, je sais, ce n’est pas une excuse, mais ne retournez pas le fer dans la plaie). C’est la seule fois où Raymond est reparti bredouille. L’après-midi de ce même samedi, il m’a téléphoné (aïe!) pour me signifier assez vertement son dépit: j’en étais rouge de honte, comme un élève qui a oublié de faire son devoir et qui est interpellé par son maître. Je ne le ferai plus, M. le doyen, promis!

Voyant pointer l’heure de sa retraite à l’horizon, notre vénérable doyen nous prépare en secret une surprise pour la 100e (voir Souvenirs 60), terme du contrat qu’il a discrètement passé avec… lui-même. 

Note : la photo du promeneur solitaire, moi en l'occurrence, a été prise par Joseph Ruwet.

 

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4 août 2009 2 04 /08 /août /2009 19:21

10. Les anniversaires ignatiens

 

Saint Ignace est né le 24 décembre 1491; nous fêtons donc le 500e anniversaire de sa naissance en 1991, et comme la Compagnie de Jésus (Societas Jesu en latin, d’où le fameux s.j.) a été fondée par le même Ignace de Loyola en 1540, on va jumeler l’anniversaire précédent avec les 450 ans de la Compagnie, sous l’appellation d’ « anniversaires ignatiens ». En pratique, l’année ignatienne va du 27 septembre 1990 au 31 juillet (fête de saint Ignace) 1991. Dans chaque collège jésuite du monde, des délégués vont s’activer pour organiser des festivités d’une certaine ampleur. Chez nous, ce seront le père Ulens ancien                          Gillot-1990n.jpg
professeur du Collège recyclé dans l'industrie pour sauver les affaires paternelles
et Jean Gillot, qui aura un mi-temps libéré à cet effet pour lui permettre de coordonner tous les projets émanant de nos diverses institutions de la Province méridionale belge.
             ULENS Michel 2010 bis
[D'après Facebook, en 2014, Michel (59 ans) est Gestalt-thérapeute en Vendée. Il est le papa de trois enfants.]
Je lis dans les revues de l’époque que les élèves des différentes écoles primaires francophones se rencontrent par degrés soit à Spa (la Fraineuse) puis à Verviers, soit à Godinne. On nous parle d’un nouveau « cantique » en l’honneur de saint Ignace: Partir Pèlerin (de Maryvonne Gillain).
Des rencontres sportives permettront à Philippe Massart et Jean-Pierre Dumont d’accompagner 15 de nos jeunes sportifs dans une joute internationale et amicale en Espagne, à Loyola, lieu symbolique ô combien (voir SOUVENIRS 80 - 3).
Ces organisations multiples et variées ne viendront pas perturber le travail scolaire.
Je me rappelle une grande réunion générale du Secondaire jésuite à Erpent (le 2 mai 1991 d'après l'opuscule jaune ci-dessous) pour entendre le discours du père Préposé général Hans Peter Kolvenbach (le pape noir, comme on l’appelle parfois). Je n'avais pas retenu grand-chose de ce discours, mais j'ai relu son discours retrouvé récemment. Je retiens sa définition d'un établissement jésuite aujourd'hui en Belgique:

 «C'est celui dont le pouvoir organisateur a conclu avec la Compagnie de Jésus une convention qui précise les droits et devoirs des deux parties concernées».

Ce qui est évidemment notre cas. En 1974, le Général de l'époque, le père Arrupe, avait lancé l'option préférentielle pour les pauvres, orientation qui perturbait quelque peu les collèges belges: comment faire pour suivre la nouvelle ligne directrice de la Compagnie? Aujourd'hui, le Général préfère l'expression promotion de la justice. Il précise d'ailleurs que les écoles jésuites n'ont pas à Kolvenbach.jpgrefaire ce que d'autres écoles font mieux qu'elles En clair, ne nous lançons pas dans le Technique et le Professionnel, les salésiens font mieux cela que nous. D'autre part, concernant l'hétérogénéité de notre public scolaire (ce qu'on appelle maintenant la mixité sociale), nous y sommes, dit le patron néerlandais. Idem pour le pluralisme: 

«Il est évident que l'apostolat de l'éducation est aujourd'hui, en plusieurs endroits du monde, mais aussi dans la vieille Europe, un apostolat aux frontières de l'Eglise et de la société.»

Kolvenbach reprécise ensuite la notion d'excellence que doit promouvoir tout enseignement jésuite:  

 «L'excellence (...) n'est pas à entendre ici comme une forme d'élitisme social; il s'agit plutôt d'amener chacun à se dépasser lui-même; il s'agit d'amener chaque jeune au maximum de ses possibilités. Voilà sûrement une traduction de ce fameux magis qu'on retrouve dans les Exercices spirituels et dans toute tradition ignatienne.»

Après ce discours, les enseignants présents se sont répartis dans 60 carrefours pour réagir à ce discours ou pour étudier un autre aspect de notre profession souhaité pas les collèges. Une dizaine de représentants de nos écoles (Jean Gillot pour SFX1) se mirent à l'oeuvre pour synthétiser chacun les rapports de 6 ou 7 carrefours avant d'en faire un exposé devant toute l'assemblée. Nous avons aussi reçu le texte de ces résumés. J'ai plus spécialement relu celui de Marie-Paule Catteau, professeur d'histoire à l'institut Saint-François-Xavier: je me souviens qu'elle donnait une impression de force quand elle parlait, elle n'était pas du genre  béni-oui-oui. Elle commence par dire qu'on a apprécié l'exposé du père Kolvenbach (elle n'allait pas dire le contraire!), mais elle ajoute d'emblée qu'on a regretté la "grande distance avec les réalités vécues dans les collèges" (et paf!). Reparlant de l'option pour les pauvres, on a relevé que les plus pauvres de nos écoles sont parfois les professeurs, peu encadrés, démunis surtout en début de carrière face aux problèmes qu'ils doivent rencontrer.... Acceptant le principe de la gratuité et du bénévolat, certains font remarquer que ce n'est pas toujours aisé pour les laïcs qui ont charge de famille. Le deuxième chapitre traite des 3 principes énoncés par le Général comme fondamentaux pour les enseignants de nos collèges: respect, lucidité et confiance.  D'accord sur ces principes, mais il faudrait davantage associer "les partenaires" (en clair, les laïcs) au projet éducatif, totalement inconnu par certains d'entre nous. D'autre part, soyons réalistes, le recrutement des enseignants est tributaire du marché (c'est bien dit!) et tous ne veulent pas nécessairement vivre les projets jésuites...En outre, la présence jésuite fond comme neige au soleil (et oui!). En chapitre 3 - l'aspect formatif de l'enseignement - son rapport mentionne que l'éducation humaine est fondamentale "mais passe trop souvent au second plan faute de temps et de structures". Les profs doivent réagir même si les parents demandent surtout "une tête bien pleine".  Ne parlons pas des exercices ignatiens comme recyclage pour les laïcs, c'est une question personnelle. Enfin, on aborde brièvement le pluralisme, qui est déjà réel dans nos corps professoraux (depuis longtemps!). On reconnaît que c'est une richesse, mais il est l'objet d'une fameuse crainte pour la spécificité de nos écoles et leur avenir...

Cette belle journée aura-t-elle des suites concrètes? Difficile à dire. En tout cas, ce n'était pas un déplacement pour rien.

                  90-1981-Erpent.jpg


En conclusion des anniversaires ignatiens, le vendredi 22 mai 92, le père Charlier et le père recteur Huet béniront la nouvelle chapelle érigée dans l’enceinte de Banneux et dédiée à saint Ignace: allez la voir.

 

 

11. ORGANIGRAMME   DE  SFX  1991/92

  1. Pouvoir Organisateur ASBL  « Centre Scolaire  SFX »

Assemblée Générale
André MOREAU, s.j.,  Président ; Robert HUET, s.j. ; Jacques  HYE DE CROM, s.j. ; Georges THEUNIS, s.j.; Rita  DOBBELSTEIN ; Bernard LEROY ; à désigner.
Invités : M. le Doyen H. LEMMENS (Pastorale); Jean-Marie DELOBEL (Secrétaire).

Conseil d'Administration
André MOREAU, s.j., Président ; Jacques VINCENT, s.j ; Jean-Marie DELOBEL, Vice-Président et Administrateur-Délégué ; Fernand POUMAY ;  Dominique EMBRECHTS  (professeur) ; Thomas LAMBIET (professeur) ; José LAMBRETTE (professeur) ; Jacques THIRY (ancien) ; Christian BERTRAND  (parent).

   2. Conseil de Direction (Secondaire)
Préfets : J.-M. DELOBEL, R. HUET s.j., J. CAMPS, J.SERVAIS.
Parents : Anne et Pierre DELOOZ (Présidents Association) ; Odette et Christian BERTRAND ; Monique et José COMPERE ; Dany et Norbert
LAMBOTTE.
Professeurs : Jean-Michel DAELE ;  Eric DETHIER; Marcel LEPIECE, Philippe MASSART.
Invité : Bernard POTELLE (délégué syndical CEMNL).
Elèves : Alexandre KNAUFF (6e), Philippe LEMAIRE (6e), Raphaël DEGEY (5e), Olivier DELOBEL (5e )
Anciens Elèves : Cathy KINAPENNE

   3.  Conseil des Professeurs
Claire COLLARD (Cl), Anne COUNET (CI), Anne MERVEILLE (Cl), Emmanuel CHAUMONT (CS), Philippe DEJONG (CS), Liliane HUBIN (éducateurs).
Préfets : J.-M. DELOBEL, J. CAMPS

  4. Conseil des Elèves
En moyenne 2 délégués par classe de 3, 4, 5, et 6 ; soit 35 élèves.

  5. Equipe d'Animation Pastorale
Professeurs
: Thierry MONFILS, s.j., Philippe MASSART, Gérard LEMIN,
Elèves: Sophie HOSTE, Pierre-Yves BEMELMANS, Maria SANTOS, Cédric   GRUTMAN, Arnaud  WILLEMS.

Il y a manifestement une promotion des élèves, qui sont, en outre, aussi Massart-Ph-1977.jpgnombreux que les professeurs au Conseil de Direction du Secondaire et qui sont même majoritaires à l’Animation Pastorale.
Petit bémol: la cohabitation du directeur et de son fils au Conseil de direction est, pour moi, une anomalie; ça devrait être interdit par les statuts pour éviter des conflits d’intérêts ou de personnes. Dans le même ordre d’idées, je me souviens que, jadis, pour l’engagement d’un membre du corps enseignant, on interdisait les couples pédagogiques: on ne pouvait pas engager le conjoint d’un membre du personnel. Evidemment, ce règlement n’avait pas d’effet Parotte-Jacq-1972.jpgrétroactif. Ainsi, les Massart (Jacqueline Parotte est devenue Mme Massart) étant déjà engagés à l’époque, ils n’étaient pas concernés par ces restrictions.
Je me souviens que cette clause avait été suggérée pour éviter des problèmes inextricables, comme il en existait dans un autre institut jésuite, où un couple d’enseignants se disputait même dans la salle des profs! Evidemment, le risque zéro n’existe pas. Cette contrainte n'est plus aujourd'hui effective au Collège. 
Vous voyez que la promotion de la femme n’est pas à l’ordre du jour en 1991. Il n’y a pas un seul professeur féminin ni au C.A., ni au C.D. Que voulez-vous, c’est le résultat d’un vote démocratique. On peut aussi noter qu’il n’y a aucune femme chez les préfets. Evidemment, on ne liquide pas un préfet sous prétexte qu’il est du sexe fort! Il faudra attendre les départs naturels pour voir une éventuelle volonté paritaire se manifester.
Faut-il d’ailleurs appliquer le principe de la parité entre hommes et femmes dans les organes de pouvoir? Vaste question qui deviendra une exigence des mouvements féministes. On y vient tout doucement. Pour ma part, je trouve que c’est une sorte de racisme, donc pervers. Le principe auquel on ne doit pas toucher, c’est la promotion des meilleurs. De là à dire que les meilleurs sont équitablement répartis entre les sexes, c’est un parti pris, non un fait. Ce qui n’exclut nullement que les meilleurs sont du côté de la gent féminine, comme les résultats des études supéreures tendraient à le faire croire.
Je crois que nous vivons dans une société, particulièrement dans la Communauté européenne, qui prône la mixité comme une valeur en soi. Bizarre. En arrivera-t-on à réduire le tennis à des doubles-mixtes? Faudra-t-il jouer à 12 au football, avec 6 filles et 6 garçons, et un arbitre de chaque sexe? Supprimera-t-on les allocations familiales aux parents qui ont un nombre impair d’enfants ? Qui vivra verra…

Allez, je m’égare. La publication de cet organigramme dans la Revue du Collège est assez étonnante – c’est une première –, mais c’est dans l’air du temps. En 1990, Mikhail Gorbachev  – déjà l’homme de l’année 1989 –, reçoit le Prix Nobel de la paix. Mais nul n’est prophète en son pays, ses ennuis avec les durs du parti communiste lui feront mordre la poussière par un coup d’état en août 1991. Voici les slogans que Gorby utilisait à temps et à contretemps, à tel point que chacun connaissait au moins deux mots de russe : «глaсност » et  «пeрecтройкa » – glasnost : publicité (Publicité sauvegarde du peuple?), que l’on traduira en gorbachev-n.jpgOccident par « transparence », et perestroïka : réorganisation (ou « restructuration » comme disaient les journaux). Chez nous, la publication de l’organigramme est évidemment un coup publicitaire : on fait dans la transparence. C’est une constante de l’action de notre patron, laissons-lui au moins ses qualités de visionnaire. L’astuce est d’avoir mis dans le même chapeau des assemblées qui existent comme le Conseil des Elèves et l’équipe d’Animation pastorale, mais qui n’ont rien à voir avec la participation au pouvoir réel du Collège, c’est-à-dire l’Assemblée générale et le Conseil d’administration. Jean-Marie, s’il était au Kremlin, aurait sans doute prôné la politique suivante :  глaсност : дa ; пeрecтройкa : нeт 1. Ce qui aurait probablement empêché l’avènement de Boris Eltsine et donc la promotion de la vodka…
Quant à la restructuration du P.O., mieux vaut attendre encore un peu, le fruit n’est pas mûr.

1 «Glasnost : da ; prestroïka : niet». En français : «Publicité : oui ; restructuration, non».
J'ai pris plaisir à utiliser l'alphabet cyrillique, que j'avais étudié pour passer mon temps, m'imaginant que j'allais peut-être étudier le russe, moi qui étais si mauvais en néerlandais ... J'en suis toujours au stade du projet!

12. Le n°100 de La Toque Anciens

Pour l'occasion les Anciens sortent un numéro au format exceptionnel en septembre 1990, c'est carrément en A4, mais pas encore en couleurs, il faudra attendre l'esprit d'entreprise de Joseph Ruwet pour y arriver. Toque-100.jpg 

La Toque a connu durant ma présence au Collège différents rédacteurs en chef et une périodicité très variable. D'abord Paul Maystadt et surtout le père Bodaux comme plumitifs. Puis Léon Ernst et Jean Gillot s'y mirent. C'est aussi l'époque (début des années 1970) où on lança les rallyes Anciens. Nos jeunes collègues secouaient le cocotier, La Toque redevenait vraiment trimestrielle et beaucoup plus dynamique. On vit aussi apparaître la signature de Daniel Bertholomé.



Schyns-Bernard.jpg
[On peut y voir des clichés savoureux comme celui-ci, qui rappelle la victoire de Bernard Schyns au tournoi d'éloquence organisé par les Anciens]




Le nouveau président, Philippe Demortier, y va de son article régulier. Marcel Lepièce (pourtant pas un ancien de notre Collège) se met à collaborer activement en reprenant le
Toque-1950.jpgfichier des anciens élèves. Marcel s'y tient: c'est un gars sur lequel on peut compt er (qui m'a d'ailleurs fourni ce n°100). Vu son grand âge, le père Bodaux cède sa place d'aumônier au père Dedeur. Le père Cardol s'y met également.

 
Toque-nov-77.jpg


Dès que le R.P. Daniel Sonveaux débarque au Collège, il prend les choses en main. Les articles sont plus variés, plus intéressants.
                                          Toque-sept-86.jpg


En fin des années 1990, du sang frais se présente sous la poussée de Raphaël Degey. Le style change complètement.
                                            Toque-Ruwet-2003.jpg
On peut voir les signatures d'Alexandre Binet et de Pierre-Laurent Fassin (d'abord journaliste sportif à RTL-TVI),



En 2003, je crois qu'il y eut un nouveau passage à vide. Depuis que je ne suis plus prof, je ne la reçois plus, il est vrai que je n'ai pas fait ma Rhéto au Collège...


13. Censuré par La Toque ou plutôt oublié?

Je viens de retrouver un manuscrit – je suppose que c’est Marcel Lepièce qui me l’a donné avec d’autres archives. Ce texte, écrit par un ancien (Paul Boniver - je vois qui c'est - si je déchiffre bien sa signature), aurait dû paraître dans «La Toque» de juin 1990. Il n’y est pas. Mais il est peut-être dans un des rares numéros suivants que je ne possède pas. Ou a-t-il été censuré (je ne vois pas pourquoi) ou encore oublié?
Plutôt que de perdre du temps à remuer ciel et terre pour compléter la série des revues, j’ai tapé ce texte et je vous le livre pour ce qu’il est: un document d’archive qui fleure bon le temps jadis.

 

Souvenirs…!

Quand «La Toque» m’a demandé d’évoquer quelques souvenirs de notre vie de collégiens, je me suis demandé ce que j’allais pouvoir raconter. C’est déjà loin et, la mémoire étant une faculté qui oublie, que reste-t-il de nos fredaines d’antan?
Aussi, j’ai pensé que ce serait peut-être chose utile de rappeler en quelques mots la mémoire de ceux-là (l’un d’eux vit encore, il vient d’avoir 90 ans) qui consacrèrent leur temps à essayer de nous former (pas trop mal, je crois).

A l’époque (1932), les humanités s’épelaient en ordre décroissant. On commençait par la 6e Latine, deux sections A et B. Titulaire de la section: le père Huppertz, homme tout menu, une terreur pour les novices, qui aimait, quand il était en verve, émailler son cours de devinettes. Le hic, c’est que jamais il ne changeait son répertoire. Tous connaissaient les réponses, mais il était prudent d’éclater de rire, sinon gare…
Section B: M. Weiz. Homme pondéré, il fut mon prof et j’en garde un excellent souvenir. Pas d’autres commentaires.

5e Latine: le père Gurny, petit homme vif, portant volontiers sa barrette soit sur l’arrière de la tête, soit avancée sur le front, juste au-dessus des yeux. Il était l’aumônier de la troupe scoute. Lors d’un camp, notre charrette étant en difficulté, il nous encourageait à la dépanner assis simplement sur le talus du chemin…

4e Latine: le père Hainaut. Lui, il était grand. Il nous a fait découvrir le «De bello gallico» de César avec une passion communicative, et en même temps les subtilités de l’adjectif verbal (là, c’est nous qui étions peut-être moins passionnés). Dans cette même année, notre prof de maths était le père Michaux (gazé en 14-18, il était extrêmement nerveux): 
– Jaspar, si vous continuez à faire le singe, je vous jette par la fenêtre! 
– Mais, Père, il y a un grillage...
– Ça ne fait rien, je vous couperai en petits morceaux!

3e Latine: le père Koch, qui roulait les r et faisait traîner les syllabes. Homme de Verreux.jpg grande douceur. «Ouiiii, voyez-vous…!» Notre prof de maths était le père Verreux, l’homme à la barbichette qu’il caressait perpétuellement par-dessus. Il était féru de Radio; il avait monté deux grandes antennes sur le toit du collège (bâtiment actuel du Centre) et ce fut, je crois, la première radio verviétoise.
Mais, j’y pense, j’oublie quelqu’un: notre professeur de flamand. En 6e, c’était le père Huppertz déjà nommé. Pour les autres années, ce fut M. Engels. Brave homme certes, mais avec nous, le courant passait mal. En bref, c’était notre bête noire (je préfère ne pas parler de certains chahuts!).




                               Engels-nn.jpg

J’en reviens à ma 3e Latine: nous avons eu un prof d’histoire et de géo dont le nom m’échappe. Mais c’était un farfelu. Il commençait invariablement ses cours par une phrase rituelle: «La dernière fois, Messieurs, nous en étions, si je ne m’abuse…»

Poésie: le père Bodaux. C’est lui qui vient d’avoir 90 ans. Qu’en dire? Il vit                                                   Bodaux-Nestor-1958.jpg

toujours et va peut-être lire ceci!
J’oserai évoquer une image que j’ai toujours gardée en mémoire. Nous entrons, ou nous sortons de classe par le long couloir d’alors et le père Bodaux s’avance en discutant avec nous portant ses livres comme un plateau, le tout surmonté d’un sempiternel encrier.
Notre prof de maths, physique, chimie était le père Mersch. «La physique, Messieurs, c’est quand ça pète, la chimie, c’est quand ça pue!»

Rhéto: le père Scheignard [je ne suis pas sûr d’avoir bien lu son nom]. Se raser devait lui être un supplice. Il avait continuellement le visage balafré comme un grognard de Napoléon.

Il me faut conclure. Il y en a beaucoup dont nous n’avons pas parlé (surveillants, préfets). Mais alors, il faudrait écrire un livre. En conclusion et parodiant la fin de l’évangile de saint Jean, j’écrirais: «Il y a beaucoup de choses qui ne sont pas dites ici, mais celles-ci sont évoquées pour que vous vous souveniez que c’est grâce à ces hommes que nous sommes devenus ce que nous sommes et nous leur en serons toujours reconnaissants.»

                                                                                           Signé: Paul Boniver

                                                                                            1er mai 1990

 

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30 juillet 2009 4 30 /07 /juillet /2009 16:50


 

7. Essayez l’ignorance

Le cours d’histoire de rhétorique aborde l’étude critique du fascisme. Pour faire comprendre le succès surprenant mais temporaire du fascisme en Italie, il faut bien montrer l’état de l’Italie après la guerre de 14 -18 ainsi que les quelques résultats spectaculaires du régime de Mussolini, comme l’amélioration incontestable du fonctionnement des chemins de fer et l’accroissement de la scolarisation, par exemple. Voilà sans doute les grandes lignes du début du cours que le père Sonveaux professeur de rhétorique exposait à
Sonveaux-n-94.jpg ses rhétoriciens au mois de mai 1990. Vint alors la première vague de grèves qui brisa net l’élan du professeur et laissa en pointillé la fin tragique de cette histoire. Notre éminent professeur n’aurait même pas eu le temps ou l'occasion de mentionner l’intervention du pape Pie XI condamnant explicitement – Ad Majorem Dei Gloriam  ce régime d’extrême-droite.

Apprenant, sans doute par son rhétoricien de fils, cet hiatus, le directeur entra dans une grande colère, en tout cas devant moi. Je l’entends encore parler de scandale : comment peut-on laisser croire à nos futures élites que le fascisme est un régime acceptable? Mais c’est une honte, une infamie...
Je ne sais si la colère du directeur dépassa les limites du couloir de son bureau, j’ignore donc s’il y eut disputatio entre ces deux éminents personnages de notre vénérable institution. J’aurais donné gros pour assister à l’explication, si tant est qu’elle ait jamais eu lieu.

Au-delà de l’éventuelle polémique, je trouve que c’est un cas d’école – l’expression est bien choisie. Partant du constat affligeant relaté ci-dessus, qui doit être considéré comme responsable? Le professeur, qui aurait dû trouver le moyen, malgré la grève, de terminer ce chapitre important, partant du principe que l’histoire ne peut jamais se terminer au milieu d’un gué? Le directeur, qui attestera par son seing au bas des diplômes de nos rhétoriciens que lesdits impétrants ont bien réussi les épreuves portant sur l’entièreté du programme? Ou les responsables (?) syndicaux déclencheurs de cette grève tout en connaissant pertinemment le risque de dégâts collatéraux irrémédiables?
Après avoir pris connaissance de cette situation aberrante, le directeur, sinon le paternel, a sans doute réagi concrètement, ou me trompé-je? Si oui, par quel moyen? Un examen complémentaire sur la fin de la matière (« à voir par vous-mêmes »)?  Un exposé sur les horreurs du fascisme, juste avant la proclamation des résultats ? Un toutes-boîtes rappelant au bon peuple et à ses enfants qui l’ignoreraient le vrai visage du Duce autoproclamé? Ou – je n’ose l’imaginer – a-t-il suggéré que les rhétos concernés commettent un faux attestant au journal de classe que la fin de la matière a bien été vue?
Oui, vous avez raison, je fabule, je m’exalte. Mais voyez-vous ainsi à quel point sont coupables ceux qui risquent d’ébranler les bases de l’édifice que nous construisons heure après heure? Je vois encore, 50 ans plus tard, ce slogan de l’enseignement communal verviétois montrant une pyramide égyptienne (celle de Khéops sans doute) avec ces trois seuls mots : « Une bonne base! » Tant qu’on est dans les slogans, j’ai spécialement apprécié celui-ci, que des enseignants de l’époque distillaient dans les manifestations: « Essayez l’ignorance! »

8. Jacques Buyle est irremplaçable

Fin 1989, nous sommes gratifiés de deux nouveaux scolastiques.  Le premier, le père Arnould van der Straeten, n’est manifestement pas fait pour l’enseignement. C’est un timide qui ressemble à un égaré dans une cour de récréation. On le verra d’ailleurs assez peu au Centre Scolaire. Il va plutôt s’occuper de l’église du Sacré-Cœur. Pour nous, c’est un travailleur de l’ombre.

Le second est très différent. Le père Jos Mestdagh va donner des cours de religion et de langues, et s’investir dans l’animation pastorale. Il paraît tout à la fois expansif et mystérieux. Il montre d’emblée des signes indubitables d’originalité – et c’est peu dire. Se faisant appeler Jos par tous ceux qu’il rencontre, il va « courtiser » les élèves, tous les élèves, en utilisant des moyens (honnêtes) qui lui sont propres. Au cours de religion, il décortiquera la vie et les œuvres de la déjà sulfureuse Madonna. Vous voyez d’ici la surprise des élèves, et celle de leurs parents. Je présume que ce n’était qu’un point de départ, une accroche!
Durant les récréations, on le voit chercher frénétiquement les élèves ou professeurs dont c’est justement le jour anniversaire: comme le Secondaire totalise environ 900 personnes, cette activité lui prend une grosse partie de son temps. Parti depuis plusieurs mois au collège du Sacré-Cœur de Charleroi, il n’en continuera pas moins, via le téléphone, à saluer le passage à l’unité supérieure de ses élèves et collègues de Verviers. Une persévérance qui confirmera l’avis tranché de certains à son égard : c’est un doux dingue ! Pour son malheur, cette opinion à l’emporte-pièce se répandra, même à Charleroi: c’est dire !
Le 30 juin 91 met un point final à la carrière du père Buyle. Amené à le remplacer comme titulaire de 4e, je lui demande humblement conseil. Il ne m’en a donné qu’un: fais comme moi, me dit-il, tu donnes un petit cadeau à chaque élève le jour de son anniversaire – ce serait donc lui qui aurait inspiré Jos? – et tu verras que tu ne le regretteras pas le jour du tien! J’avoue avoir suivi son conseil durant quelques mois, mais je crois bien que mes 48 ans sont passés inaperçus. Par contre, je n’ai jamais trouvé utile de disposer les élèves comme il en avait l’habitude: par ordre alphabétique; ça lui permettait de mémoriser plus facilement leurs patronymes. Dans le fond, quand je pense au temps qu’il me fallait en fin de carrière pour retenir leurs noms, j’aurais mieux fait d’appliquer la technique du brave Jacques. Je sais, je sais, comme disait Gabin dans la chanson.

Jacques (je ne l'ai jamais appelé par son prénom, maintenant je peux!) n'était pas un prometteur de beaux jours. Il a beaucoup fait pour l'accueil des étrangers en difficulté. Il est même devenu papa...adoptif. Oui, il a adopté un Tunisien, prénommé Mammouth, pour faciliter sa naturalisation (si je me souviens bien). Ce garçon, j'aurais dit qu'il avait une petite vingtaine d'années, a vécu tout un temps au Collège. Il devait étudier à l'Ecole textile. Notre Bijule ne pouvait pas faire plus pour l'intégration ce jeune homme.
Je n'imaginais pas à cette époque avoir besoin de l’expert Buyle dans l’exercice de sa spécialité: ma fille épousant un Camerounais d’une religion différente de la nôtre, nous l’avons sollicité, lui le pape du dialogue interreligieux, pour organiser le mariage mixte. Ma seule crainte était qu’il oublie la date du jour J. Je me trompais largement, le révérend Buyle est présent en temps et heure, mais pas mon futur gendre! Comme tout bon Africain, il ignore le stress de la ponctualité occidentale. Venant de Bruxelles, il démarre à peu près à l’heure où la cérémonie devait commencer à Lambermont! Durant une bonne heure d’attente, le père Buyle, sans doute habitué par l’exercice de ses fonctions, loin de se démonter, fera calmement patienter les amis et connaissances, dont l’inspectrice de math, Maggy Schneider, et Hilda Vanderhoeven, une collègue de COJEREM, qui avaient fait plus de 100 km pour assister à la cérémonie. Heureusement pour Jacques Buyle, la chorale viendra le soulager en répétant encore et encore les chants prévus pour la célébration. Merci, Père. Je crois que l’ami Jacques (la photo date de ce jour mémorable de juillet 1994), qui présida remarquablement cette bénédiction nuptiale d’un genre particulier, a quand même oublié de signer le carnet de mariage...
A mon avis, la meilleure « prestation » publique de Jacques Buyle se passera lors de sa mise à la retraite. Nous, ses collègues, réunis au traditionnel souper de fin d’année, allons être subjugués par son art de l’improvisation. Répondant sur un ton faussement badin au discours conventionnel du directeur, il déclenche l’hilarité générale en contant de sa façon inimitable –  la main soutenant la légèreté de son propos, les yeux mi-clos s’ouvrant subitement à l’instant de la chute inattendue de l’histoire – , des quiproquos d’autant plus désopilants qu’ils cadrent parfaitement avec ce savoureux personnage à la démarche sautillante.

Personne ne sera étonné de lire un peu plus tard dans notre Revue cet extrait de son interview :
–     Quelle est votre principal défaut ?
–     La distraction.
–     Pour quelle faute avez-vous le plus d’indulgence ?
–     Les fautes d’orthographe.
–     Votre vertu préférée ?
–     L’humour.
–     Votre oiseau préféré ?
–     Le troglodyte.
(Pour ceux qui, comme moi, l’ignoreraient, il s’agit d’un petit passereau à queue courte et relevée.)
Sacré Jacques, plus Bijule que jamais!

9. Deux frères et un guide

Les vacances terminées, nous découvrons un duo de jésuites étonnant : les frères Klein.  Michel d’abord. C’est un intellectuel passionné par la recherche tous azimuts, de la physique à la métaphysique. Il donne des cours de religion et de physique au Collège puis, la même semaine, il se retrouve à Angleur pour y enseigner la philosophie à l’institut Gramme. Le week-end, il prend une respiration salutaire chez les scouts, dont il anime l’aumônerie. C’est aussi un Européen convaincu, résolument antimilitariste. D’après lui, le don qui lui manque le plus est celui de la musique: nul n’est parfait ! Quand je le rencontre près de la photocopieuse, je le trouve toujours souriant mais un peu timide, ou plutôt, à bien y réfléchir, préoccupé. Pas étonnant. Les scouts le voient différemment, qui lui donnent Buse comme totem: « son regard vous transperce et scrute toutes vos richesses, vos possibilités ignorées, qu’elle va immanquablement faire fructifier ». Michel quittera déjà le Collège en 1992 pour entamer son ministère à Paris. Malheureusement pour la Compagnie, il l’abandonnera quelque temps plus tard.
Son frère Vincent est un tout autre homme: remuant professeur de langues, il Klein-Vincent-Thyn-92.jpg s’implique à fond dans l’animation pastorale et dans le parascolaire. C’est un fonceur qui ne craint pas de trébucher. Il sera vite adopté par les adolescents, qui apprécient particulièrement sa franchise et son enthousiasme. Il épatera tout particulièrement les garçons de la mémorable 4E (1993-93), des Gégory Cormann, Jean-Michel Hercot (+), Jean-Michaël Gauthy et autres Michaël Köttgen, auxquels il enseignera même les techniques du bridge. Ces élèves vont devenir des fanatiques de ce jeu de cartes, y consacrant même l’essentiel de leurs récréations !
On ne parlera plus du père Klein, mais du father : pas mal pour un prof d’anglais; personnellement, j’aurais préféré little brother –  mais de quoi je me mêle! 
Le voyage qu’il organisera pour les élèves en Eire restera assurément un grand moment de leur adolescence. Surtout qu’ils auront comme guide-nature mon collègue et ami Gérard Lemin (à gauche), professeur de géographie surnommé au Cercle Emile Coué le Baron de La Travertout : la témérité qu’il manifeste lorsque son sens de l’orientation lui fait défaut – ce qui est régulier chez ce guide très peu professionnel – est connue maintenant de plusieurs générations d’élèves, et de ses collègues. Que ce soit au pays du trèfle à trois feuilles, dans les montagnes du Val d’Aoste, dans les monts arides siciliens ou encore dans nos vertes campagnes, le guide Gérard décide toujours d’un tout-droit, ou d’un à-travers-tout, qui ne se révèle jamais être une économie de temps. Si je me permets de chambrer ainsi mon ami Gérard, c’est que je connais son sens de l’humour. Et je reconnais volontiers que c’est un professeur plein de ressources et de grande culture, justement apprécié par la majorité de ses élèves. Je sais de quoi je parle, je le pratique depuis longtemps. Nous avons par exemple écrit en commun une série de 5 articles pour la SFX revue intitulée « Le Tiers - Monde, sans préjugés ». Comme je le pressentais au début de l’entreprise, j’en ai appris énormément au contact de ce vrai scientifique.

Je lis ailleurs, sous la plume du père Vincent – chroniqueur fidèle –, que Joseph Fléron (psychologue, professeur de religion et de sciences sociales) a quitté le Collège pour une place dans le privé. Quatre remplaçants, dit-il, ont été nécessaires pour combler le vide: Régine Larose, Daniel Sonveaux, Jos Mestdagh et Michel Gaspard. Comprenons-nous bien, son horaire a été réparti sur quatre têtes: ce Joseph, certes très actif dans l’animation pastorale et dans l’équipe d’Amnesty du Collège, avait une carrure de ticket de tram, comme on disait à Verviers du temps où j’utilisais ce moyen de transport. En parlant, comme le fit jadis Théo Lefèvre, des poitrines étroites des anciens combattants – au grand dam des associations patriotiques –, je me demande si ce n’est pas à cette époque que Jean-Pierre Kis fut transféré, à son corps défendant, de la rue des Alliés à la rue de Rome. Je suis persuadé qu’il fait moins tache ici que là-bas. En tout cas, on en a profité. On en reparlera.

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29 juillet 2009 3 29 /07 /juillet /2009 20:49

5. Des examens malgré tout

  La grève reprendra un lundi du mois d’octobre, premier jour de la mini-session de Toussaint, jour prévu pour l’examen de math (6h) de la  3e D  dont je suis titulaire. J’annonce aux élèves que je ne suis pas gréviste et que, pour leur bien, je maintiens l’examen de Toussaint, persuadé que le mouvement est parti pour longtemps. Je suis convaincu qu’on ne recommencera pas les cours normaux avant décembre. Si je ne maintiens pas l’examen, quand celui-ci se fera-t-il ? Et qu’auront retenu de la matière vue les élèves? Pire, j’imagine même qu’on pourrait purement et simplement le supprimer. La question administrative (cet examen comptera-t-il pour le bulletin?) ne m’intéresse pas. J’apprends que deux de mes jeunes collègues poussent mes élèves à boycotter l’examen: j’enrage mais ne dis rien. Le lundi, seuls quatre élèves sont absents. Je contacterai les parents pour expliquer plus clairement mon objectif et mon attitude face aux mouvements des professeurs: je suis d’accord sur l’objectif, mais pas sur la méthode. Ces quatre absents viendront faire cet examen chez moi (ça n'a aps dû plaire à mes collègues grévistes!) quelques jours plus tard. J’ai sauvé les meubles dans cette classe: la session de Toussaint 1990 n’aura jamais lieu et les examens de Noël se dérouleront seulement fin janvier 1991!

Des professeurs de Saint-Michel, ardents piquets de la rue de Rome, se montreront particulièrement remontés: Marc Deltour, professeur de religion, ira jusqu’à trafiquer la serrure de la petite porte métallique du côté de l’Aide Mutuelle pour supprimer cet accès. Il deviendra directeur de Sainte-Claire...






Deltour-et-moi-mais-quand-et-ou-nn.jpg

 
Un professeur de langues (régulièrement en training) viendra avec un de ses collègues pour entrer « de force » (on n’en viendra quand même pas aux mains) dans une des classes où je donne cours à trois élèves: ces courageux enseignants veulent absolument nous convaincre de ne plus venir au Collège. Cette démarche aura le don d’exaspérer tant les élèves que moi. Le professeur de langues en question deviendra, peu de temps après, directeur dans une école libre d’Eupen! A croire qu'une condition pour devenir directeur dans l'Enseignement libre, c'est d'avoir été un géviste (disons plutôt syndicaliste) actif!
[Malheureusement, ce collègue agressif décédera quelques années plus tard, victime d'un accident domestique]

Pour en revenir aux examens de juin 1990, on avait décidé en conseil de classe qui devait faire des examens et qui en était dispensé. On avait supprimé d’office tous les examens pour les branches à moins de 3h/semaine et on les maintenait par principe dans les cours à 6h (du moins en math). Pour les autres, c’était au cas par cas. Je me rappelle avoir fort surpris le sous-directeur Jacques Camps en réclamant un examen pour Fabien Boniver : épreuve qui était pour lui une partie de plaisir.  Le motif invoqué était purement administratif: absent à la session de Noël. Il me paraissait indécent de passer de classe en n'ayant fait aucun examen d'une option de base comme les maths; résultat: 95%! C'est tout de même mieux que "dispensé".
Tout compte fait, certains élèves n'auront fait aucun examen durant l’an de grâce 1990.


6. Copernic

Depuis de nombreuses années, les professeurs du Collège se recyclent régulièrement. Mais nous avons récemment constaté que l’évolution de nos élèves s’accélérait. Alors que, jadis, on considérait que le changement de mentalité et de comportement s’opérait tous les 10 ou 15 ans, aujourd’hui – phénomène de société – c’est au maximum tous les 5 ans que les pages se tournent… Si ces informations émises par le directeur du Collège en février 1990 sont vraies (pourquoi en douter?), qu’est-ce que ce sera en 2009! Jean-Marie poursuit: face à cette réalité, le collège Saint-François-Xavier a décidé de réfléchir d’abord, d’agir ensuite (pas comme Achille Van Acker, Premier Ministre belge des années 40 – 50, qui avait eu cette réplique devenue légendaire: Moi, j’agis puis je réfléchis…)  en vue de permettre et d’encourager une FORMATION de TOUS ses professeurs et éducateurs en pédagogie générale. Cette opération d’aggiornamento SFXienne va prendre le nom de COPERNIC.

A ce propos, e
n classe, je faisais remarquer que le chanoine polonais Nicolas Copernic (1473-1543), célèbre astronome, était devenu en 1500 professeur de mathématiques (on se valorise comme on peut!). Dans l’introduction de son fameux De revolutionibus orbium cœlestium, publié en 1543, il avait averti ses lecteurs, en latin bien entendu, par ces trois mots: mathemata mathematicis scribuntur, comme le répétera 70 ans plus tard Galilée dans une lettre au pape Paul III. En clair: « Les mathématiques (lisez les sciences) sont écrites pour les mathématiciens (les scientifiques), et non pour vous, Très Saint Père et autres grands théologiens.» Copernic – comme Aristarque de Samos 1700 ans avant lui – suggère de changer complètement la vision traditionnelle des mouvements célestes. C’est le Soleil qui est le centre de l’Univers (héliocentrisme) - et non la Terre (géocentrisme), qui tourne sur elle-même et autour du Soleil -, propose Copernic. Fin de l’excursus.

 

Revenons au discours officiel du Collège: l’objectif de l’opération Copernic pédagogique et psychologique est de viser à une plus grande efficacité pour améliorer la qualité des apprentissages chez les élèves. Voilà assurément un projet audacieux. Pour mettre toutes les chances de son côté, la direction ne lésinera pas sur les moyens. Delobel fera appel à des spécialistes universitaires pour organiser ce projet « actuellement unique en Communauté française », précise-t-il. Nous voilà tous priés de choisir, pour nous former, un des quatre thèmes suivants : animation de groupe; communication interpersonnelle; capacités cognitives de base et analyse transactionnelle.

L’opération est déclenchée en octobre 1989 pour 31 enseignants du 1er degré. Pour réussir à convaincre les autres (plus on avance vers la rhétorique, plus les enseignants sont rétifs au changement), le Collège va mettre le paquet. Les journées de formation seront dirigées par des professionnels (ça doit être vrai quand on sait ce que ça a coûté), durant des journées de classe (moi, c’est ça qui m’arrêtait: penser que mes élèves perdraient des cours de math, ça me rendait malade), en dehors de nos murs (ça donne un petit air de vacances), tous les frais étant à la charge de notre vénérable institution (heureusement!) Effectivement, les premiers formés (ou en état de l’être) reviennent enthousiastes: ils se prennent pour des cadres d’une riche entreprise privée, comme la banque Fortis avant le krach. Ils sont reçus dans des établissements sélects et dînent – ou gueuletonnent, pour le dire comme eux – dans des restaurants gastronomiques. A la salle des profs, on ne parle plus que de la comparaison entre ces hôtels étoilés. Si je me souviens bien, c’est La Ferme Libert, près de Malmedy, qui remportait la palme. Notez que L'Eau Vive à Banneux, ce n'était pas mal non plus (voir photos ci-dessous datant d'avril ou mai 1992, d'après Dominique Jeangette).

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Malgré tout, moi, je suis réticent. Puis je me dis que je suis à un tournant de ma carrière: ou bien je marche dans la « combine » et je reste dans le vent, ou bien je refuse et je serai catalogué comme vieux réactionnaire ratiocinant sur la valeur de l’enseignement de papa (rien à voir avec le ministre Daerden!).
Quand-banneux-profs-Claire-Corman.jpg



Finalement, je décide de me jeter à l’eau. Je ne dois pas avoir peur de l’eau, puisque j’ai appris à nager en 6e Latine, quand M. De Donder nous conduisait le vendredi à 11h rue de Dison, au bassin de natation de chez Bodeux. Je ne sais plus pourquoi j’ai choisi l’analyse transactionnelle, peut-être par élimination, ou pour les beaux yeux de la formatrice (je ne me rappelle plus leur couleur). Nous serons cornaqués par Mme Dominique Dethier, une psychothérapeute très professionnelle: c’est ce qu’on attendait.

Hubin-Lil-02.jpg Delhaes-Annette-1994.jpg

   
Brance-MJ-93n.jpgSchoonbr-2003.jpg

  
Je découvre alors mes compagnons, ou plutôt mes compagnes de groupe: Myriam Soret, Marie-Jeanne Brance, Geneviève Tristant, Annette Delhaes, Liliane Hubin et Marie-France Schoonbroodt. Nous Tristant-Gene-n-1994.jpgdébutons par La Ferme  Libert: on est curieux de voir si sa réputation n’est pas surfaite.





Soret-Myriam-1994.jpg

Effectivement, nous sommes reçus comme des rois et nous mangeons comme des princes. L’après-midi est plus difficile: réfléchir quand on a l’estomac chargé, ce n’est pas l’idéal. Le vin rouge aidant, j’ai une tendance à l’endormissement difficilement résistible. J’avais déjà connu ce même état de lourdeur lors des recyclages du célèbre professeur Papy (maths modernes) en 1973 (?) à Lierre, près d’Anvers, où nous sommes retournés le deuxième jour, Henri Leclercq et moi, plus pour le dîner que pour les mathématiques… Papy savait y faire pour attirer les enseignants: qui veut la fin veut les moyens.

Evidemment, le grand argentier du Collège a dû crier famine lorsque les factures des restaurateurs et des formateurs sont arrivées sur son bureau. Tiens, j’y pense, qui est ministre des Finances depuis que le père Ministre ne s’occupe plus du Centre scolaire ? Le directeur, aidé de Sabine Simon sans doute. Donc ces dépenses somptuaires ne pouvaient pas durer. Notre groupe, entré tard en formation, n’a d’ailleurs profité qu’une seule fois des largesses aussi inhabituelles que surprenantes de notre institution. On nous fit bien comprendre que le Collège était subsidié et vivait de la « charité publique » (via la fancy-fair, entre autres), donc que ces établissements étaient au-dessus de nos moyens. Message enregistré, chef !

Nous avons dès lors décidé de faire une tournante entre nous. On irait donc une fois au domicile de chaque participant, le dîner devenant un repas peu coûteux mais pas quelconque, chacune de mes collègues s’ingéniant à relever quelque peu l’ordinaire. Je me suis aperçu que la gent féminine ne dédaignait pas la dive bouteille…

A part cela, je ne me rappelle pas grand-chose du contenu de ces formations. Je ne suis pas le seul. Marie-France, appelée à la rescousse de ma mémoire défaillante, m’écrit textuellement ceci: nous avons été très agréablement surprises de la façon très humaine et impliquée avec laquelle tu jouais le jeu (autant dire qu’elles me prenaient pour un palefrenier!). En revanche, je me souviens très bien de la participation exceptionnelle du père Thierry Monfils, qui n’est pourtant pas une femme... Sans doute me trouvait-on en danger, isolé que j’étais dans cette sorte de gynécée.

Je suis incapable aujourd’hui de dire en quoi consiste l’analyse transactionnelle, mais je puis certifier qu’on a parlé de stress, de gestion des conflits et de parents sauveurs (ce que nous ne devons jamais être avec nos élèves, paraît-il). Je sais aussi qu’on fit de la relaxation, couchés à même le sol de chez Geneviève. Puis on devait se masser le bas du cou l’un après l’autre: ça détend. On utilisait aussi des jeux de rôles, mon dada, quand on ne jouait pas de petites saynètes, montées en quelques minutes, censées être le point d’accroche d’une question épineuse frôlant parfois le psychodrame: normal pour une psychothérapeute!

Dans mon esprit, ce n’est pas tellement différent d’un recyclage pour les cliniclowns de l’hôpital de Verviers, par exemple. Je ne veux pas dire par là que la formation n’a servi à rien. Comment le savoir, d’ailleurs? Elle fait partie d’un tout qui agit petit à petit sur notre personnalité et notre façon d’appréhender la réalité. Je sais en tout cas qu’elle a permis de mieux nous connaître, ce qui était loin d’être inutile vu le nombre croissant de nouvelles têtes arrivées en peu de temps rue de Rome.

Dans le fond, c’était sans doute le but essentiel que la direction s’était fixé après Val-Dieu (voir SOUVENIRS 36 -1): refaire l’unité du corps professoral et, partant, rendre confiance à certains collègues qui se sentaient un peu isolés dans cette école toujours plus peuplée, quoique la période d’expansion vienne de se terminer, comme prévu. 

Oui, Copernic a coûté cher, mais cela en valait la peine, Monsieur le Directeur. C’est mon avis, aujourd’hui que j’ai pris un peu de recul.

Je dois préciser que si je m’en suis tenu à la première salve de formations, d’autres continuèrent durant de nombreuses années. Peut-être en avaient-ils davantage besoin…

 

 
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28 juillet 2009 2 28 /07 /juillet /2009 12:01

1990-91 : l'Ecole secouée

1. Trois recteurs

[Sur la photo ci-dessous, prise par Joseph Ruwet, on reconnaît les pères Bodaux et Charlier (courbé) dans l'église du Sacré-Coeur. Dans le fond, à gauche, on distingue les pères Vincent, Van Der Biest, Meessen et Cardol.]

Bodaux-Charlier.JPG

Le rectorat du père Jean Charlier, neveu du père Nestor Bodaux (bon sang ne saurait mentir),  commence par une valse-hésitation. Rappelez-vous (voir Souvenirs 14 - 15: la vacance du pouvoir), c’est au moment du départ du père Lefèbvre, recteur-directeur. On sait qu’il faut le remplacer, donc on va avoir un nouveau directeur. Charlier 74-75Mais comme l’heure est à la promotion du laïcat, si nous avons un directeur non jésuite, il faudra quand même un autre jésuite comme recteur. Le jour du repas annuel des profs qui clôt l’année scolaire, notre brave recteur Luigi est dans l’incapacité de nous donner le nom de son ou de ses successeurs. Interrogé sur ses ambitions, le père Charlier, qui est tout sauf un arriviste, me confie quand même qu’il accepterait volontiers (attention à la nuance !) de devenir directeur du Collège. Evidemment, il ne peut se déclarer candidat, ça ne se fait pas dans la Compagnie.

Finalement, nous apprendrons au mois d’août, par une circulaire du Recteur sortant, que le nouveau directeur est Jean-Marie Delobel tandis que Jean Charlier devient Recteur de la Communauté, tout en restant professeur de rhétorique. Comme nous sommes en pleines vacances, personne ne verra les premières réactions des autres. Quand on se reverra, le choc sera déjà amorti. En tout cas, je crois pouvoir dire qu’on est heureux que le père Charlier reste au Collège.

Comme nous le connaissons depuis longtemps, il est malaisé de parler de son apport en tant que préfet du Spirituel du centre scolaire. C’est sans doute un gros changement pour la communauté locale, mais, au point de vue spirituel, on ne verra pas vraiment de bouleversement. D’ailleurs, Chacha ou Belette ou Furet (comme disent les élèves des rhétos successives) n’est pas un révolutionnaire. Mais c’est un homme qui sait écouter, voilà une grande qualité pour un prof et surtout pour un préfet du Spirituel.

Personnellement, j’ai toujours eu de très bons rapports avec lui, et même assez intimes; c’est un homme auquel je peux me confier le cas échéant. Si je peux lui reprocher quelque chose, c’est de ne pas suffisamment extérioriser ses convictions; c’est un modeste, un vrai. Et c'est un homme pieux. J'ai reçu le témoignage d'un collègue laïc, qui a partagé sa chambre lors d'un voyage scolaire: il prie agenouillé au pied de son lit tous les jours soir!

Il va être, bien malgré lui, la cause d’une dispute dans mon ménage.

A la fin de son rectorat, ma fille termine sa cinquième au collège et ma femme m’exprime son souhait de voir Brigitte dans la rhéto du père Charlier: comme si on pouvait choisir le titulaire de son enfant, et en rhétorique de surcroît! Bref, je n’y prête pas trop attention. En outre, quelques jours avant la fin du mois de juin, le conseil d’administration – dont j’étais le secrétaire – se réunit et nous y apprenons que Chacha va partir au collège Saint-Paul de Godinne et quitte donc le Collège. Mais on insiste pour que nous n’ébruitions pas la nouvelle avant l’annonce officielle qui ne sera faite qu’au souper de fin d’année des professeurs, le samedi 30 juin 1984. Promis, juré (on a l’habitude au conseil d’administration, puisque nous sommes toujours tenus au secret des délibérations). Ma femme revient à la charge, je lui réponds que ça ne se fait pas de demander ainsi des passe-droits et que, de toute façon, Delobel ne tient pas compte de ce genre de souhait. Oui, mais demande quand même, me prie-t-elle, on ne sait jamais. Que faire? Temporiser, comme on dit au football. Le lendemain, rebelote, mais je dois lui avouer que je n’ai toujours pas parlé à Delobel. Je ne peux pas mentir, tout de même, surtout à mon épouse. Alors elle s’énerve: pour une fois qu’elle me demande un plaisir… On connaît la rengaine. Le ton monte, je suis excédé, mais j’ai promis! Cela devient un drame cornélien, j’exagère à peine. Je suis torturé et elle, révoltée. Heureusement, le 30 juin arrive avant les dégâts définitifs; ouf! Je me crois définitivement libéré, c’est mal connaître la psychologie féminine. Encore aujourd’hui, si j’en reparle, elle me reproche toujours d’avoir manqué de confiance à son égard. J’enrage mais j’écrase. Qu’auriez-vous fait à ma place?

Voilà au moins un risque de dispute définitivement écarté depuis que je ne suis plus dans ces conseils qui vous imposent le secret, sachant pertinemment que c’est pure illusion. On vient (en juin 2009) encore d’en avoir la preuve avec l’engagement de la nouvelle sous-directrice…

Voilà donc notre Chacha promu et parti: il a fait son temps, six ans, c’est une règle incontournable dans la Compagnie. Il est remplacé en 1984 par le père Jean-Marie Doutrelepont, Doutrelepont-J-M-1984.jpgun ancien du Collège, natif d’Ensival, paraît-il. Pour nous, inconnu au bataillon. Ce n’est jamais facile de rentrer dans les souliers d’une personnalité unanimement respectée. Je crois que le nouveau recteur fera de son mieux pour s’intégrer chez nous. Mais nul n’est prophète en son pays. En plus, il sent le jésuite à plein nez, si vous voyez ce que je veux dire… Il aura vite le surnom de Mamé Jésus, probablement donné par un(e) collègue qui lui trouve trop souvent une attitude de componction. En outre, je crois qu’il passe mal auprès des femmes du corps professoral. Une chose qu’elles n’aiment particulièrement pas, c’est sa façon de saluer les collègues dans la salle des profs: il prend votre main dans les deux siennes, vous décoche un grand sourire la tête sur le côté, mais son regard est déjà ailleurs, vers le prochain qu’il va saluer de la même façon: surtout ne rater personne. Bref, une poignée de main d’un homme politique en campagne électorale: faussement chaleureuse. Evidemment, c’est anecdotique. Il y a sûrement autre chose de plus profond. Quant à moi, j’ai du mal à le situer. Je préfère donner la parole à Delobel, au moment de son départ, le jour de la soirée des professeurs du 29 juin 90 : « Vous laissez à Verviers la trace indélébile d’une volonté féroce de faire connaître, de vivre et d’aider à vivre une spiritualité ignatienne dynamique (j’allais dire « virile »…).»  Volonté féroce, virile? Ca me paraît excessif. Mais soit.

Dans la SFX Revue du mois de septembre 1990, le père Recteur, s’adressant aux Parents, dit tout le bien qu’il a trouvé au Collège durant ces six années, en particulier sa « joie d’avoir terminé par l’admirable Conférence des Oiseaux ». Ce spectacle, monté au Collège par Léon  Ernst (j'avais affiché une photo de Léon, mais il m'a demandé de la retirer...), sera encore joué à Bruxelles, Mons et Charleroi, et les comédiens se retrouveront même au festival d’Avignon. Tout compte fait, je crois avoir assisté à ce spectacle: la mémoire me revient, tout n’est donc pas perdu pour moi...

Enfin, je me permets de recopier un autre passage de la même missive du recteur sortant: « La seule chose qui pourrait vraiment m’effrayer, si elle s’accroissait chez nos élèves, ce serait l’indifférence, propre à un monde qui s’asphyxie parce qu’il se contente de consommer.» Pas mal vu, mon Père.Huet-96.jpg
Nous avons découvert en septembre 1990 son successeur, le père Robert Huet , Français de 48 ans et plus jeune recteur de Belgique, le premier supérieur de SFX sachant conduire! Voilà un bel homme, au  sourire conquérant, qui va spontanément vers les autres sans arrière-pensée. Il aurait fait des études d’ingénieur avant de se consacrer à la spiritualité ignatienne. Il a tout pour plaire. Son seul handicap visible, c’est son nom. Comme nous avons pris l’habitude de parler d’un collègue qui a des enfants en disant le père Untel, il arrivera quelques quiproquos savoureux. Dites tout haut le père Huet et le père Ruwet: vous avez tout compris. La première à s’en mordre les doigts, c’est Liliane Schmits Liliane 88 Schmits (ci-contre), dite Lily dans le couplet ci-dessous, composé pour sa mise à la retraite (air: Lily de Pierre Perret). Son mari se prénomme Jean-Marie, Arlette, c'est Arlette Pirnay, la compagne de Joseph Ruwet:


Déteignant sur son Jean-Marie, Lily
Elle présenta à son mari, Lily
Le père Recteur Robert Huet
« Ah, c'est vous le copain d'Arlette »
Dit Jean-Marie un peu distrait.

Ledit Joseph m’a rappelé dernièrement qu’une de ses élèves de 5e le prendra pour un jésuite jusqu’au jour où elle s’étonnera devant lui de la légèreté de certains de ses propos. Joseph a bien dû confesser son état de laïc…

A propos, en 1990-91, j'ai comme élève en 2 E Marie-Martine Schyns  qui deviendra ma collègue avant de se lancer en politique. 
Schyns-MM-90.jpg

 

                               

2. Le maître de musique


Depuis le Rénové, la musique a fait son entrée dans l’horaire des élèves, du moins en première: c’est une activité d’essai à raison d’une heure par semaine : ça ne nourrit pas son homme. Après avoir perdu son temps avec une professeure pas très emballante, le maître André Sauté arriva. D’abord réservé, comme il est de bon ton quand on est nouveau, notre André est petit à petit entré dans la bande des joyeux compagnons de saint Ignace, pour lui donner un nom qu’elle n’a jamais porté ; disons, pour être plus clair, le groupe initié par les compères Janssen et Gillot, qu’on a appelé lors d’un nouvel an le groupe JAGI. Plus tard, on fondera solennellement le cercle Emile Coué.

L’événement qui scellera notre amitié sera la déclaration de naissance de son fils premier né. André aurait bien voulu que dans les prénoms de l’enfant figure l’anagramme du sien: RADEN, qu’il utilisait pour signer certains de ses écrits. Nous allons en force, après avoir traversé Crapaurue occupée par la braderie de fin juin, déclarer la naissance du petit garçon. Au moment de donner les autres prénoms, André propose Raden. L’employé cale: qui est-ce Raden ? inconnu de sa liste de prénoms habituels. Nous précisons qu’il s’agit d’un musicien bien connu (de nous…). L’employé, qui doute de sa culture musicale, va chercher dans la référence préconisée par son vade-mecum: le Petit Larousse;  point de Raden, et pour cause! On insiste, Gillot et moi: c’est parce que le Larousse est très incomplet. Le préposé garde ses doutes, mais ses scrupules s’envolent dès qu’un échevin de connivence confirme nos dires. En redescendant Crapaurue, je crois que les pieds d’André, très ému, coincé entre Gillot et moi, ne touchaient plus le sol… On pouvait croire qu'il avait forcé sur la dive bouteille

– ce qui n'arriverait certainement plus aujourd'hui.

 

Mais Sauté (voir photo ci-dessus) peut redevenir sérieux instantanément. Au cours, ce n’est pas vraiment un joyeux, paraît-il: il croit en ce qu’il fait, même s’il se contentera de l’utilisation de la flûte à bec (tous la même évidemment) pour les élèves.
Saute-educ-music.jpg
Il s’est bien démené pour tenter de donner des lettres de noblesse à l’éducation musicale au Collège. Il réussira d’abord à faire ouvrir une activité complémentaire à 2 h/semaine en 2e, puis il organisera des représentations musicales devant les parents, sous le charme, et surtout un échange avec des Catalans. Il profite aussi de cette vague porteuse pour nourrir de son pain la Revue du Collège. En relisant sa prose, je suis frappé par les lignes suivantes : « La recherche expérimentale a prouvé scientifiquement et, de plus, a démontré (c’est pareil!)
 –
que la perception des valeurs rythmiques faisait partie de la structuration spatio-temporelle (sic) indispensable à l’acquisition d’un esprit logico-mathématique (aha!) ;
– que la finesse de la perception auditive s’avérait indispensable pour l’apprentissage des langues étrangères et, qui plus est, que l’Education psychomotrice au travers du rythme musical était le moyen le plus sûr pour lutter contre la dyslexie et la dyscalculie (j’aurais dû y penser en chantant le théorème de Pythagore). L’objectif spécifique du cours d’Education musicale doit être, outre le développement des capacités intellectuelles et artistiques, la préparation aux loisirs de l’homme de l’an 2000 (c’est déjà dépassé).

Durant l’année scolaire 1990-91, il organise, bien aidé par les parents, une rencontre avec des flûtistes de l'âge de ses élèves provenant de Banyoles (province de Gerome). C’est un match amical et musical en deux temps: l’aller et le retour. Chez nous, le succès est considérable: les Belges et les Catalans, musicalement et fraternellement réunis, terminent par un concert commun de 100 flûtes jouant, pour le plus grand plaisir des parents attendris, dans l’église du Sacré-Cœur – récemment embellie par la volonté du recteur Doutrelepont –, l’hymne à la joie de Ludwig van Beethoven, tout un symbole.

Le match retour, tout aussi enthousiasmant, se déroule à Pâques. Pour ceux qui ne connaîtraient pas notre maître de musique, il suffit d’en contempler ci-dessous la caricature très réussie, réalisée par M. R.Nervenne, parue dans notre fameuse revue.
caricature-Saute.jpg

3. Une autre caricature

Je ne voudrais pas laisser croire que je ris seulement des autres en me réservant le beau rôle. Ci-joint ma caricature des œuvres de Nico Tsiligas, que j’ai eu comme élève de 3LM en 1980-81. Doué, le garçon!

Je médite souvent sur cette pensée : « Si tu sais rire de toi, tu n’as pas fini de t’amuser. »      

Caricature-par-Nico-Tsiligas.jpg

4. Les grèves de 1990

En 1990, donc 4 ans plus tard que l'épisode Damseaux, le Secondaire francophone est une nouvelle fois dans le collimateur de nos huiles. L’enseignement est alors sous la coupe d’Yvan Yvanovitch Ylieff, le bourgmestre très socialiste de Dison.  Il est question de payer partiellement les enseignants avec des chèques-repas, de la monnaie de singe, dit-on dans les écoles. Le monde syndical est en ébullition. L’épreuve de force entre ministres et enseignants, plus spécialement du Libre, est engagée. On commence par des manifestations. Mais rien ne bouge: il paraît que la Communauté française de Belgique n’a plus d’argent et le gouvernement ne veut pas la refinancer. Les représentants syndicaux de la CSC (en particulier Régis Dohogne, passé plus tard au cabinet très socialiste de Laurette Onkelinx!) et de la CGSP (Jean-Marie Ansciaux) lancent alors le mot d’ordre de grève au finish.

Au Collège, on n’est pas très chaud, mais le vent va rapidement tourner après une réunion syndicale mémorable à la salle audiovisuelle, réunion ouverte à tous Potelle-90.jpg et dirigée par notre délégué, Bernard Potelle, toujours maître de lui et particulièrement efficace malgré (ou grâce à?) son air patelin. Mais c’est surtout le délégué syndical de Don Bosco, invité pour l’occasion,  qui emportera le morceau. Il nous explique la méthode CSC pour faire grève sans mettre notre traitement en péril. Certains appelleront ça la grève « à la chrétienne »: seuls les enseignants du Libre utiliseront ce procédé.
Voici le scénario proposé: les profs s’organisent pour aller faire des piquets dans les autres écoles catholiques que la leur. Ceci permet aux grévistes – qui ne se déclareront jamais en grève – de se dire officiellement empêchés d’accéder à leur école à cause de ces fameux piquets. Le tour est joué : ils seront donc payés comme d’habitude. Et ça marchera à une exception près: le Collège jésuite de Namur. Pourquoi eux et pas les autres ? Par hasard peut-être. En tout cas, plusieurs années plus tard, le problème n'était toujours pas réglé. Je tiens mes informations d'un prof de maths local, André-Marie Genevoix.
Cette façon de faire grève sans le déclarer est pour le moins contestable –  je ne me suis pas gêné pour le dire publiquement lors de cette assemblée –, il a cependant convaincu une majorité de nos collègues. L’argument le plus souvent utilisé est:
«qui veut la fin veut les moyens», et tout le monde sait bien que, sans salaire, les enseignants ne résisteraient pas une semaine…
On s’est donc retrouvés à l’école avec des effectifs réduits à la portion congrue, d’autant plus que nombre de non grévistes étaient dissuadés d’entrer par les piquets, assez nombreux au début du mouvement: on n’allait pas en arriver aux mains quand même!

Au Collège, quelques profs font de la résistance : pour eux, la fin ne justifie pas les moyens!  D’ailleurs, les motifs de la grève ne sont pas très précis, c’est plutôt une manifestation de ras-le-bol généralisé bien compréhensible.

Les non grévistes les plus déterminés s’arrangent pour être présents au Collège tous les jours. Il faut dire que les accès sont nombreux à cette époque; moi, je me contenterai d’arriver à 7h30 du matin, à ce moment-là les piquets de grève ne sont pas encore au poste.
Les professeurs présents s’occupent aussi bien que possible des élèves présents, de moins en moins nombreux au fil du temps. De ces courageux travailleurs
je m'honore d'être du nombre je me souviens (mais j’en oublie sans doute) de Liliane Schmits, Jacqueline Jost, Denise Linckens, Jacqueline Degueldre et André Sauté. 

On se revoit, corps professoral quasi au complet, pour des réunions de mise au point: continue-t-on la grève ou non? L’atmosphère est souvent tendue. J’en ai un mauvais souvenir; on se demande comment on se regardera lorsque les cours normaux reprendront. Quelques collègues grévistes ne supportent plus que le Collège accueille durant cette période nettement plus d’élèves que les autres écoles de Verviers. Ça fait mauvais genre paraît-il ; je suis d’un avis opposé! C’est alors que deux collègues grévistes de SFX particulièrement motivés, une femme et un homme (qui deviendra directeur d'une autre école libre) – vont faire du chantage chez Delobel: si des élèves viennent encore dans la cour, les piquets investiront SFX et ils ne répondent plus de rien. Ce chantage est efficace; Delobel avertit les élèves des risques encourus et leur demande de ne plus se présenter à l'école tant que dure la grève. A dater de cet épisode, on ne voit plus au Collège que des groupes épisodiques venant suivre les cours de quelques rares professeurs particulièrement attractifs comme André Beaupain ou le père Sonveaux, paraît-il.
Les rumeurs les plus folles circulent à propos des jaunes qui donneraient cours dans les caves du Collège, dans des cafés en ville ou chez des parents.

Les manifestations, où grévistes et non grévistes se retrouvent bras dessus bras dessous, impressionnent le chaland. En particulier celle qui eut lieu à Dison, sur les terres de notre Yvan national (à droite, pour une fois!).
                                                                                                         Ylieff.jpg
C’est un succès de foule considérable. On parle de 20.000 personnes... Auparavant, ledit Ylieff avait été réveillé – en fait, il était déjà debout, les services de renseignements sont bien Kroonen-JM-68.jpg organisés en Belgique – à 6h du matin, par une vingtaine de professeurs du Libre verviétois, dont Alain Halleux, Jean-Michel Kroonen de Sainte-Claire (un des paroissiens d’Yvan) et moi. Il nous avait reçus  devant chez lui, soutenu par la présence bien visible de la gendarmerie, avec son air hilare qui convenait si mal à la situation. Un prof de Notre-Dame, particulièrement énervé, en sera quitte pour courte visite à l'hôpital.




Ce mouvement se termine un peu avant les grandes vacances.

Le  jour de la fête de la Communauté française, le 27 septembre 1990, nous nous retrouvons en train de manifester à
Halleux A massacreNamur. Le cortège suit un itinéraire très périphérique, mais les enseignants ne veulent pas se laisser balader. Epreuve de force entre les gendarmes alignés impeccablement en travers d'une rue et la tête de la manifestation qui siffle, joue du tambour et danse au nez de ,la maréchaussée imperturbable. Je trouve les forces de l'ordre imperturbables, je les admire secrètement de ne pas broncher devant les énergumènes qui font tout pour les énerver. Le soir, à la télévision, je découvre qu'il y a eu finalement du grabuge, on voit quelques manifestants ensanglantés: j'en apprends plus par la TV qu'en ayant été sur place! C'est le nouveau casus belli; les meneurs syndicaux crient au scandale, à la dérive policière. Les responsables politiques n'ont-ils pas donné des ordres  dans ce sens: empêcher les manifestants de perturber les fêtes de la Wallonie par tous les moyens? Le cycle infernal reprend vigueur. Les grèves dures vont repartir de plus belle avant la Toussaint. 

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21 juillet 2009 2 21 /07 /juillet /2009 05:17

5. Une école primaire en plus

Avant d’aborder la nouvelle construction dans le jardin des Pères, je voudrais mentionner un classique de l’année scolaire qu’est devenue la journée sportive, à laquelle les élèves tiennent énormément. Mais aussi une initiative d’André Zinnen, qui a l’habitude d’en prendre. Mais, cette fois-ci, ce n’est pas dans le domaine informatique.

Le vendredi 20 mai 1988, après les cours, André part en pèlerinage à Banneux avec ses 18 élèves. Mais ils ne reviennent pas à Verviers comme d’habitude : ils s’arrêtent à l’Accueil Saint-François d’Ayrifagne où ils participent d’abord à une Eucharistie avant d’organiser une veillée. Ils passeront la nuit dans cet environnement champêtre avant de réintégrer leur domicile pleins des souvenirs dePrimaire-17-mars-12.JPGcette journée qui est un peu comme une retraite avant l’heure.

Elle aura mis du temps à sortir de terre, cette belle construction. Mais tout arrive à qui sait attendre. Le 20 septembre 88, les plus petits de nos Primaires ne sont pas peu fiers d’étrenner  le nouveau bâtiment construit spécialement pour favoriser la convivialité. Le 22 octobre, date de l’inauguration officielle, les visiteurs sont un peu surpris de voir de grandes pièces ouvertes en lieu et place Primaire-jardin-12.JPGde locaux de classe de taille standard. Le tout-en-béton ne choque pas, on est maintenant habitué aux préférences de l’architecte Fettweis (père de notre collègue Christophe). En fait, c’est d’une nouvelle école primaire que se dote Saint-François-Xavier. Cet édifice est somme toute un bel instrument pour les petits et leurs professeurs, mais aussi un beau cadeau pour leur chef d’école Herbert Dechêne, qui ne cache pas sa joie. 

 

 

 

Et, pour que le Secondaire ne soit pas en reste, un nouveau laboratoire de physique s’ajoute à ceux de chimie et de biologie. La géographie et l’histoire auront désormais leur local Prim-Bassin.JPGspécialisé: une évolution nécessaire.

(dernière photo: le parking et le mur du bassin vus du jardin des primaires)


6. Premier voyage en Angleterre

En 4e, Jean Arnould a une classe très vivante et très entreprenante. En particulier les deux Marie (Sarlet et Delooz), qui lui proposent tout à trac d’organiser un voyage en Angleterre. Jean est un peu surpris, mais comme il aime les élèves qui prennent desLondres-Arnould-J-2.jpg initiatives, et qu’il connaît bien l’Angleterre où il a vécu une année entière, il trouve l’idée séduisante et leur dit textuellement: je veux bien, mais vous devez tout organiser ! La balle est dans leur camp. Mais elles sentent bien que le prof mord à l’hameçon. Elles prennent la balle au bond et reviennent quelques jours plus tard avec des propositions de séjour ; mais très (trop) chères, plus de 5.000 FB par élève, en 1989! Arnould fait comprendre que la proposition est trop coûteuse et prend le relais. Londres-Arnould-1.jpgLa Providence assiste cette classe d’anglais, car, quelques jours plus tard, le prof reçoit dans son casier une publicité, venant de nulle part, pour un organisme spécialisé justement dans les séjours en Angleterre et à des prix très abordables. L’enthousiasme du prof n’a rien à envier à celui de ses élèves. Toute la classe (les Bemelmans, Hoste, Willem, Defrance, Reul et compagnie) est maintenant à l’unisson des deux Marie. Via cet organisme (LHS Travel group), Jean entre en relation avec les familles susceptibles d’héberger nos apprenants. Comme il a carte blanche pour le programme sur place, le projet est ficelé en deux temps, trois mouvements et l’autorisation du directeur est accordée séance tenante : Delobel a toujours encouragé les profs qui prenaient des initiatives de ce type.

C’est ainsi que ce fameux voyage en Angleterre proposé chaque année à tous les élèves de quatrième – en profitant généralement du congé de l’Ascension – a démarré.

Arnould-fanfare.jpg Dix ans plus tard, le voyagiste sera repris par Twinschool, qui laissera les mêmes possibilités à l’entreprenant Jean Arnould, lequel saura s’entourer d’année en année d’une équipe bien soudée, capable d’encadrer plus de 120 élèves en plein Londres, métro inclus. Pour ne pas se perdre, tous les élèves possèdent un sac identique, couleur comprise, les accompagnateurs ayant une autre couleur.

Ci-contre, Jean Arnould lors du retour de son dernier voyage en Angleterre, en mai 2003.

Cette activité, vite devenue un incontournable de la quatrième, laisse généralement un souvenir merveilleux dans la tête de nos élèves.

Jean dirigera la manœuvre chaque année jusqu’à sa retraite en 2003 (voir Souvenirs 117).

Ce voyage annuel continue aujourd’hui sur sa lancée; Karina Baggen en est la coordonnatrice.


 

7.  Erich Alard rejoint le père Fafchamps

 

Fafchamps--Cardol.JPG

 







Ancien aumônier des Raphaëlistes, ancien aumônier fédéral Fafchamps-Lucien-1988.jpgde la J.O.C. à Verviers, le père Lucien Fafchamps (voir Souvenirs 14), né à Liège en 1903, a rejoint la cité ardente pour y rendre son dernier souffle en janvier 1988. C'est sans doute le plus joyeux des jésuites que j'ai rencontrés à Verviers.
Lui qui riait volontiers à gorge déployée s'en va sur la pointe des pieds.
 



Arrivé au Collège en septembre 1954
j'ai donc dû le connaître quand j'étais élève  , Erich Alard a passé  30 ans de sa vie au Collège. Je l'ai toujours connu en  IVe primaire. A peine pensionné, il s'est  retrouvé "aux vieilles gens", au Châtelet à Andrimont. Sa santé l'immobilisera là-bas, abandonné de presque tous, jusqu'en ce triste mois d'avril 1989.
Erich, fumeur invétéré (comme bien d'autres)
était un "vieux de la vieille" fort sympathique et toujours de bonne humeur. Il m'interpellait volontiers lors de nos rencontres à la salle des profs par une petite pique bien sentie: il savait que j'entrais volontiers dans son jeu.  Voilà un collègue avec lequel j'avais des atomes crochus sans bien savoir pourquoi.
Sa réputation était assez sulfureuse, c'était, disait-on, 
 un joyeux guindailleur dans ses premières années profes
 sionnelles. Mais il était bien autre chose, pour ses élèves.
"Erich raffolait de l'analyse, raconte le R.P. Vincent, et Dieu sait combien de leçons il a préparées, données et corrigées avec soin et avec ardeur. Il décorait son tableau dupremier au dernier jour de l'année scolaire avec la liste alphabétique de tous ses disciples; en regard: trois colonnes qui condensaient l'essentiel, selon Erich, de la vie dans une classe de 4e:
Application - Discipline - Exactitude."
Alard-Erich-n.jpg
Je me rends compte aujourd'hui (il est presque temps!) que j'aurais pu aller le voir de temps à autre: mea culpa, Erich.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

8. Au revoir, M.Dechêne 

Dechene-retraite-juin-89.jpg

"Herbert Dechêne allait nous quitter après 30 ans de service au Collège où il sut gagner la sympathie et l'estime des petits et des grands par son sens de l'accueil, la qualité de son écoute, le sérieux de son travail, sa disponibilité, son dynamisme et...son sourire." Ainsi s'exprimait Fernand Poumay à la fin du mois de juin 1989.

C'était le début de l'après-midi festive destinée essentiellement aux élèves et à leurs parents. Et aussi à quelques anciens condisciples d'Herbert, jeune homme de 50 ans seulement. C'est le dernier à pouvoir profiter de ce qu'on appelait l'Ancien régime dans lequel certains fonctionnaires comme les gendarmes et les instituteurs, par exemple, pouvaient prendre leur retraite après 30 ans de service.  Je fus surpris de voir là-bas Alfred Cormann, prof d'allemand, qui avait donc côtoyé Herbert sur les bancs de l'Ecole Normale.

Présent dans la salle du centre, plus en curieux qu'en invité, je mesurai la fraîcheur et l'enthousiasme des ces "chères petites têtes blondes": impensable en Humanités! 

Je ne résiste pas au plaisir de recopier le poème composé par un enfant à cette occasion:Cormann-Alfred.jpg
 - M.Dechêne, c'est une merveille
                        c'est un vrai soleil
                        il nous tend toujours l'oreille.

Quant aux sketchs présentés sur la scène, c'était d'une qualité étonnante; la scène finale avait été imaginée, paraît-il, par deux parents: Anne et Marc Gillet, dont j'aurai quelques années plus tard les 3 enfants.Tout se Dechêne Herbert 5 prim B terminait autour de la table eucharistique, évidemment.

Cet après-midi? De la joie, rien que de la joie!

J'ai appris par la presse (article signé F.Hauglustaine) que le matin même, Herbert et son épouse (Ida) avaient été littéralement enlevés de son domicile de Polleur sur le coup de 13h30 par Henri Defawes "Il a été chaleureusement accueilli sur le parvis de l'église de Mangombroux où l'attendait une magnifique calèche escortée par une dizaine de voitures arborant un fier good luck, allusion directe à la future carrière de M.Dechêne", qui n'a guère que 50 ans. Il travaillera désormais dans le mobilier. "L'arrivée quasi triomphale à SFX s'est faite par le parc Fabiola où attendait une impressionnante haie d'honneur, qui a conduit le récipiendaire et son épouse Ida" dans la salle salle du cinéma Le Centre.

Le soir, ses collègues en particulier Joseph Kopetti (cinéaste amateur) et Dominique Jost (amuseur quasi professionnel) s'employèrent à terminer la fête en apothéose. Quelle fête!

 

9. La chute du mur de Berlin

Le 9 novembre 1989 est incontestablement une date qui figurera dans tous les livres d’histoire à dater de ce jour. La chute du mur est comme un séisme dans le bloc de l’Est qui commençait à se lézarder en Pologne sous l’action tenace d’un certain Lech Walesa. Il n’empêche, quelque temps auparavant, nous avions encore des politologues avertis qui prétendaient que l’empire communiste était éternel ou presque : le communisme n’est pas recyclable – comme disaient certains –, on n’a jamais vu un état communiste s’ouvrir à un système plus démocratique. Et puis l’histoire des SS20 pointés sur le cœur de l’Europe avait laissé des traces dans l’imagination de tous les Européens de l’Ouest. Oui, cet événement a pris tout le monde de vitesse et a ébranlé les consciences en donnant un vent d’optimisme inespéré à l’Ouest comme à l’Est. 

Voilà que les examens de Noël de nos potaches sont ramenés à de plus justes proportions, qui s’en souviendra encore dans 5 ans? Evidemment, il faut quand même les réussir.

Si l’enthousiasme est grand chez nous, on peut en même temps être assez inquiet : comment tout cela va-t-il finir ? Les Soviétiques laisseront-ils faire ou reprendront-ils la main, chars à l’appui, comme ils l’ont déjà fait à Budapest et à Prague : on retient son souffle en pensant que les troupes du Pacte de Varsovie sont, sur le territoire de l’Europe, incontestablement supérieures aux troupes occidentales stationnées chez nous. Et puis, comment cela va-t-il se passer entre les deux Allemagne ? On parle déjà de réunification, mais Mitterrand émet un avis défavorable : il ne faut pas recréer une grande Allemagne, un Reich! Bref, la politique envahit toutes les conversations: le Collège n’est pas en dehors du monde. Mais l’optimisme domine, incontestablement. Oui, on vit des années fertiles en événements.


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