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24 novembre 2009 2 24 /11 /novembre /2009 19:07

8. Berné en délibé

La plupart des délibérations se passent bien. Mais elles demandent explicitement la discrétion des participants au Conseil de classe: c’est normal. Malheureusement, comme dans les ministères ou les cabinets de justice, le secret est une notion trop souvent illusoire dans notre société de communication. Finalement, il y a des fuites et, habituellement, on en ignore les auteurs.

Je me souviens de la première fois où j’ai été victime d’un indélicat. Le lendemain d’une délibération de 3e,  je rencontre une maman d’élève qui me demande des explications sur ce que j’ai dit de son fils en délibé: elle me répète mot pour mot mes propos! Ahuri, je ne peux nier sans mentir. Je suis donc sommé de m’expliquer, ce que je fais sans état d’âme, mon avis en l’occurrence n’étant pas désagréable à entendre s’il est remis dans son contexte. Comme je m’inquiète du nom de son informateur, la maman me le dit sous le sceau du… secret: c’était un très jeune collègue de gymnastique, tout heureux, sans doute, de montrer qu’il était dans le «secret des dieux». En voilà un de qui je me suis toujours méfié.

D’autre part, nous ne sommes pas à l’abri de ce qu’on appelle pudiquement des dysfonctionnements: par exemple des collègues qui parlent des difficultés d’un élève alors qu’ils ne lui donnent pas cours! En cas de vote secret, il est arrivé que l’on compte plus de votants que de professeurs concernés!

Ce n’est pas si étonnant que cela. Lors d’un Conseil de classe de délibérations, tous les professeurs donnant cours à des élèves de cette classe sont réunis. Comme, par exemple, le prof de gym des filles et celui des garçons; les trois profs de langues germaniques, même si les élèves ne choisissent que deux langues différentes; idem pour les trois profs de sciences, etc. Il y a donc des moments où certains professeurs ne sont pas concernés, puisqu’ils ne donnent pas cours à cet élève: il faut être très attentif. Excédé par cette source d’erreurs, j’ai un jour – alors qu’on avait déjà changé de direction – proposé que les professeurs non concernés par le sort d’un élève attendent dans un local voisin que leurs collègues aient traité le cas. On irait les rappeler dès qu’on passerait au suivant. L’autorité  nouvelle a rejeté ma proposition d’un revers de main, disant que cette procédure était impraticable… C’était pourtant simple à réaliser, même sans ordinateur!

J’ai eu connaissance de situations encore plus révoltantes quand le directeur (pas J.Camps), qui a demandé l’avis du Conseil de classe, tranche dans le sens contraire de l’avis majoritaire: légalement, il en a le droit, mais pourquoi demander l’avis de son Conseil en l’occurrence?
On m’a dit que Liliane Schmits (photo ci-contre), titulaire de cette classe, était particulièrement furieuse; il y a de quoi! Il est tout aussi inadmissible qu’un enseignant oublie de se présenter à l’heure convenue. Le bouquet final, c’est quand on a constaté qu’un collègue était déjà parti en vacances avant la fin des délibérations pour bénéficier d’un tarif plus avantageux! Il est vrai que ce n’est arrivé qu’une seule fois en 38 ans, mais une fois de trop.

En 1994, je participe à une séance mémorable lors d’une délibé de 4e dont je suis le titulaire. On discute du cas d’un certain Olivier, qui a manifestement raté son année, car il a obtenu moins de 50% des points pour l’ensemble de l’année scolaire dans une série de branches qui totalisent au moins 1/3 de son horaire hebdomadaire, comme dit clairement le règlement (toujours le même aujourd’hui, allez voir sur le site collegesfx).
Le cas est clair, Olivier doit redoubler. Je sais de quoi je parle, puisque j’ai été amené en son temps à composer le règlement en question. Le directeur a repris ma proposition telle quelle en y ajoutant simplement un «nota bene» qui changeait radicalement la philosophie du texte. Il s’agit d’une précision concernant le paragraphe susmentionné (en italique) qui relate le cas où le Conseil de classe fait simplement le constat qu’un élève doit redoubler son année. Voici textuellement l’ajout.
N.B.: des circonstances particulières peuvent cependant amener le Conseil de classe à prendre une autre décision que la délivrance d’une attestation C (c’est-à-dire l’obligation de redoubler).
Cette note est évidemment la porte ouverte à toutes les entourloupes. Qu’appelle-t-on «circonstances particulières»? Ce n’est expliqué nulle part, c’est donc le Conseil de classe qui les définira ad libitum.

Je me souviens de rumeurs persistantes et contradictoires à propos d’un cas de recours à ces fameuses «circonstances particulières» en fin de Rhéto. C’est au début des années 1990, une jeune fille est enceinte – une grande première pour nous, restée un cas unique si je suis bien renseigné –; ça secoue la rue de Rome, qui apprend en plus que le papa serait aussi un élève du Collège. Cette charmante jeune fille ne se présente pas à la session d’examens de juin, l’accouchement n’étant pourtant pas encore imminent. Je suppose qu’elle est couverte par un certificat médical. Le Conseil de classe utilise en l’occurrence la notion de «circonstances particulières» pour trancher avec magnanimité en faveur de la future parturiente: celle-ci obtient un certificat A, soit un certificat de réussite, exactement comme si elle avait passé et réussi la session!

On ne verra pas cette jeune fille lors de la remise des diplômes: elle n’a manifestement pas la même mentalité que Rachida Daty (ministre de la Justice française - photo ci-contre - qui revint au Conseil des ministres 5 jours seulement après son accouchement au début 2009). Signalons quand même que cette adolescente n’était en échec nulle part (si mes renseignements sont bons) jusqu’à cet épisode hors du commun. D’ailleurs, la jeune maman – qui n’épousa pas le jeune papa –, réussit de bonnes études supérieures: la maternité est le gage le plus sûr de la maturité (proverbe de mon cru!).

Mais revenons à Olivier, qui a donc incontestablement échoué selon le règlement admis par tous. C’est à ce moment que la psychologue maison – que l’on voit assez rarement aux Britte-Jeanne-Francoise-2005B.jpgdélibérations – va s’empresser de nous expliquer qu’Olivier doit bénéficier de «circonstances particulières». Jugez plutôt: il a 2 ans de retard (donc ça fera 3 si on le fait redoubler) et Olivier a un projet très concret: il voudrait bien devenir photographe professionnel. Pourquoi ne pas lui permettre d’aller en 5e Professionnelle dans une école où existe l’option «photographie»? Il pourrait ainsi réaliser son projet de vie sans perdre de temps et s’épanouir dans cette belle vocation.

Pour ma part, je trouve qu’il n’y a là aucune circonstance particulière et je le fais savoir: son âge n’est certainement pas une raison pour le faire réussir – ou alors qu’on donne le diplôme à l’ancienneté –; quant à sa subite vocation, je n’y crois pas un seul instant: je connais l’apôtre, il ne s’intéresse à rien d’autre qu’à la musique, et encore, en pur dilettante. Mais le mot magique a été lancé: projet! Olivier aurait donc un projet: alleluia! Après quelques atermoiements, la décision est soumise au suffrage secret des membres du Conseil de classe. La proposition de notre éminente psychologue est adoptée à la majorité simple des voix émises! Elle a ainsi réussi à inverser la tendance.

Olivier ne devrait donc pas redoubler, mais il ne peut poursuivre qu’en Professionnel, une orientation cul-de-sac pour lui. Moi, titulaire, je dois m’incliner devant l’autorité de la chose jugée, même si je crois que c’est une erreur profonde. Je trouve qu'on décide un peu vite de l’avenir d’un jeune homme.

Amené à annoncer la «bonne» nouvelle à la famille, je téléphone le même jour chez Olivier. La maman décroche et reçoit avec surprise et mécontentement l’annonce de notre décision collégiale. «Mais, M. Janssen, me dit-elle, comment peut-on laisser passer un élève qui a des échecs presque partout et qui n’a rien fait tout au long de l’année?». Je ne sais que répondre, me retranchant d’abord derrière le secret des délibérations, puis je trouve mon salut (très provisoire) dans la fuite: «Venez au Collège demain, Madame, nous en parlerons à l’aise.» Je suis en réalité chargé de défendre une décision non motivée (sur quoi se basait chaque vote secret?) que ni la maman ni moi n’approuvons.

Comment vais-je m’y prendre? Seule échappatoire: argumenter sur la conversion subite d’Olivier pour la photographie. La photographie! s’exclame la maman, mais il n’a jamais pris une photo de sa vie, c’est sans doute encore la psychologue qui raconte cette invention, pourtant je le lui ai déjà dit. Olivier n’aime pas la photographie, M. Janssen, il aime une fille qui fait de la photographie… Me voilà bien avec mon argumentation de carnaval! J’arrête alors de jouer dans ce vaudeville où tous les profs se sont fait berner (involontairement, je suppose) par une psychologue peu attentive – qui a même oublié l’objection de la maman!

La maman, très réaliste, décide illico de refuser cette décision aberrante et de faire redoubler son fils, malgré nous.

A partir de ce moment-là, je n’ai plus attaché la moindre importance à l’avis des membres du P.M.S. Chien échaudé craint l’eau froide.

Quant à Olivier, renseignements pris, il ne fait toujours pas de la photographie, mais il est heureux de vivre dans un environnement musical!

9. Le carême

Comme d'habitude, nous choisissons une action pour soutenir un projet du tiers-monde. C'est le Brésil, et plus particulièrement le village d'Araçatuba et son projet d'animation des jeunes locaux (projet présenté par Paul Rixen) qui doit motiver nos élèves.

Cette fois-ci, je vais prendre les choses à coeur et m'impliquer quotidiennement dans cette opération: je me charge plus spécialement de l'opération tirelires. En fin de carême, j'organise un jeu basé sur les actions entreprises durant cette période et les informations découvertes entre-temps, tout ceci devant égayer le souper brésilien couronnant notre partenariat avec un village de ce grand et pauvre pays.La plus motivéCareme 94 résultatse est manifestement Diane Teuwen de 3B.

Voici les résultats financiers destinés à soutenir nos amis

d'Araçatuba:
(le Gospel rapporte bien plus, mais il donne à plusieurs oeuvres)

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20 novembre 2009 5 20 /11 /novembre /2009 18:07

7. Quinquagénaires

Cette année 1994 fut l’occasion de fêter 4 nouveaux quinquagénaires au Collège: Jean-Marie Delobel, Bernadette Mignot, Jean Gillot et moi (photo ci-dessous). Je ne sais comment ça s’est passé pour mes deux collègues professeurs, mais pour moi, j’en garde un très bon souvenir. Les élèves ont sauté sur l’occasion pour me faire parler de ma vie personnelle et éviter ainsi une heure de maths: on ne peut rien refuser à des gens qui vous fêtent!











Mes collègues profs de maths profitèrent d’une heure de travail d’équipe, passée comme de juste à La Fontaine, pour m’y accueillir avec une énorme banderole en l’honneur de mes 50 ans (j’en étais un peu gêné) composée par l’ordinateur sous les ordres de Jean-Marc Charette (en rouge), tandis qu’Eric Dethier (à l'extrême gauche) avait composé une chanson de circonstance, reprise par la chorale occasionnelle des mathématiciens de la rue de Rome. Une excellente ambiance, vraiment. Pour compléter le tableau, mon épouse me surprend le jour J. Elle me propose d’aller souper au restaurant chinois de la rue du Gymnase (dont la patronne taïwanaise, surnommée Madame-Mecheu, est délicieuse). Un petit souper en amoureux, quoi. Là m’attend

une série impressionnante d’amis – dont plusieurs du Collège – et toute ma proche famille. Que du bonheur! (3 photos précédentes)

Le plus intéressant se situe rue de Rome le 28 octobre – dernier jour de classe avant la Toussaint et donc avant le 31 octobre, jour anniversaire du directeur. Les rhétos avaient trouvé une chaise roulante pour conduire notre Jean-Marie à travers la cour durant la récréation de 10h pour être sûrs que personne n’ignore que le directeur venait de prendre un sérieux coup de vieux… Cet équipage étonnant amuse beaucoup Delobel, qui fait entendre à la cantonade son rire sonore.

Et les profs? Il fallait faire quelque chose. L’heure de Conseil de classe du vendredi est un bon moment, tout le monde doit être là, directeur compris. Deux organisatrices – Anne Quoilin et Jacqueline Massart – viennent me trouver la semaine précédente en me demandant «à titre de vieux copain et jeune quinquagénaire, de dire quelques mots à l’occasion des 50 ans de Jean-Marie». Jusque-là, je peux le prendre comme un honneur et j’accepte volontiers, mais elles s’empressent d’ajouter, une fois ma décision prise: «Sois bref et gentil!» Cela me plaît déjà moins…

Je ne vais évidemment pas photocopier ce discours – pas si long et assez gentil –, que j’avais peaufiné grâce aux informations de première main collectées auprès de la gentille épouse de Jean-Marie (ci-contre). Mais je peux en retirer les informations les plus intéressantes sur les 50 premières années de la vie de notre directeur.

C’est déjà un phénomène lorsqu’il naît à Gedinne le 31 octobre 1944: il pèse 5,7 kg! Fils d’un Français et d’une Bruxelloise, il bénéficie d’emblée de la double nationalité. Il fait des études gréco-latines au collège Belle-Vue, en internat. Là, il étouffe et se fait remarquer du directeur, qui ne le supporte pas (un mauvais directeur, ça existe). Le conflit ira jusqu’au renvoi définitif, en rhétorique. Petit stage chez le papa marbrier pour s’apercevoir que notre jeune homme n’est vraiment pas manuel; et reprise très sérieuse des études, qu’il terminera en philologie romane à Leuven au moment où un certain Wilfried Martens lance le Walen buiten de sinistre mémoire. Inutile de dire de quel côté se trouve le bouillant Delobel – pourtant épris d’une Flamande, sa future femme. Il n’hésite pas à faire le coup de poing contre les excités locaux, persuadés de réactiver la bataille des Eperons d’or.
Les études terminées, Jean-Marie aboutit dans deux écoles de Verviers: les Saints-Anges et Saint-François-Xavier. Il choisit évidemment de rester à temps plein au Collège. J’émaille le discours de quelques couplets appropriés de la célèbre chanson sur «Jim Mac Coye», un autre phénomène.

Vous connaissez le reste de sa biographie – ses exploits politiques mis à part; pour son côté professionnel, relisez les SOUVENIRS précédents.

Je termine par un vibrant «Bon anniversaire, patron!». Cette façon de l’appeler est habituellement utilisée par son «staff» composé des autres membres de la direction, du personnel administratif et des surveillants-éducateurs.

A cet instant, Raymond Gaillard, l’homme des grands moments, s’avance avec le cadeau du corps professoral. C’est une icône représentant la Vierge de Vaopedi (mont Athos), fêtée le 21 janvier. Cette Vierge a été choisie par notre patron – j’allais dire saint patron, comme certains élèves de Primaire le croyaient… –, donc il ne pouvait être déçu.

Il nous le signale dans un courrier où nous avons le plaisir de lire que «l’icône est apparaissante, comme une illumination, une révélation; elle est transfiguratrice.» Nous ne savions pas Jean-Marie si mystique.

Nous apprendrons d’ailleurs ce jour-là que son rêve, c’est d’étudier l’hébreu: un personnage!

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16 novembre 2009 1 16 /11 /novembre /2009 17:23

 

4. Depuis 150 ans à Verviers

A propos du recteur Huet, je ne peux oublier son enthousiasme et sa bonne Aix-cathedrale.jpghumeur. Responsable n°1 de la troïka de l'animation pastorale, il a toujours veillé au bon climat des réunions générales (une bonne dizaine de membres) des fins de semestres. Ainsi, nous avons joint l'utile à l'agréable, nous retrouvant une fois à Aix-la-Chapelle, avec visite de la cathédrale Saint-Charlemagne (comme disent les Allemands) et une autre fois à Waterloo, guide spécialiste dWaterloo-n-56.jpge Napoléon à l'appui. Je me rappelle aussi une réunion à Val-Dieu, mais c'était un classique, de même que Xhovémont.






Le 22 janvier 1994, la Compagnie – le père Provincial n’y est pas étranger – ouvre une exposition, présentée par le recteur Huet, pour célébrer les 150 ans de présence jésuite à Verviers. Il faut savoir qu’un certain père Bellefroid, de la communauté de Liège, était venu
en reconnaissance dans la cité lainière 11 ans avant la fondation de notre Collège, soit en 1844.

Franchement, je n’ai aucun souvenir de cette exposition, qui est surtout une occasion d'annoncer au public verviétois une plus grande diversité dans l'apostolat local de la Communauté verviétoise. Le Recteur insiste sur l'ouverture aux plus démunis de la ville (l'Accueil Saint-Ignace) et l'aide à l'Eglise locale.
Sans doute ne suis-je pas allé à ce rendez-vous important. Dommage, car j’y aurais aussi vu la maquette du nouvel Espace-Dieu, appelé à remplacer l’actuel –  en clair l’église du Sacré-Cœur –, « jugé peu adapté compte tenu de l’évangélisation du monde moderne.» (voir Souvenirs 68 - 6).

Grâce à Marcel Lepièce, j’ai sous les yeux la relation de l’allocution du père Recteur à laquelle s’ajoutent un historique succinct, la liste des missions des membres de la Communauté (voir le n°5 ci-dessous) et la description du parcours de formation d’un jésuite, que je résume ici: je m'aperçois em même temps que j'avais oublié à quel point ces religieux sont préparés à leur apostolat.

Le jeune désireux d’entrer dans la Compagnie de Jésus demande son admission au noviciat après une rencontre avec le Provincial. Le père Maître initie les novices à la vie de Compagnon de Jésus et à la tradition ignatienne. Après deux ans, le novice fait ses premiers vœux de pauvreté, de chasteté consacrée et d'obéissance.
Le Compagnon de Jésus devient juvéniste. C’est le moment de la formation profane « qui lui donnera une ouverture d’esprit et une compétence adaptées à la société dans laquelle il sera envoyé en mission. »
Et puis c'est la période du philosophat, où il étudiera les systèmes de pensée et les diverses manières de comprendre le monde.
Le jeune jésuite consacre ensuite deux ou trois ans dans un milieu d’apostolat, qu’on appelle temps de la régence. C’est, pour les Collégiens, l’occasion de le voir à l’œuvre pour la première fois.   
S’il désire accéder à la prêtrise, le scolastique (c-à-d l’étudiant) entame ses études de théologie. A la fin de cette formation, d’une durée de quatre ans habituellement, le Compagnon de Jésus est ordonné, par un évêque, prêtre de la Compagnie de Jésus, au service de l’Eglise.

Après quelques années d’envoi en mission comme Frère ou Père (prêtre), le Compagnon de Jésus couronne sa formation par une année (appelée troisième an) où il relit toute son expérience de jésuite et disciple de saint Ignace à la lumière des Exercices spirituels.

[A ce propos, je lis à l’instant dans Les Echos (sur Jésuites.be) que Paul Malvaux (Rh.1987) est revenu de son troisième an aux Philippines ce 24 mars 2011. Le 6 avril, il est parti de Liège en pèlerinage vers Saint-Jacques de Compostelle].

Malvaux-Paul-2007.jpg
Au terme d’une quinzaine d’années d’études et de formation, le scolastique fait ses vœux perpétuels (ou derniers vœux) de pauvreté évangélique, de chasteté consacrée et d' obéissance à la volonté de Dieu dans ses supérieurs.

Certains jésuites ajoutent un quatrième vœu: celui d’une obéissance spéciale au pape en ce qui regarde les missions.


Et dire qu’après tout ce temps certains hésitent encore, ou se trompent lourdement!

[Ce n’est certes pas le cas pour Franck Janin, passé chez nous à la fin des années 1980 (voir Souvenirs 37 - 2), qui sera le Janin-Franck-provincial--n-.jpg prochain Provincial de la BML, Belgique Méridionale et du Luxembourg: je viens de le lire, ce 28 juillet 2011, sur le site jesuites.be. Incontestablement une bonne nouvelle.] 

 

J'ajoute encore un souvenir qui date du temps du père Baumal et de M.De Donder (2 anciens copains d'école), sans doute au début des années 1970:  Dans la Compagnie, on fait (ou on faisait) une certaine distinction entre les profès ceux qui ont prononcé le quatrième voeu et les autres. Pour être promu, il faut être profès. Le père Baumal disait souvent à Dedon, qui me l'a rapporté:
"Dans la Compagnie, il y a des maîtres et des valets...
"



5. Liste des missions des Pères et Frères de la Communauté j
ésuite 
(voir les missions en 1969 dans Souvenirs 8)

P. Robert Huet

Recteur de la Communauté SFX 

Préfet spirituel du Centre Scolaire SFX 1 

Délégué des Supérieurs religieux au Centre National des Vocations  

Aumônier régional des Communautés de Vie Chrétienne (CVX) 

Aumônier des scouts SFX et des Baladins.Communaute-1996-Huet-Sonveaux.jpg












P. Jean  Winandy

"Ministre" de la Communauté

Vicaire dominical à Pepinster Aumônier d'équipe CVX
Membre du conseil du P. Recteur.Communaute-1996-Dubois-Winandy-Vincent.jpg






P. Jean-Marie Cardol

Confesseur et prédicateur à l'église du Sacré-Cœur à Verviers.

 


P. Charly Cossée de Maulde
Aumônier du Centre hospitalier La tourelle, Verviers Aumônier d'équipe CVX.

 

P.  Richard Dedeurwaerder
Aumônier de la Clinique Peltzer 

Aumônier d'équipe CVX

Prêtre adjoint à l'église St-Jean-Baptiste aux Surdents.Communaute-1996-Dedeur-avec-Cossee.jpg

 











P.  Jacques Delperdange

Prêtre adjoint au doyenné de Visé, et visiteur des malades et des personnes âgées
Confesseur et prédicateur à l'église du Sacré-Cœur à Verviers.Delperdange-Jacques-massacre.jpg

 










P. Paul Dubois

Aumônier du "Home Entre-Nous" à Petit-Rechain

Aumônier de la Croisade des aveugles "Lux vera »

Confesseur à l'église du Sacré-Cœur à Verviers.

 

P.   Pierre  Duquenne
Prêtre adjoint à l'église St-Jean-Baptiste à HodimontCommunaute-1996-Maurage-Duquenne-et-.jpg

Aumônier d'une équipe Charles de Foucauld.

 
















P. Roger Ernotte
Aumônier du groupe de prière "Le Rocher" Ernotte-1975.jpg

Confesseur et prédicateur à l'église du Sacré-Cœur à Verviers

Rédacteur de l'histoire de la Communauté.Fr. Bruno Ineichen
Adjoint au P. Ministre

Sacristain de la Communauté 

Collaborateur au Centre Maximilien Kolbe pour l'accueil des plus démunis.

 






Communauté 1996 Jaspar et Monfils

P. André Jaspar
Adjoint du P. Econome

Membre du conseil du P. Recteur

Aumônier de l'Unité scoute SFX et des Louveteaux

Aumônier des Défenseurs de la Croix.










P. André Kruth
Communaute-1996-Kruth.jpg
 Aumônier adjoint du Centre hospitalier La Tourelle, Verviers
Bibliothécaire de la Communauté.

 








Fr. René Maurage

Aumônier adjoint de la prison à Verviers

Responsable de la Chorale et de la liturgie à l'église du  Sacré-Cœur à Verviers:

Responsable de I'Accueil St-lgnace.

P.  Georges Meessen

Père spirituel de la CommunautéMeessen-1980.jpg
Confesseur à l'église du Sacré-Cœur à Verviers

Ecrivain.

 






P.  Raymond Pilette
Collaborateur du Cercle Biblique Œcuménique

Responsable des mariages interconfessionnels

Aumônier du groupe Foi et Lumière

Coopérateur du Service jésuite aux Réfugiés

Confesseur et prédicateur à l'église du Sacré-Cœur à Verviers.

P. Daniel Sonveaux
Titulaire de rhétorique au Centre Scolaire SFX 1

Aumônier des Anciennes et Anciens Elèves SFX 1

Membre du conseil du P. Recteur

Coordinateur de l'équipe des vocations pour la Compagnie de Jésus

Aumônier de l'Unité Guide de la paroisse Ste-Julienne.


P. Léon Van der Biestcommunaute-Vdb-1996-en-fait-99.jpg

Aumônier du Home Ste-Joséphine à Theux.


P. Jacques  Vincent

Aumônier des écoles primaires SFX 1 et Ste-Marie

Prêtre adjoint à la paroisse de Becco
Econome de la Communauté.

 





6. Une pluie de prix


1994 est une cuvée exceptionnelle en matière de prix gagnés, particulièrement hors les murs. Je me contenterai de mentionner simplement les plus sCamps-Nathalie-P94.jpgignificatifs, c’est déjà pas mal. Jugez plutôt.Thiry-Paul-henry-4A94.jpg


Le projet Montagne s’est transformé en Défi Montagne qui est venu récompenser 79 des 100 candidats de départ: magnifique taux de réussite. Citons simplement les 8 vainqueurs incontestables qui ont le privilège de vivre «une fabuleuse et extraordinaire aventure à travers Hannon-P4A-94.jpgle Haut-Atlas marocain»:Schene-AC-94.jpg

Nathalie Camps (tiens!), Paul-Henry Thiry, Caroline Hanon, Anne-Catherine Schene (fille de Geneviève Tristant), Sophie Penders, Brigitte Piret, Julien Jacques et Tanguy Lejeune.   Piret-Brigitte-P93-4A.jpg

 Penders P94

 

 

 

 

Jacques-julien-P94.jpg

Lejeune-P4A-94.jpg















Gumer Santos
(Rh.1989) – qui va devenir ingénieur brassicole, responsable de la Santos-Gumer-89.jpgqualité de la Rochefort (je vous la recommande chaudement, surtout la 8°) – obtient une bourse d’études pour découvrir l’Inde et sa culture en rencontrant sa population.

Aux olympiades de maths, trois élèves participent à la finale belge: Bruno Reul, de 3e, qui obtient un 4e prix, et les rhétos Charles-Henry Massa (3e prix) et Fabien REUL-Bruno-P-3F-94.jpgBoniver.

 


En outre, ces deux Ho-Duc-P-94.jpgderniers lauréats, entourés de Ho-Duc Hong-Linh de 4e, Anne-Sophie Massa (la sœur de Charles-Henry) et Alain Camus, de 5eXavier Bemelmans et Grégory Hansenne, de 6e, sont invités à  participer au test AIME (American Invitation Massa-A-Sophie-93--2-.jpgMathematical  Examination), sorte de test mondial pour rechercher les surdoués en maths. 

 

Camus-A-93.jpg 


Notons en passant que Xavier Bemelmans, incontestablement le plus futé en maths de sa génération, a préféré passer des week-ends avec ses scouts qu’avec des préparateurs en maths chargés de driller nos futurs représentants internationaux. Qui le lui reprochera? Pas moi, en tout cas.


 Hansenne-Gregory-1993-rheto-6D.jpgBemelmans-et-Phu-1993.jpg

 

  

 

 
 


Gérald Gardier
  (de 6e) s’est classé 2e au Tournoi d’Eloquence organisé par la Générale de Banque (la future Fortis de sinistre mémoire). Nous – je parle comme les vrais supporters – avons remporté le Tournoi d’Eloquence du
Gardier-93.jpgLion’s Club de Spa grâce à nos brillantes 1re, 2e et 6e places obtenues respectivement par Charles-Henry (oui!), Antoine Grand  et Fabien Boniver. Cette victoire fait d’autant plus plaisir aux Collégiens qu’il y a Grand-Antoine-91-4B.jpglongtemps qu’on n’a plus remporté ce très convoité trophée.  

Enfin, nous atteignons le sommet historique de nos prestations télévisuelles au fameux concours de Génies en herbe avec la brillante victoire en finale belge contre l’Institut Don Bosco de Woluwe Saint-Lambert, et la 2e place (derrière le Sénégal) en finale internationale au Canada. Rappelons, pour le plaisir, le célèbre quatuor: Charles-Henry-rheto-93-D.jpgCharles-Henry Massa (décidément!), Fabien Boniver, Phu Nguen Pham et Pierre Stangherlin.

Notons qu’à la réception officielle de la remise des prix au Collège par la RTBF, notre coach, Joseph Ruwet, chargé de commenter le petit film de présenBoniver-Fabien-93.jpgtation des candidats – présentation généralement très appréciée –, dut subir la mauvaise humeur d’un papa de candidat qui n’avait pas apprécié un mot du discours de Joseph; ce monsieur menaça même Joseph des foudres de la justice… On ne peut pas plaire à tout le monde.


Cormann-Gregory.jpgStangherlin-n-93.jpgEn 1993, le concours avait mis en évidence le même Charles-Henry, Jérôme Jacot, Christophe Gilliquet et Sandrine Kill. En 1995, on revoit Pierre Stangherlin avec Anne-Sophie Massa (la sœur de Charles-Henry), soutenus par Grégory Cormann  et Aymeric Jungbluth : nous faisons encore un merveilleux parcours. Si Don Bosco Woluwe a cette fois sa revanche en finale, c’est de 5 Jungbluth Aymeric 94points seulement. Il paraît qu’en refaisant les comptes, on doit gagner de  5 points et non être battus de 5 points! Je tiens cette information de Pierre Stangherlin, qui la tient lui-même d’une Bruxelloise qui était dans le public. Officiellement, nous sommes battus – on s’en tiendra là –, et c’est une défaite pour le Collège, devenu rapidement très (trop) exigeant. 

Pour les jaloux – ils sont nombreux –, Saint-François-Xavier 1 est une école pour surdoués, une institution qui ne s’occupe que des plus forts, comme d’habitude dans les collèges jésuites (une insulte en l’occurrence),
qui prônent sans vergogne l’élitisme bourgeois. A croire qu’on devrait s’excuser d’exister!

Nous, professeurs et amis du Collège en général, balayons d’un revers de la main ces attaques calomnieuses, mais quelques supporters attrapent la grosse tête. Ils deviennent arrogants sans le savoir: on résiste mal aux sirènes cathodiques.

A posteriori, on peut se demander si les succès scolaires hors les murs sont une bonne publicité pour une école qui n’en a pas besoin. Mais le but est-il publicitaire? C’est une façon très réductrice de voir les choses. Nous, professeurs, voyons ces concours comme une fameuse motivation, non seulement pour les candidats concernés, mais pour toute l’école, y compris ceux qui les côtoient, les soutiennent ou les envient. N’oublions pas que le mal dont les éducateurs se plaignent le plus et depuis des décennies, c’est justement le manque de motivation! Alors…
Genies-invitation-1994.jpg


On peut légitimement se demander si ces jeunes gens mis ainsi en vedette ne deviennent pas prétentieux? Pour ma part, je n’ai rien remarqué de tel, ni rien entendu dire dans ce sens, en tout cas à l’époque. Dans le cas contraire, je suppose que la vox populi aurait réclamé l’arrêt de ces jeux dangereux: au Collège, les profs n’ont pas peur de donner leur avis.
  Stangherlin-Nora-1994.jpg

En 1994-1995, j’ai comme élève Nora Stangherlin (sœur de Pierre), ma future collègue.

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3 novembre 2009 2 03 /11 /novembre /2009 20:28

3. Les derniers arrivés

On peut dire que Delobel a dirigé le Collège durant 3 septennats (et un petit prolongement). Sans le savoir, en 1994, nous entrons donc dans le troisième et dernier septennat de Jean-Marie, Français d’origine.

Quels sont les professeurs qui ont quitté le navire et quels sont les nouveaux moussaillons? Ernotte-1975--5LM.jpg Sont partis vers d’autres cieux, le père Ernotte (retraite), Michel Gaspard (Saint-Roch), Bernadette Magain (épouse Schoebrechts), Luc Peeters peeters-1975--4-Mod-A.jpg(inspection diocésaine?), Alfred Cormann (Sainte-Claire) et le père Vincent Klein (Eire).

Passons en revue les collègues arrivés durant le second septennat.
 

 


magain-77.jpg                                                                Klein-Vincent-Thyn-92.jpg

Commençons par un homme, une fois n’est pas coutume. Nous avons hérité d’un nouveau géographe pour épauler Thierry Fraeys (à droite): Gérard Lemin, qui ne vient qu’à mi-temps (voir SOUVENIRS  42 - 5). Il passe le reste de son horaire à SFX2. De prime abord, il paraît un peu balourd, on le prend  volontiers pour un fils de paysan (moi, on me prenait bien pour le jardinier!). Je crois qu’il est  un peu desservi par son look . A l’usage, c’est un gars agréable, passionné par sa discipline et par l’école en général. Il est très proche des élèves, peut-être même un peu trop. Au début, certains jeunes  l’appellent par son prénom et il laisse faire: bizarre! Ce n’est pas l’habitude au Collège. Je n’aime pas ça: je trouve que cela fait trop démagogue. Pourtant,Lemin-88.jpg dans son cas, ça ne sent pas mauvais. Je trouve même que ça ne cadre pas mal avec son air un peu niais… Pardon, Gérard. Heureusement, comme je le fréquente régulièrement, je m’apercevrai bientôt que c’est un faux benêt, que je soupçonne même de jouer sciemment de cette corde-là pour mieux épater son monde quand il le désire. Sa culture, qu’il n’étale pas comme ceux qui n’en ont pas, surprend les collègues qui le connaissent mal. Ses connaissances et sa vivacité d’esprit lui permettent de briller dans des situations inattendues, comme dans les fameux Méninges en fête qui relèvent souvent le niveau de la Fête d’Hiver. Avec les Laurent, Jean-Marc Charrette et Bénédicte Winandy, nous formerons une équipe bien soudée pour organiser – questionnaires compris – cette compétition culturelle lors de quelques fancy fairs. Si vous devenez joueurs, se mettre dans l’équipe de Gérard est un très bon placement.

Personnellement, j’ai trouvé en Gérard un fameux complice pour écrire dans la SFX Revue quelques articles sérieux et bien documentés sur le tiers-monde. Il m’entraînera à des conférences sur le sujet qui nous permettront de mieux cerner la problématique de cette douloureuse question. J’en ai beaucoup appris au contact de Gégé, qui est devenu le collègue avec lequel j’ai collaboré le plus souvent, surtout dans le cadre des retraites.

Karina Baggen (épouse Royen), professeur d’anglais et de néerlandais, titulaire, Baggen-Karina-1995.jpgmaman d’une famille nombreuse, est une femme dynamique et organisée. Le plus souvent souriante, mais parfois un peu sèche. Nous nous sommes une fois accrochés sur un problème mineur. Le différend a été aplani en quelques jours et n’a eu aucune conséquence néfaste sur qui que ce soit: nous avons su faire chacun un pas vers l’autre; un bon point pour elle (et pour moi!). Dame très engagée dans l’animation pastorale et dans diverses autres activités; elle sera toujours une admiratrice inconditionnelle de Jean-Marie Delobel.

Giovannina Fornieri   dite Janine – , professeur d’anglais et de néerlandais, est arrivée très jeune au Collège. Elle avait déjà sévi un an à Saint-Servais (Liège) où elle aurait acquis la Fornieri-1994-.jpgréputation de «dragueuse de rhétos!»
C’est, à cette époque, une demoiselle bien en chair, qui utilise volontiers son sourire enjôleur; elle est méchamment affublée du surnom de Cicciolina, en bref la Ciccio. Appréciée par ses élèves, très expansive, excessive comme une véritable Calabraise, elle prend rapidement de la place au Collège, où elle devient la grande amie de Chantal Fouquet (épouse Detrembleur): un duo de "commères" assez redoutable! Mais elles réussiront à maigrir (voyez les photos ci-jointes) sur les conseils éclairés de Chantal, qui a une longueur d’avance dans le domaine. Cette réussite com
mune leur donnera finalement une assurance Fouquet-83.jpgqu’elles n’affichaient pas au début.

Deux femmes dynamiques, que je trouve très sympathiques contrairement à ce que ma prose pourrait laisser entendre.


Régine Larose vient d’abord à mi-temps au Collège pour donner des cours de sciences sociales et d’économie. Elle paraît sérieuse, gentille et même douce: des qualités bien féminines. Elle s’investira dans plusieurs actions pédagogiques. Quand on ne la connaît pas trop, c’est sa fraîcheur qui frappe d’abord, voire sa beauté d’après les quelques rares publications d’élèves. Elle ne s’incrustera pas très longtemps au Collège, qui n’a pas la possibilité de lui offrir un horaire complet. Ma fille viendra quelques semaines la remplacer pendant une absence pour une blessure au pied, si je me souviens bien. Elle nous abandonnera pour un horaire complet à l’institut La Providence de Herve.

Maurice Charlier est d’abord un homme discret avant d’être géographe. Maurice a manifestement des difficultés d’intégration. Il donne l’impression que la lecture de son journal est plus importante que la convivialité. Il ne collabore pas volontiers avec ses collègues de géographie. Il lui faudra des années pour être vraiment à l’aise rue de Rome. Il est tellement peu souvent à la salle des profs Charlier-Momau-2002.jpgqu’on le surnomme l’homme invisible; d’autant plus qu’il est assez souvent absent au début et qu’il n’a pas un horaire complet. Ses premiers pas dans l’enseignement – en fait, il n’a jamais enseigné, il avait le statut de chercheur à l’université de Liège – sont des pas hésitants, tout en retenue. Ses élèves ne le ménagent pas. Il va cependant se révéler dans les organisations parascolaires, où ses connaissances du terrain et ses aptitudes de randonneur et de joggeur viendront bien aider les titulaires – en particulier Karina Baggen – qui feront appel à ses services lors des retraites itinérantes ou des journées de lancement. Il sera un des 4 montagnards de l’encadrement pour l’escapade dans le Haut-Atlas du défi Montagne. Au moment de prendre sa retraite, il était devenu l’ami de tous ou presque. Et un véritable ami sûr. Un bon diesel!

Marie-France Schoonbroodt (épouse Nyssen) est une jeune romaniste qui a connu une triste expérience conjugale. Pourtant, elle n’engendre pas la Schoonbroodt-2003.jpgmélancolie. Elle s’intègre rapidement dans le corps professoral et prend son métier à cœur. Elle est bien vue par la plupart de ses élèves, qui apprécient sa jeunesse et son dynamisme. Marie-France ne compte pas son temps et s’investit à fond dans la vie du Collège. Elle aime tellement le contact avec ses collègues qu’elle fera chavirer le cœur d’Eric Laurent: ça ira jusqu’au mariage!

Anne Quoilin (épouse Pirnay) n’est pas vraiment nouvelle. Il y Quoilin-2005.jpga des années qu’elle donne des cours de gymnastique en Primaire. C’est une dame sympathique et surtout dynamique, toujours là quand on a besoin d’un coup de main. Elle s’implique énormément dans l’organisation des occupations du temps de midi, de la fancy fair, de l’opération Dauphin et d’autres activités qui la voient perpétuellement sur le front des Primaires comme du Secondaire. Malgré le décès dramatique de son fils à Louvain-la-Neuve, elle continuera comme avant à se donner sans compter pour servir le Collège. Elle y entraîne volontiers son mari, qui n’est pas le dernier à mettre la main à la pâte.

Jean-Marie Merken  nous arrive de Saint-Roch Ferrières où il a fait un travail de gestionnaire. Au Collège, il entame une carrière de professeur de mathématiques, c’est autre chose. Dès son arrivée, on me demande de devenir son parrain, ce que je fais volontiers. J’ai un filleul très coopérant. Il suivra mes conseils jusqu’au moment où il sera assez expérimenté pour voler de ses
propres ailes. Il m’a toujours étéMerken-1994-n.jpgreconnaissant pour les quelques conseils lui prodigués. Il va s’épanouir en amenant au Collège des poissons (sa passion) et en faisant profiter les élèves de ses qualités de hockeyeur sur glace. On le retrouve aussi dans les matchs de mini-foot contre les élèves (surnommé Ramirez vu son air mexicain), en keeper kamikaze, et surtout dans le projet vélo, où il se montre particulièrement sympathique. En classe, il a quelques tendances à l’autoritarisme pas toujours appréciées par ses élèves. Mais il se soigne.


Claire Collard (épouse Ancion) revient de Haïti, où elle était allée enseigner, mais surtout rencontrer la misère locale. C’est la fille d’une famille très catholique Collard-93-nn.jpgqui a fait son Secondaire à l’athénée de la rue Thil Lorrain pour éviter le Rénové qui avait envahi l’enseignement libre verviétois (voir  SOUVENIRS 14 - 13). C’est une collègue de sciences qui ne laisse personne indifférent. Elle s’exprime volontiers, soit par un rire sonore et franc, soit – et plus souvent – en râlant sur la direction, les élèves, leurs parents ou ses collègues. En fait, elle a un complexe de persécution: dans le doute, elle croit qu’on veut l’agresser, et elle réagit parfois brutalement. C’est ainsi que lorsqu’on va souper ensemble après une réunion de parents  (moments privilégiés pour les profs présents), elle ne veut jamais que l’on divise le total par le nombre de participants de peur de payer une partie du vin consommé par d’autres alors qu’elle n’a bu que de l’eau: toujours la peur que les autres ne profitent d’elle! A côté de cela, elle entretient une amitié forte avec l’une ou l’autre de ses collègues, Odette Moureau par exemple.

                             Winandy B 2005 gala

Bénédicte Winandy (épouse Demazy) est une petite femme très remuante qui fait vite son trou dans le corps professoral. Elle capte l’attention de certains – comme Philippe Dejong – et fait leur siège jusqu’à devenir une collègue privilégiée, pédagogiquement parlant. Attendant patiemment la mise à la retraite de Joseph Ruwet pour devenir enfin titulaire de rhéto, elle se révèle surtout dans le théâtre, son hobby. On la verra tour à tour sur les planches de troupes amateurs, puis dans le rôle de metteur en scène au service de ses élèves, qu’elle initiera aux jeux subtils de la comédie. Particularité: quand elle vous parle, elle se tient à moins de 10 cm de votre visage. Je ne sais pas si c’est un problème de vue ou une déficience auditive. Les élèves estiment généralement qu’elle leur donne trop de travail, mais ils n’osent pas se révolter. Madame a du caractère et l’autorité qui va avec. C’est une collègue très entreprenante (pour l’école, bien sûr) qu'il est impossible de ne pas remarquer.

Jean-Pierre Kis (voir SOUVENIRS 42 - 9 ) a été transféré de Don Bosco vers la rue de Rome en 1989. Transfert définitif et bon placement pour le Collège. Un peu timoré au début, il va tout doucement s’émanciper au fur et à mesure de Kis-94.jpgson rapprochement avec Jean Gillot, puis avec moi: bizarre, cette envie d’aller se coller aux gros! C’est sans doute pour compenser sa frêle silhouette, qui l’avantage cependant dans la course à pied ou dans les randonnées cyclistes avec ses élèves de 3e, ou encore dans les fameux matchs de mini-foot du temps de midi à vocation humanitaire. Il devient finalement un boute-en-train du Cercle Emile Coué, sis au café Le Dôme, au bas de la rue des Martyrs. Sa grande spécialité est de prendre l’accent d’un réfugié d’Europe centrale (il est lui-même d’origine hongroise) qui cherche l’adresse du CPAS le plus proche: irrésistible! Professeur de français cultivé, traducteur juré hongrois-français et correcteur au jury d’homologation (sans piston!), il est surtout préoccupé par le développement et la pérennité du folklore enseignant et tout spécialement collégien. Spécialiste de l’absentéisme du lundi, il fait de réels efforts pour s’absenter plutôt un autre jour... Lunatique, c’est un joyeux qui sait subitement changer d’humeur lorsqu’il tombe sur un fonctionnaire – par exemple dans les transports publics – borné et raciste. La dispute peut aller loin, très loin: il devient alors têtu comme un âne. Son plus gros défaut: il est supporter inconditionnel du Standard; facilement de mauvaise foi, comme tous les supporters. C’est un garçon d’abord original, même dans sa pratique religieuse: quand les anglicans se rapprochent de nous, il fait le chemin inverse, quittant la liturgie pourtant réformée – ou du moins dépoussiérée – de notre sainte Mère l’Eglise, catholique et romaine. 
Je me suis permis de l'égratigner quelque peu car c'est un vrai copain : qui amat bene, castigat bene!


Picquot 2003

Christine Picquot, collègue souriante et particulièrement agréable, donne des cours de religion aussi bien à Don Bosco qu'au Collège.
 

Patricia Hotermans, épouse de Christian Grégoire, ancien élève très sympathique. Patricia est un prof d’éducation physique énergique, qui entraîne en particulier les groupes de filles par un dynamisme communicatif. Femme de commerce d’autant plus agréableHotermans-003.jpg qu’elle déteste alimenter ou relayer les cancans.

 

Bernard Parent ne viendra que quelques heures pour faire de l’activité technique: c’est un gentil garçon, dont le calme met les élèves en confiance. Le reste du temps, il est à SFX2. Lui aussi réussira une cure d’amaigrissement spectaculaire. Ça donne envie.


Dalla Ruhina (épouse Bottin), psychologue, aspirante psychiatre, est une petite femme discrète, toute douce, Dahla-Ruhina.jpgà l’accent un peu traînant, avec un regard compatissant qui vous invite à venir pleurer sur son épaule. Elle joue le rôle de SAMU psychologique, toujours prête à rencontrer dans le secret de son bureau un élève en décrochage scolaire. Elle est également chargée de préparer l’animation des journées pédagogiques qui n’enthousiasment pas grand monde dans le corps professoral.

Enfin, nous avons hérité de Cécile Déderix (épouse Jongen), qui arrive au Collège lors d’une tranche de vie Dederix-C-2005.jpgpersonnelle très difficile: son mari, atteint d’un cancer, est mourant et elle doit reprendre du service pour faire bouillir la marmite. Elle fait un peu pitié; pourtant, elle donne bien le change, sa voix suraiguë venant ajouter une touche de gaieté perpétuelle à son dynamisme naturel. Elle donnera des cours de français, mais surtout de l’histoire et de l’espagnol, cours à 2h/semaine trop peu pris au sérieux par la majorité des élèves (sorte de cours bouche-trou dans le contexte des options fortes du Collège). Elle éprouvera bien de la peine à s’imposer aux élèves: beaucoup trop gentille.

Quelques autres collègues sont passés durant ce septennat comme des météorites, ne laissant pas le temps à la mémoire de s’en imprégner.

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21 octobre 2009 3 21 /10 /octobre /2009 18:55

1994: année faste

Ce titre ne convient évidemment pas pour le Rwanda: entre le 6 avril et le 4 juillet, on estime que quelque 800 000 Rwandais, en majorité Tutsi, ont trouvé la mort. Ce fut le génocide le plus rapide de l’histoire et celui de plus grande ampleur par le nombre de morts par jour. Tout a commencé par un attentat contre l’avion du président rwandais Juvénal Habyarymana (photo ci-contre); le massacre est encouragé par la sinistre Radio Mille Collines que les militaires français avaient localisée, mais Paris leur a ordonné de ne rien faire… Aujourd’hui, on le sait. La communauté internationale n’a pas bougé non plus. L’ONU – tous les pays membres de cette organisation – devrait être condamnée pour non-assistance à peuple en danger. Et pourtant, les génocidaires ne représentaient même pas une Panzer Division.


1. Le nombre d’échecs: une obsession

Avant tout, je voudrais couper les ailes à un canard. Depuis tout un temps (depuis toujours?), on entend dire que les professeurs belges ont la main leste pour «buser» les pauvres élèves. Et cela irait de mal en pis. On nous rebat les oreilles avec le coût de l’échec en Communauté française: une véritable calamité qui grève lourdement le budget de notre Région. A Verviers, les commères relaient le bruit que le Collège est tellement élitiste qu’il fait peur à des tas de gamins et à leurs parents. Rastreins!

J’ai retrouvé la photo de la rhéto 1961-1962 sur laquelle j’aurais dû être si j’étais resté au Collège. Des 29 que nous étions en 6e Latine A chez Martiny, il en restait 5 sur la photo de rhéto! En 5 ans, le Collège de l’époque avait perdu en cours de route 5 élèves sur 6, soit qu’ils aient dû redoubler au moins une fois, soit qu’ils aient quitté la rue de Rome pour d’autres cieux plus cléments. Quelle hécatombe! Oui, à cette époque, il y avait de quoi s’inquiéter. C’est d’ailleurs ce que fera le recteur Misson quelques années plus tard.

Voici les tableaux statistiques 30 ans plus tard. Ils montrent qu’entre

1988 et 1993, le taux de réussite pour chacune des années du Secondaire est toujours de plus de 90%! Le tableau suivant prouve que le pourcentage d’élèves de Rhéto en retard d’un an ou plus n’est même pas de 20%. Certes, des élèves nous ont quittés entre-temps. Mais le compte est vite fait: en 1993, en 1re, 146 élèves sont à l’âge normal; 5 ans plus tard, 108 de ces élèves se retrouvent en rhéto, ce qui fait 74% des effectifs de départ, alors que 35 ans plus tôt, cela représentait 20% à tout casser. C’est noir et blanc, arrêtons d’en faire un plat. J'affirme qu'on ne peut pas relever ces taux de réussite sans toucher gravement aux exigences d'une bonne formation en Humanités.
Le problème ne vient pas d'écoles comme SFXun, mais bien des écoles de la Communauté française qui ne se soucient guère de cet aspect de l'enseignement. Et de la structure de notre enseignement, qui dévalorise le Technique et maintient à l’école, contre toute logique, des jeunes de 17-18 ans qui n'en ont que faire et pourraient trouver une nouvelle motivation dans le milieu du travail.

Que veut-on en Communauté française de Belgique? De belles statistiques pour impressionner l'Europe et l'OCDE? Ou la formation de notre jeunesse? Dans le premier cas, je conseille la réussite à 100% et le passage de classe obligatoire. Mais ne comptez pas trop sur les profs pour l’obtenir. Le seul moyen efficace pour arriver à cet Eden, c’est de publier un décret instaurant la réussite automatique, le passage de classe en fonction de l’âge: voilà une réforme vraiment démocratique, le même traitement pour tous les enfants: 1 enfant = 1 enfant. Qui va contester cette tautologie? C’est un moyen de faire des économies à court terme, le temps d’un mandat: allez-y, mesdames et messieurs les ministres, tirez les premiers!

Le mardi 6 décembre 1994, j’ai arrêté de remplir mon journal de classe pour l’année scolaire en cours: contrairement à ce qu'on m'a toujours dit, j’ai toujours trouvé que cela ne servait à rien. Mais pourquoi arrêter cette année-là? Aucune idée. Surtout que j'ai recommencé les années suivantes, épisodiquement: quelques scrupules mal placés, sans doute.

2. Le grec dans nos Cités

C’est le titre d’une conférence exceptionnelle – vraiment à contre-courant! – qui se présente comme un débat entre deux vedettes de la politique belge: Melchior Wathelet, vice-Premier ministre, ministre de la Justice et des Affaires économiques (à droite) – qui joue à domicile – contre Philippe Busquin (à gauche), le président des socialistes du sud du pays depuis 1992. Cette confrontation a lieu à la salle du Centre, largement garnie, le 24 mars 1994 à 20h. C’est une soirée dont je me souviens bien. Elle est organisée par les profs de grec du Collège, donc par Dominique Willem et le père Sonveaux. Si Thomas Lambiet est sur la scène, c’est sans doute parce qu’il est ancien  condisciple de Melchior Wathelet (Rhéto 67: voir SOUVENIRS 5) ou alors que les profs de latin sont aussi de la partie.

Pour nous, c’est une sorte de match: PS contre PSC. L’issue du combat ne fait aucun doute. Wathelet est un orateur hors du commun. Busquin a une voix de crécelle hésitante; quand il parle, on a l’impression que c’est un débile léger qui fait des efforts pour ne pas déraper. Mais il n’a pas la morgue de Spitaels – son prédécesseur à la tête du PS –, il sait sourire et se fait d’emblée modeste en avouant son infériorité manifeste dans l’art de la rhétorique par rapport à Melchior, qui, en outre, est chez lui à Verviers. Ce dernier part donc largement favori.

Tous comptes faits, ce n’est sans doute pas sans arrière-pensée que Wathelet revient à ses premières amours. N’oublions pas qu’il est au sommet de sa gloire: il n’est pas revenu dans son Collège pour étaler simplement sa culture, que l’on sait vaste et diversifiée. N’est-il pas là pour rappeler à son fidèle public qu’on devrait pouvoir compter sur lui au prochain scrutin communal – dans 4 mois! – pour prendre le maïorat, rien de moins? Pure spéculation politique: forcément, avec deux hommes politiques d’envergure.

Ah, oui, le match! Wathelet est brillant, comme d’habitude. Un feu d’artifice qui porte au pinacle l’exception culturelle athénienne, dont le plus beau fleuron, à entendre Melchior et bien d’autres avant lui, est l’invention de la démocratie. Oui, la démocratie à la grecque, en oubliant les femmes et les esclaves… Après la conférence, j’ai osé donner mon point de vue au maître – qui était toujours élève au Collège quand j’y étais déjà prof, donc pas de complexe à avoir, ni pour l’un ni pour l’autre: il m’appellera d’ailleurs plusieurs fois Joseph jusqu’au moment où je le menacerai de l’appeler Balthasar (Eric Laurent s’en souvient encore). Donc, j’ai un peu contesté son raccourci machiste pour mettre en exergue l’avancée fantastique que les Grecs nous ont offerte en mathématiques: c’est eux, les seuls d’ailleurs, qui ont inventé le raisonnement en maths, l’art de la démonstration, sans quoi les maths allaient bientôt tourner en rond, comme en Chine, pays pourtant très développé intellectuellement. Sans les Grecs, nous en serions probablement toujours au moyen âge pour tout ce qui est technique et scientifique, mais avec une démocratie réservée aux hommes…

Enfin, ce n’est jamais qu’un point de vue. C’est la confrontation des avis qui est amusante dans ces assemblées. Je dois dire que nous souffrons cruellement du manque d’occasions semblables: merci aux profs de grec!

Mais j’oublie Philippe Busquin! Il surprend en bien; avec l’air de ne pas y toucher, il produit une petite musique à laquelle on se laisse prendre à la longue. Il joue habilement au modeste, à celui qui a dû trimer pour arriver à regarder Wathelet de dos, et de loin. Mais lui, il a fait du grec tout seul, en autodidacte, pour parfaire sa culture qu’il estimait insuffisante pour un honnête homme. Il joue habilement de la corde sentimentale. Finalement, il a ses partisans, surtout étonnés qu’il ne dise pas de sottises, et même heureux qu’il ne soit pas ridicule face à la vedette locale. A entendre les commentaires d’après-match, c’est presque un match nul. En tout cas, Busquin n’a pas été ridicule. C’est tout bénéfice pour les organisateurs, ils ont présenté un match d’où la culture grecque sortira seul vainqueur: c’était bien le but recherché.

Mais la politique reprend rapidement ses droits. Dans 7 mois, ce sont les élections communales et Wathelet va se positionner comme candidat bourgmestre, un repli stratégique pour cet homme ambitieux et incontestablement un plus pour la cité lainière.

Au mois d'octobre, pas de Wathelet sur les listes électorales: hélas pour Verviers, ce Melchior ne sera jamais bourgmestre!

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7 octobre 2009 3 07 /10 /octobre /2009 18:24
Mécontentement des profs de maths


Photo de 2002.  De gauche à droite : Jean-Marc Charette, Bernadette Mignot, Jean-Marie Merken, Bernadette Pirotte, Jean-Luc Goffin, Véronique Rouwette (arrivée après 1994), René Trokay, Henri Leclercq et Eric Dethier.
Ci-dessous la photo de Liliane Schmits, manifestement inquiète.
Schmits-Lily-x15.jpg
1. Nouvelle donne dans le Rénové

Le Rénové amène une série de bouleversements dans les grilles-horaires des élèves. C’était au départ un chambardement complet. Mais quand on l’adopte en 1980, il est déjà raboté de tous les côtés. Il n’est plus rénové que sur le papier. N’empêche qu’il a laissé des traces profondes, sans doute indélébiles comme l’affaiblissement du latin, qui passe de 9h/semaine pour ceux qui l’avaient choisi en 1re à une activité de 3h/semaine pour tous. La part de la religion est ramenée définitivement à 2h. En ce qui concerne les maths, le choix entre 6h ou 4h se fera en 3e plutôt qu’en 2e. On perd un an. Au niveau de la 5e, on donne en théorie le choix entre 5 possibilités allant de 2h à 9h/semaine. Au Collège, on a le choix entre 3h et 5h, très rarement 7h, on n’a pas suffisamment d’élèves pour offrir autant de possibilités différentes. Et ce n’est d’ailleurs pas vraiment souhaitable, les conséquences négatives (éparpillement des élèves, fin de l’homogénéité des classes, perte de spécificité de l’école) sont plus nombreuses que les avantages.

2. C’était trop simple

En 1993, l’Enseignement libre, trouvant sans doute que cette situation était trop simple (!), introduit une nouvelle aberration: une activité complémentaire à 2h au degré moyen. En clair, tous les élèves de 3e et de 4e ont un seul et même cours à 4h – un tronc commun – et ceux qui veulent pousser les maths ont un cours supplémentaire –  ne pouvant interférer avec l’autre! – de 2h. Que faire durant ces 2h/semaine? Des maths qui ne peuvent avantager ces élèves, des maths vides, inutiles, inconsistantes, du vent, quoi. Et pas question de buser les élèves dans une activité complémentaire, comme son nom l’indique. De la folie à l’état pur.

Tous les profs de maths concernés crient haro sur le baudet de la rue Guimard, le chanoine Beauduin (voir Souvenirs 50). Voilà bien un nivellement par le bas qui ne cache même plus son nom!

Au Collège, on recréera un cours d’arithmétique raisonnée, comme dans le temps. En espérant évidemment que les élèves en profitent au maximum, sinon à quoi bon?

3. Au tour du latin et du grec?

Cette situation ridicule ne peut s’éterniser. Trois ans plus tard – nous sommes donc en 1996 –, on tue définitivement la possibilité de pousser les maths avant la 5e. Donc le même cours pour tous de la 1re à la 4e. Les socialistes rayonnent! Nous y sommes, l’objectif du tronc commun est réalisé en maths, soit l’alignement sur les plus faibles pour que tout le monde «réussisse».

Reste maintenant à supprimer les cours élitistes de grec et de latin. Pour le grec, le cas est déjà réglé. Dans les rares écoles qui donnent encore cette possibilité, le cours est souvent réduit à la portion congrue, c’est devenu une activité complémentaire (un peu plus qu’une garderie, disons que c’est de l’occupationnel de luxe) à 2h/semaine. Le latin raboté résiste encore. Mais pour combien de temps?
En 1996, je suis assez pessimiste pour l’avenir de notre enseignement.

4. De l’orientation vécue

Evidemment, ces changements sont motivés autrement que supra. Officiellement, c’est pour améliorer l’orientation des apprenants. Le raisonnement de nos augures est simple: comme les jeunes choisiront leur orientation scolaire plus tard, ils le feront avec plus de maturité, donc le choix sera meilleur. Tu parles!

Se croyant plus mûrs, ils prennent moins conseil et se plantent au moins aussi souvent que dans l’ancien système, sinon plus. Prédire l’avenir scolaire d’un jeune n’est pas si simple. Jusqu’en 1993, c’est en fin de 2e que l’on choisit entre le cours fort de maths et l’autre (surtout ne pas parler de cours faible!). Dans le cas où les parents ne voient pas clair, ils consultent évidemment le prof qui vient d’avoir le rejeton durant un an. Voici comment je raisonne en l’occurrence. Le premier critère est évidemment le pourcentage des points obtenus aux examens et aux interrogations (en général hebdomadaires). Si les résultats ne sont pas probants, je fais appel à ma connaissance de l’élève, sa façon de travailler, de participer au cours et sa motivation. Je prends aussi en compte les résultats du 3e trimestre en géométrie, au moment où on commence les démonstrations.

Un beau jour du mois de juin 1983, je reçois les parents de Didier Heusse (photo ci-contre), qui a 65% à l’examen du 3e trimestre de deuxième et seulement 55% en géométrie, avec des résultats très faibles pour les démonstrations. Il me paraît évident que ce garçon n’est pas prêt pour affronter le cours à 6h en 3e. Oui, mais il est vraiment très motivé, il veut devenir ingénieur. J’explique mon point de vue aux parents sans en faire un ukase. Quelle déception! La maman est littéralement catastrophée. Je m’aperçois que la décision est cruciale pour toute la famille. Je préconise une solution intermédiaire, une sorte d’orientation à l’essai, ce que permettent à cette époque les structures: le gamin entre en septembre en maths fortes et on se donne rendez-vous à la Toussaint, juste après les premiers examens de 3e. On y verra plus clair. Si ça ne va pas, il repasse sans douleur dans le cours moins poussé, comme ça se fait chaque année sans dégâts collatéraux. Ainsi fait, Didier prend vite confiance en ses moyens qui sont bien plus grands que je ne l’avais perçu (une pierre dans mon jardin). En fin de 3e maths fortes – je viens de le vérifier dans mon carnet de cotes –, il réussit l’examen avec 86% en étant 2e de la classe! Il est aujourd’hui ingénieur depuis de nombreuses années, et il se souvient toujours de cette péripétie, sans reproche aucun.

Deuxième situation, vécue lors de ma dernière année de prestations, en 2004-2005. Anne-Sophie vient d’une 4e que je n’avais pas et choisit le cours fort (6h). L’aberration du système, toujours pas changé à ce jour malgré les interventions répétées des praticiens – j’ai même insisté publiquement devant la ministre responsable, Marie Arena (à droite, pour une fois!), lorsqu’elle est venue en nos murs (voir Souvenirs 131) –, cette aberration fait que le choix est définitif à partir de la date fatidique du 15 octobre de l’année en cours. Nous avons un gros mois pour voir clair, sinon c’est parti jusqu’en fin de Rhéto. J’ai chaque année entre 1 et 4 élèves qui quittent ce cours pour une forme light avant la mi-octobre. Plus qu’auparavant en fin de premier trimestre de 3e. C’est normal, car, durant 4 ans, les élèves n’ont jamais rencontré les exigences d’un cours de maths pour élèves motivés. Ils s’illusionnent en voyant leurs résultats. Et les profs possèdent peu de critères objectifs pour conseiller valablement. Inutile de dire qu’en 5e, aucun élève ne fait le chemin inverse pour augmenter la dose de maths, alors que ça se passait assez régulièrement en fin de 3e et même de 4e dans le système précédent.

Fort de l’information donnée par mon collègue de 4e sur Anne-Sophie, je fais taire les craintes suscitées par ses premières interros de 5e et je conseille, avant la date fatidique et après une entrevue avec le papa et aussi la jeune fille, de poursuivre en maths fortes. Mal m’en a pris. Elle termine l’année avec un examen de passage à la clé. Qu’elle réussit avec 70%. Bravo, mais il lui reste la Rhéto à tirer. Ce sera un calvaire. A Noël, nouvel échec. Je culpabilise: je n’aurais jamais dû la laisser en maths 6h en début de 5e. Je vais la suivre tout le second semestre, bien que je sois retraité. C’est pénible; elle ne montre pas beaucoup d’appétit. Elle s’en sort, tout juste, en fin d’année. Ouf! Mais quel chemin de croix! Le sien ne se terminera que début septembre, elle doit repasser un examen de sciences qu’elle réussit petitement.

Malgré toute mon expérience (38 ans de tranchées), je n’avais pas été capable de donner un pronostic fiable à cette jeune fille. Belle leçon de modestie.

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5 octobre 2009 1 05 /10 /octobre /2009 17:03

9. Projet montagne

C’est une initiative de Manu Chaumont et de Myriam Soret. Certains autres enseignants donneront un coup de main indispensable. L’objectif est à la fois précis et original: par l’intermédiaire de la combinaison du sport et de l’appel au voyage, on veut créer «une stimulation au travail et à la réussite scolaire, une motivation à l’engagement social, une mobilisation des énergies humaines». Rien que ça!                   Soret-Myriam-1994.jpg

Ce projet sera proposé aux élèves des 4e et 5e. Idéalement, il doit permettre à tous les élèves d’accéder aux voyages scolaires. Concrètement, les organisateurs et l’élève-candidat (ça n’intéresse pas tout le monde) signent un contrat exigeant pour l’élève:

     - la volonté de progrès dans trois matières scolaires ciblées par l’élève où il est en difficulté (ce qui élimine les petits génies forts en tout);
- l’engagement personnel dans une action sociale, au choix (bien, ça prouve que le Collège est ouvert sur la société et les vrais problèmes des gens);

     – l’entraînement physique régulier et intensif en vue d’affronter la haute montagne;

     – la progression dans le comportement individuel et relationnel.

Ajoutons à ce catalogue de bonnes intentions la question financière. Les futurs bénéficiaires sont ardemment priés de trouver des moyens pour récolter des sous, argent qui viendra en déduction du prix global de l’expédition. Inutile de vous dire que les parents seront une nouvelle fois sollicités malgré le fait qu'il est explicitement demandé aux élèves de ne pas accepter d'argent de leurs parents. Ils sont poussés à vendre des pins et autres gadgets, à imaginer des actions qui rapportent et enfin à trouver des sponsors pour l'expédition. Manifestement, les 78 qui partiront finalement se sont bien remués. Ils ont pris une part essentielle

les responsables amenant aussi des sponsors des 1 250 000 FB ainsi récoltés. Cette somme colossale était encore loin d'équilibrer le budget de 2 millions de FB. Finalement le Collège devra combler un déficit de l'ordre de 200 000 FB paraît-il. Certains disent que le Collège a dû racheter du matériel d'escalade qui sert surtout à..."Soleil blanc", une association privée dont Manu s'occupe... Je n'ai pas la preuve de ce que j'avance; c'est un collègue normalement bien renseigné qui l'affirme. Tout ça, le Collège et son directeur l'ont accepté. Le principal est de savoir si le jeu en vaut la chandelle.
Sur le terrain, certains de nos collégiens seront amenés à nouer des relations avec de jeunes lycéens de Lille qui ont un projet similaire débouchant au même moment sur le même endroit! Cela enlève évidemment le mérite de l’originalité du projet SFX, mais ajoute une touche de rencontre internationale qui ne peut que plaire à nos jeunes.
Le but est d’amener des élèves à gravir le mont Toubkal, dans le Haut-Atlas (Maroc), ou le mont Blanc, ou à randonner dans les Dolomites, dans la Vanoise et autour du mont Blanc. Tout dépendra du mérite du candidat et des aptitudes du jeune alpiniste.

C’est incontestablement motivant. Le projet, sans doute préparé de longue date, est pour le moins ambitieux. Il ne peut que séduire les autorités du Chaumont-n-1989.jpgCollège et devrait motiver tout le corps professoral. Là, nous serons loin du compte. La présentation a sans doute péché par excès de confiance.
Manu Chaumont   a-t-il trop tiré la couverture à lui? On lui reproche de ne pas avoir dit que le concept est lillois et non pas verviétois. Soit! Mais il est bien secondé par Myriam Soret qui travaillera comme une bête pour la réussite de ce projet, Et Manu n'est pas néophyte dans les randonnées en montagne. Plus tard, il fera aussi le Kilimandjaro avec Yves Adam et quelques jeunes.
(Voir la suite dans "Le défi Montagne", SOUVENIRS  82 - 8)

10. JMC: la modestie du héros

L'homme est agréable sinon amusant: un collègue comme je les aime. Et surtout, il n'a pas la grosse tête. Je dirais volontiers que c'est un hédoniste des maths: il recherche avant tout le plaisir que peuvent donner les mathématiques et il essaye de le communiquer aux élèves. Je découvrirai petit à petit que c'est un garçon particulièrement serviable, pas le genre de type à se débiner dès que le temps se gâte. Jean-Marc Charette – nous sommes assez proches, peut-être parce qu'il a été mon filleul, professionnellement parlant   est aussi un gars plein de ressources. Mais, jusqu'à ce jour de 1993, j'ignorais qu'il fût si modeste.

Il faut vraiment le solliciter pour qu'il reparle de son exploit. J'utilise

le singulier parce que, à ce jour, c'est sans doute ce qu'il a réussi de plus grand – comment faire mieux d'ailleurs? , il a sauvé une vie, rien de moins!         Charette-Jean-Marc-sauveur.jpg

Dans la Revue des Parents, ça donne un entrefilet, ça aurait mérité tout un numéro si on était sûr de ne pas le gêner.
Ce mercredi du mois d'août, J-M Charette 32 ans, de Sart-lez-Spa, comme dit Le Soir est à Ostende, avec sa petite famille. La foule des grands jours arpente la Promenade Albert 1er . Subitement, un enfant glisse "sur la pente de la digue, à hauteur des escaliers de la mort" trop bien nommés. Le petit Jonathan Nihoul (7 ans, d'Andenne) se retrouve à l'eau en pleine détresse. Jean-Marc voit le drame, il n'hésite pas et saute à l'eau tout habillé. Une fois Jonathan saisi, le retour est un peu chaotique, mais il est sauvé; direction la clinique où son état est jugé satisfaisant.

Les centaines de badauds, rassemblés pour le "spectacle", viennent de découvrir
un héros anonyme et un miraculé.

Pour expliquer son geste, l'ami Charette dira simplement qu'il a suivi des cours de sauvetage. En fait, ils étaient obligatoires pour tous les élèves de son école, l'institut Saint-Michel de Verviers. Là-bas, les profs de gym estimaient essentiel de donner cet outil merveilleux à chacun des rhétoriciens.

Merci, Messieurs! Malheureusement, rien de tel au Collège: mais pourquoi?

Jean-Marc a sauvé la vie de Jonathan, mais il en parle comme si c'était tout naturel. Quel homme!                                                                      Charette-Delobel-et-Gerard.jpg





11. Quelques nouvelles en bref

Les prix Nobel de la Paix de l’année 1993 sont décernés à Nelson Mandela et à Frederik Willem de Klerk. 

Henri Defawes part un mois à Montréal (Canada) pour apprendre à entraîner les bébés nageurs: l’art de joindre l’utile à l’agréable! Il sera remplacé à la fancy-fair par Anne Quoilin (photo de gauche).

A la Fête d’Hiver, nous avons récolté 959.356 F, un record!

Le père Vincent Klein s’investit toujours dans l’entraide scolaire Primaire-Secondaire. Il a mis en oeuvre un excellent système qui permet à des redoubleurs du Secondaire de reprendre goût à l’école en s’occupant des plus faibles de Primaire.
Malheureusement, on annonce le départ définitif de ce même Vincent pour l’Irlande.

Des Tchèques de Brno, reçus par le Collège (juste retour des choses), visitent Banneux.

En mars, Dominique Willem (ci-dessous), dans son article intitulé «De Saddam Hussein… à la fusée Ariane», nous montre que la société athénienne du temps de Périclès s’exprime encore aujourd’hui!

Au mois d’août, Thierry Monfils (à droite), Daniel SonveauxMonfils 91 b et un confrère polonais, Marek Wojtowicz, animent un pèlerinage préparant le congrès des Anciens des collèges et reliant Monschau à Banneux et à sa chapelle ignatienne. Le thème, provenant de l’interpellation du père général Kolvenbach, est «Comment être solidaire des réfugiés, des migrants et des exclus à la manière de Jésus-Christ?».

Une centaine de gamins du Secondaire, de professeurs et d’instituteurs, ont passé une partie des vacances à Zinal (Suisse); le père recteur Huet est allé y célébrer une eucharistie montagnarde.

Un citoyen du nom de L. Delannoy, dans la Revue de novembre, lance un appel désespéré aux intellos: «Dans la morne plaine de la société contemporaine, résonne, obsédant, le bruit de la connerie cathodique… (…) Vous ne pouvez plus vous permettre de vous taire, écrivains, scientifiques, artistes. (…) Vous devez monter au front dans le combat contre l’imbécillité, le mensonge, la violence, le cynisme, l’entreprise de crétinisation.» Je n’ai pas l’impression que son appel a été entendu.

Pour des écoles comparables, on a 1 prof pour 14 élèves en Communauté française alors qu’il y en a 1 pour 18 élèves à SFX! Quand on parle de réseau unique, c’est pour l’aligner sur qui?

En Primaire, saint Nicolas est sorti d’un colis postal!

Mme Degueldre a fait paraître dans la Revue de décembre 1993 un article en anglais.

1993 rhéto 6D gauche (Massa)

Je me demande si la Rhéto la plus impressionnante, intellectuellement parlant, de ces 40 dernières années n'est pas la 6 D 1993-1994 (voir ci-joint la photo de classe coupée en deux).

1993-94-6D-droite.jpg


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30 septembre 2009 3 30 /09 /septembre /2009 13:38

6. CPA

Non, ça n’a rien à voir avec la CAP (Commission d’Assistance Publique) ni avec le CPAS (Centre Public d’Action Sociale), quoique… En fait, CPA est le raccourci de «Clés pour l’adolescence».

Comme son nom le suggère, il s’agit d’un programme censé préparer les jeunes adolescents à mieux vivre cette période difficile de leur vie. On veut leur apprendre à positiver. Mais CPA devient assez vite une pomme de discorde au Collège, juste le contraire de ce qu’on aurait pu en espérer. Evidemment, ça se passe à fleurets mouchetés, dans la salle des profs, ou un peu plus loin.

C’est cependant une expérience qui séduit la direction et la majorité de nos collègues qui se lancent dans l’aventure. Les futurs praticiens doivent d’abord suivre une formation nécessitant – oui, c’est obligatoire – un hébergement complet. Il faut avoir dormi ensemble, hommes et femmes séparés évidemment, pour s’imprégner de l’esprit de la méthode. Il faut donc une sérieuse mise en condition (un lavage de cerveau?) des futurs G.O. C’est une technique qui nous vient évidemment des Etats-Unis – on a même dit que c’était promu par l’Église de Scientologie! Je lis, dans «SFX: Un Collège en PROJETS», que chaque semaine une heure d’activité complémentaire est consacrée à CPA et est prise par le titulaire et un coanimateur. Remarquons au passage que ce cours demande deux personnes, le titulaire et un éducateur. On a décidé de mettre le paquet pour la réussite de cette entreprise. Pourquoi pas si ça en vaut la peine? Suite du texte: «La séquence commence par un petit jeu de stimulation pour mettre tout le monde à l’aise (comme au Club Med). Puis le thème est annoncé, raccroché aux séquences précédentes, puis traité soit sous forme de jeux de rôle, soit sous forme d’interview, soit sous forme de discussion en petits ou en grands groupes, soit sous forme de travaux à réaliser. Chaque séquence se termine par une mise en commun et une synthèse.»

Et les objectifs? direz-vous. Ils sont aussi nombreux que variés. L’article en donne 9 exemples. Ce programme prétend aider les jeunes à se respecter eux-mêmes; à dire non aux comportements négatifs et destructeurs; à apprendre à résoudre les conflits; à prendre des engagements, etc. Rien que des bonnes choses, forcément.

Est-ce la panacée? Non, ça se saurait. Quelques titulaires de 1re et de 2e, déçus après un an ou deux d’expérience, renoncent à donner ce programme, tandis que les autres continuent avec la foi du charbonnier. Soyons honnêtes, si CPA a d’emblée soulevé la controverse, il faut bien dire qu’à l’origine, ce sont des enseignants non directement impliqués qui nourrissent les critiques. Peut-être sont-ils inquiets de voir leur profession s’orienter vers le monitorat de plaine de jeux ou de camps de mutualité. Et puis, c’est un sujet en or pour le café du Commerce!

Ce que j’ignore à ce moment, c’est que la participation à ces heures de détente n’est pas obligatoire pour les élèves: les parents doivent donner leur accord par écrit. Et il y a quelques réfractaires, qui se méfient peut-être de ces jeux orientés. Mais que font pendant ce temps-là les non-participants? Bizarre, ces cours facultatifs qui squattent l’horaire normal!

C’est bien une question soulevée régulièrement par les contempteurs de CPA: que vient faire dans l’horaire scolaire cet essai de marchands de bonheur? A-t-on trop de temps à consacrer aux matières scolaires?

Que répondre? Evidemment, c’est difficile de juger sur pièce: les élèves qui sortent de 2 ans de CPA et qui arrivent en 3e sont-ils mieux armés pour leur vie d’adolescent que précédemment, ou que les élèves d’une école qui ne s’est pas prêtée au jeu? A mon avis, personne n’est capable de trancher dans ce domaine. Ici aussi, il faut croire sans avoir vu: heureux ceux qui croient sans avoir vu, dit le Christ dans l’Evangile!

Une autre critique souvent entendue reproche aux enseignants impliqués dans ce projet de jouer les psychologues quand ils n’en ont pas la formation. 

Ces critiques n’ont pas arrêté le directeur Delobel ni son successeur Camps
                              (voir photo ci-contre)
dans leur volonté de promouvoir cette expérience, qui continue donc son petit bonhomme de chemin. Mieux: au début, le sous-directeur Jacques Camps nous envoie même des «sympagrammes», appellation CPA de ces petits mots écrits destinés à faire plaisir au destinataire (à user sans modération, dit-on dans cette «secte»). Ils ont en tout cas le mérite de faire rigoler la salle des profs.

La direction ne s’est jamais vraiment expliquée sur ce «CPA for ever». J’espère que sa motivation n’est pas que publicitaire: «Venez chez nous, avec CPA, vos enfants apprendront à dire non à la drogue et à la violence!»...

7. Retour de l’Education sexuelle?

Le projet «Prévention», destiné au degré moyen, s’inscrit dans la continuité du projet CPA, dit la revue. Mais, heureusement, il n’en a ni le temps, ni les moyens. Donc il n’est pas dans l’horaire hebdomadaire. Les animateurs sont                                              
Marie-Thérèse Blocteur (mieux connue sous son nom d’épouse: Sternotte, ou encore sous le pseudonyme de Marie XIII : photo de gauche) et Patrick Constant .

Comme l’urgence est la prévention SIDA, je suppose qu’on va en profiter                                                    Constant-003.jpg 

pour faire un peu d’éducation sexuelle. Je vois mal une école catholique comme la nôtre se contenter d’expliquer aux élèves comment mettre une capote. D’ailleurs, les animateurs ne sont pas sélectionnés n’importe comment. Marie XIII est la personne-ressource en cas de plainte pour harcèlement (sexuel ou moral) dans l’entreprise SFX. Je suppose qu’elle n’a pas été choisie par hasard, elle a donc en l’occurrence des compétences – que nous n’avions jamais remarquées – qui la désignent tout naturellement comme agent de l’éducation sexuelle. Patrick Constant étant biologiste, il est tout désigné pour aborder le délicat domaine de la sexualité, c’est un peu sa partie, si j’ose dire. Certes, les préventions suggérées ne sont pas réduites aux seul domaine sexuel, on parle évidemment des drogues en général, mais le SIDA a la cote auprès des élèves, une enquête auprès des nôtres le montre clairement.

Pour Patrick, je me rappelle que lors de nos V7 (voir SOUVENIRS 27) au Brasseur puis au Dôme, il se lançait parfois dans des réflexions biologico-philosophiques – les grandes conférences catholiques, comme les appelait Gillot – qui se terminaient souvent par une intervention de l’un ou l’autre rappelant la particularité anatomique du morse: celui-ci, le veinard, est pourvu d’un os pénien! Cette surprenante information vient évidemment en droite ligne de ce brave Patrick, qui ne se prive pas de nous amuser avec ses anecdotes «savantes».

Mais retournons aux sources. Au Collège, l’éducation affective (on évite de dire sexuelle) fait une percée remarquée vers 1970. Ce n’est pas par hasard qu’on reçoit la visite d’un vrai spécialiste, un jeune jésuite sexologue (la Compagnie est pleine de ressources): le père Jacques van de Gucht, qui avait été professeur à SFX quelques années plus tôt.
                                              van-de-Gucht-1964.jpg

Il vient entretenir – sur invitation du recteur Capelle – les professeurs sur l’introduction de l’éducation sexuelle (le mot ne lui fait évidemment pas peur) à l’école: il faut faire quelque chose, c’est urgent, surtout depuis Mai 68. Il semble que l’évolution des mœurs vient de donner un violent coup d’accélérateur. Mais, dans la mémoire collective, van de Gucht va surtout choquer les chastes oreilles des éducateurs qui forment la très prude communauté de notre bon Collège, composé essentiellement, à cette époque, de célibataires mâles. C’est un fait, pour la rue de Rome de l'époque, son langage est par trop cru et même vulgaire, à croire que son but premier est de choquer. C’est réussi au-delà de toute espérance!

La question qui tue est posée par M. De Donder, qui connaît (trop?) depuis                                              De-donder-1978.jpg                           longtemps les problèmes des adolescents et le discours moral de l’Eglise. Voici de mémoire la phrase destinée à notre prêtre-sexologue: la masturbation est-elle encore un péché mortel? Tout le monde est un peu gêné en entendant ces mots. Tout le monde sauf van de Gucht. Je ne sais plus s’il a ri dans sa barbe ou s’il a noyé le poisson. Mais je sais que De Don n’est pas plus avancé en sortant du «recyclage». En fait, M. De Donder aurait peut-être dû poser la question autrement. Et demander si l’Eglise considérait l’onanisme comme une matière grave. Le petit catéchisme – que Louis connaît sur le bout des doigts – nous apprend dès l’école primaire que pour commettre un péché mortel, on doit réunir simultanément trois conditions lors de l’acte litigieux: la matière grave, la pleine connaissance et l’entier consentement! On suppose que la matière n’est plus si grave aujourd’hui que les relations sexuelles sont banalisées dans l’ensemble des médias, télévisuels en particulier. L’Eglise doit vivre avec son temps, entend-on souvent dire. Et puis, il n’y a plus de petit catéchisme à connaître par cœur, donc plus de risque de se poser cette question d’un autre âge.

Après l’apéritif van de Gucht, heureusement réservé au corps professoral, il faut affronter les parents pour expliquer la démarche de l’école. Le recteur choisit comme conférenciers d’autres spécialistes, les parents Crutzen, tous les deux médecins, c’est plus sûr. En outre, ce sont des parents du Collège et des personnes pondérées. Le couple idéal. Dommage que madame se contentera d’épauler moralement son mari, le point de vue féminin nous aurait prodigieusement intéressés, nous qui ne parlons à longueur de journée qu’à des êtres de l’autre sexe.

Le docteur commence sa causerie par une série d’attendus qui nous expliquent les sujets qu’il va éviter, car peu en rapport avec le but qu’il s’est fixé, trop éloigné de l’objet de notre réflexion. La salle Boland, presque remplie grâce à l’apport professoral, est suspendue à ses lèvres. On sent bien qu’il va se passer aujourd’hui un événement marquant dans l’histoire du Collège. Mais les gens s’impatientent, la liste des attendus et des précautions oratoires n’en finit plus. C’est lassant à la fin. Quand va-t-il aborder le fond de la question? On en arrive à cette cadence à 9h45, et toujours pas d’indice de fin d’introduction. M. Crutzen s’aperçoit de l’heure tardive et se souvient subitement de l’horaire imposé par l’organisateur: c’est le moment des questions du public. Il embraye directement sur ce chapitre sans même un mot d’excuses. On commence à regretter van de Gucht: avec lui, au moins, on entrait dans le vif du sujet.

Les parents, comme les professeurs, rentreront chez eux frustrés. Et la direction en aura sans doute conclu que le sujet devait encore un peu mûrir.

Le vrai problème est maintenant de savoir à qui proposer cette initiation qu’on a promise aux diverses instances de l’école. C’est d’autant plus urgent qu’on entend dire que c’est parti dans d’autres établissements. Si je me souviens bien, on va encore perdre un temps précieux à propos de l’invitation ou non d’Inforcouple, organisation pluraliste – voilà sa faiblesse – chargée d’aider les couples en détresse face aux problèmes liés à la sexualité et aux grossesses                                                  
non désirées. Le débat rejoint ainsi l’enseignement moral de l’Eglise, dont le pape Paul VI (photo de gauche) vient d’interdire la pilule au grand dam d’une majorité de laïcs, qui attendaient une position moins conservatrice d’un pape qu’on disait progressiste. Inforcouple n’est évidemment pas dans la ligne…

Tout le monde va être pris de vitesse par Pierre Perret, qui sort «Le zizi» en 1974. Un tube! Prenant le parti de la satire des cours d’éducation sexuelle, il va enterrer celle-ci pour 20 ans au moins. Surtout que tout le monde en rigole…                                         

Aujourd’hui, en 1993, on n’ose toujours pas prononcer le nom du sujet qu’on voudrait tant introduire à l’école. Et tout ça pour un comique petit zizi enchanté!

Rendez-nous van de Gucht, très bon professeur d'après ses anciens élèves du Collège, et toujours actif dans la Compagnie, contrairement à ce que j'avais écrit (de bonne foi) récemment.
Pardon, mon Père!

8. L'ange déchu

Voilà que ça me revient. Pourquoi? Et surtout pourquoi tant d’années plus tard: nous sommes maintenant en janvier 2014? Mystère.

Je m'explique. Quand j’étais moi-même en 6e latine au Collège, en 1956-57,

 
               1956 6ème latine A
4e rang (au-dessus): Christian Devos, Georges Stembert*, René Minguet*, Keutgen, Maréchal, Paul Bodart (un des jumeaux), Jacques Burguet*;
3e rang: Paul Reul*, Pierre Groenecheld, Jacques Debaar (+), Jean Janssen*, Jacques Thiry*, Andrien, René Peelen;
2e rang: Henin ; Proumen, Jean Daniels, M. Jacques Martiny (+), Jean-Pierre Deblanc, ?, Joseph Schroubben;
1er rang: Michel Crickboom, Alain Demoulin, Ploumhans, Raymond Héroufosse, Albert Wambeek, ?, Léon Winandy, Jean-Claude Bodart (l’autre jumeau) et Marcel Brixhe.
* = "a confié un de ses enfants au Collège" 

je me rappelle que mon professeur de religion, le père Willame – particulièrement apprécié par un collègue et ami auquel j’en ai parlé tout récemment  –, m’avait fait venir une fois (une seule) chez lui. Non, pas chez lui, je ne suis jamais allé dans une chambre de jésuite avant d'être prof. C’était sans doute dans un local de classe ou plutôt une bibliothèque. Nous n’y étions d’ailleurs pas seuls: je précise pour éviter tout malentendu…
                                             Willame 57 

Cette entrevue avait pour moi un caractère tout à fait exceptionnel. Je ne sais plus exactement ce qu’il m’a dit, mais ce n'était pas ce que je craignais. Je m'attendais au pire, car j'étais assez turbulent à cet âge-là: ça ne s'est d'ailleurs pas arrangé tout de suite!

Sans être un fan de ses cours, je l'appréciais surtout pour sa modernité: il nous faisait écouter en classe des chansons du père Duval (photo ci-dessous): le pied! Je me souviens encore d’un de ses tubes: «Qu'est-ce que j'ai dans ma p'tite tête...»                      .                                                                                               Duval père jésuite (1918-1984)

J'ai totalement oublié l'entrée en matière, mais je me souviens très bien que Willame m'a prêté ce jour-là un ouvrage non scolaire à lire. Je suis quasi certain du titre: «Adolescent qui es-tu?». Ce livre était à l’époque, d’après mon ami, un best-seller pour les adolescents des écoles et des mouvements de jeunesse catholiques.

Après cette démarche assez surprenante, le P.Willame m’a encore plus inquiété pour ne pas dire choqué quand il m’a conseillé de choisir un directeur de conscience. Je savais donc ce que c’était. J'ai tout de suite refusé dans mon for intérieur, mais je n’ai pas osé le lui dire. Je ne lui en ai évidemment jamais reparlé et, curieusement, lui non plus. Ouf!

A propos du livre, j’ai lancé une recherche sur Internet et je me suis aperçu qu’on le mentionnait encore sur de nombreux sites destinés à la revente de livres d'occasion. J'ai même eu le loisir de lire une bonne partie des 237 pages de l’ouvrage. J'en suis sorti avec la conviction que je n'avais jamais pu lire tout ça à 13 ans! Il était d'ailleurs destiné explicitement à des garçons de 16 ans, fameuse différence. Pourtant, je suis persuadé d’avoir reconnu la photo (voir ci-dessous) de la couverture de l'édition de 1957 – l’imprimatur date de 1939 –, justement l'année où je terminais ma 6e latine. Les couvertures des années précédentes n’étaient pas les mêmes. C'est troublant: ma mémoire me joue-t-elle des tours? Ce ne serait pas la première fois.    
                                 Adolescent qui es-tu                          

Mais mon plus grand étonnement provient, aujourd'hui, de la découverte de son auteur: le père Robert Claude, surnommé Bob, titulaire de 4LG à l’époque. En vérifiant dans mes archives, je m’aperçois qu’il a quitté le Collège quand j’ai terminé ma 6e Latine, justement en 1957. Oserais-je dire qu'un rhétoricien de l'époque m'avait répété à son propos une rumeur pas très catholique? Quand faut-il croire une rumeur? Quelques années plus tard, on racontait bien que la chanteuse Sheila était un garçon, jusqu'à ce qu'elle accouche de son premier enfant! Il m'avait donc dit tout de go à propos de Claude: «Attention, c'est une tapette!». Ce mot servait à la fois pour homosexuel et pédophile, termes peu utilisés. En pratique, je n'en étais vraiment pas traumatisé: je savais que ce genre d'hommes existait (les femmes étaient hors de cause), mais je me sentais suffisamment fort pour me défendre en cas de besoin. Et puis, je n'avais même pas cours avec ce jésuite,que je connaissais à peine de vue.

 

Revenons au livre. C'est sans doute un bon témoignage de la façon de penser de l'époque. Dans la préface, il présente son ouvrage en s'adressant directement à son jeune lecteur:  «... recueil de méditations, dont le but est moins de plaire que d’entraîner ton âme vers les cimes de l’héroïsme [pas sûr que tous les ados de son temps avaient ce but élevé!] C’est un livre de méditations, qui doit être lu lentement de cette lenteur que n’aime ni ton âge ni ce siècle, pour susciter en toi des réflexions personnelles, des désirs ardents, des résolutions héroïques [encore!] et surtout des prières cordiales et ainsi, dans le silence mystique de ton âme, te faire "rencontrer" l’Ami très doux, le Chef incomparable, LE CHRIST-JESUS.»

Le ton est donné. A priori, ceci ne ressemble en rien à de l'éducation sexuelle. Même pour l’époque.                                

Autre extrait: «Choisis-toi donc un conseiller pour ta conscience et un guide pour ton âme, quelles que soient tes répugnances à soumettre ta vie intérieure aux directives d’un autre et à lui en révéler loyalement tous les secrets intimes, les beaux comme les tristes.» (p.77)

Le père Willame n'innovait en rien.

Je me suis attardé sur le chapitre intitulé «Ennemis 1, 2 et 3».

« S a t a n,  le  m o n d e  et  la  c o n c u p i s c e n c e ». Les lettres espacées étaient sans doute une méthode en vogue pour attirer l’attention. Au fait, je me demande si je connaissais le mot concupiscence à 13 ans.

P.83: «A tout Seigneur, tout honneur. Voici d’abord Messire Satan, "des plus haut encornés". Parler du diable, cela fait sourire. Et pourtant Satan existe. (…) "Le chef-d’œuvre de Satan en notre siècle, c’est de s’être fait nier."»

Claude explique le danger mortel représenté par l’ennemi n°3: «Il te hait d’une haine "satanique". (…) Il connaît tes faiblesses pour t’avoir épié et il sait par quelles fissures de la muraille il peut pénétrer dans ton âme.»

Que faire en face de cet ennemi redoutable?

« P r i e r, invoquer  ton  a n g e  g a r d i e n ».
                     Ange-Gardien.jpg 

L’ennemi  n°2 est le «monde».

P.84: «En face de l’influence délétère du «monde», ta consigne sera:

f e r m e t é  de caractère, esprit  d’i n d é p e n d a n c e  et  f u i t e  des
o c c a s i o n s  dangereuses».

Attention, voici la concupiscence.

«Ennemi terrible que celui-là, car ni Satan, ni le monde ne pourraient  briser tes efforts d’ascension, s’ils ne trouvaient un complice caché à l’intérieur de la place, la concupiscence, nous y reviendrons.»

Evidemment, un chapitre est consacré à la maîtrise de soi. «Qualité de fond à laquelle aucun adolescent ne reste indifférent, car il devine confusément qu’elle est la vertu qui distingue de l’enfant qu’il ne veut plus être, l’homme qu’il veut être.

Qualité primordiale par laquelle  p o u r   r e s t e r  f i d è l e  au Maître intérieur, on sait dire "non" aux assauts confus qui grouillent en nos cœurs .»

 

L’auteur, qui écrit aussi pour les scouts d’après la publicité, ne peut s’empêcher de penser à ses élèves, tous en Latin-Grec comme de bien entendu. Voici un exemple, dont le livre est truffé:

«Il est cinq heures, l’heure de mon devoir de grec. Qu’il serait agréable de m’enfouir dans un club à lire un roman jaune de la collection du "Masque" [ce n’est sans doute plus cela que nos ados feraient…]. Aux sollicitations de la paresse, je dis "Non".»

 Après quelques exemples du même tonneau, on arrive au fond du trou: «Mais de plus bas dans mon âme, de très bas, montent des appels mauvais, si mauvais que je n’oserais préciser [Ouille!]. A certaines heures ce sont de véritables tornades qui semblent devoir tout emporter. Debout dans la tempête je hurle "Non. Rien, ni la tribulation, ni l’angoisse, ni la persécution, ni la faim, ni le péril, ni le glaive, ne pourront me    s é p a r e r    d e    l’a m o u r  du Christ".» 

A la page 96, le paragraphe commence par: «Tu hais l’impureté » et se termine par: «Et c’est pourquoi tu as décidé d’être chaste».

« O ù   e n   e s - t u ?

Serais-tu, pauvre enfant, tombé jusqu’au fond de l’abîme ? Un vaincu, un bagnard ?... Oh ! ne me dis pas et surtout ne pense pas: "Il n’y a plus rien à faire…".  Ce n’est pas vrai… Ecoute-moi bien. Le plus important dans ton cas n’est pas, comme tu le crois, de ne plus tomber  – à l’heure actuelle, c’est pratiquement impossible – mais de te relever après chaque chute, de ne jamais laisser tomber les bras, de te redresser toujours et de croire quand même à la victoire finale.

Et comment conserver intactes cette volonté de redressement et cette foi en la victoire? Il faut vouloir sans doute, mais bien plus encore p r i e r. Oui, prier, et je suis certain que tu ne le fais pas assez. De plus il te faut un directeur de conscience: tu iras le trouver aussi souvent que ce sera nécessaire tant que dure la crise.»

 

En racontant l’histoire à mon collègue, j’apprends subitement que Claude, excellent connaisseur de l'âme des adolescents, écrivain reconnu, auteur du drame jéciste «Lumière sur Berdorf» créé en 1938 à la grande salle, jésuite honoré dans l'album du centenaire du Collège (pp.73 et 74, c'est de là que je tiens ces informations), où on le voit avec son groupe de la J.E.C. (Jeunesse Etudiante Catholique) à 3000 m d'altitude (photo ci-dessous); Robert Claude, professeur titulaire d'élèves de 15 ans (4LG), a fauté! Gravement.
La rumeur était juste. C'était donc un pédophile, pas moins. La honte!
               Claude montagne2 

Le papa de sa dernière (j'espère) jeune victime de la rue de Rome va se plaindre auprès du recteur du Collège, le R.P. Derouau. Ce dernier tergiverse. L'accusation est d'importance. Pour éviter le scandale, le recteur préconise d'abord le changement d'école du ... jeune homme! Mais discrètement, en restant dans un institut de la Compagnie... A Mons!

Attendons pour le coupable, éloignons d'abord la victime! Oui, ça s'est passé ainsi.

Claude, notre «saint» homme, ne quittera le Collège Saint-François-Xavier de Verviers qu'en fin d'année scolaire, comme si de rien n'était.

              Communauté centenaire 55

Quant à l'adolescent meurtri de 1957, il est devenu (après quelles souffrances?) un homme parfaitement équilibré.
Tant mieux!

Je crois que ça ne se passerait plus ainsi aujourd'hui, Dieu merci.

             

Mais j’y pense subitement, c'était justement l'époque où le P. Willame – qui n'a rien à voir dans l'histoire – me propose d'abord de choisir un directeur de conscience, puis oublie cette proposition ou feint d'oublier... A-t-il eu entre-temps connaissance des agissements coupables de son frère en Jésus-Christ, Robert Claude? Dans le fond, peut-être ai-je échappé de peu au regard concupiscent de ce sinistre individu. J’en ai des frissons a posteriori… 

 

Non, là j’exagère. Je n’ai jamais été approché par ce genre d’individu – mon copain non plus d'ailleurs – et pourtant nous avons tous deux longtemps, très longtemps fréquenté des écoles catholiques. J’y suis même allé en pension de 13 à 18 ans! Et rien que des enseignants corrects. Pas vraiment ce que la presse actuelle pourrait nous laisser penser.
Professeurs souvent remarquables, en tout cas pas vicieux. C'est déjà ça.

 

     

 

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24 septembre 2009 4 24 /09 /septembre /2009 17:09

4. Beauduin, triste sire

Jeudi 29 avril 1993, 20h, salle audio 1, conférence de l’abbé A. Beauduin (photo ci-contre), Beauduin-96.jpgdirecteur général du Secrétariat de l’enseignement catholique (P.A.F.: 50 FB).

Une telle affiche va remplir la salle audio 1, on va jouer à bureaux fermés. Même pas! Quelques parents, surtout les obligés, et très peu d’enseignants. Mais n’aurait-on pas dû préciser que Beauduin était chanoine? Il aurait même été cardinal que les gens qui le connaissaient seraient restés chez eux, et auraient bien fait.

Une conférencier terne, ennuyeux, rasoir, déprimant plonge la salle dans une sorte d’apathie polie. Dans le temps, on aurait chahuté. Heureusement, le spectacle allait venir de la salle. Au dernier rang se tient un spectateur très attentif, prêt à intervenir. Bizarre, en voilà un que Beauduin n’a pas réussi à décourager. Dès que le chanoine donne la parole au public, ce personnage intervient pour poser une question qui n’a franchement aucun rapport avec la conférence, mais manifestement un lien très étroit avec le conférencier. Il s’agit du fameux Joseph Hick, professeur mis à pied par ledit chanoine quand notre Joseph était sous ses ordres. N’entrons pas dans les détails, mais rappelons les faits vus du côté des supporters de la victime, l’enseignement catholique brillant en l’occurrence par un prudent silence.

«Le 10 mars dernier, plusieurs personnalités ont lancé un nouvel appel pressant à soutenir Joseph Hick, cet enseignant ignominieusement licencié de l’Institut Episcopal de Bullange en 1986 sans jamais avoir eu le droit de se défendre. ‘Le déni de justice a assez duré, s’insurgent-ils. Joseph Hick est en danger d’être écrasé par des institutions en place. Un sursaut est maintenant indispensable pour lui permettre de poursuivre son combat exemplaire et de le mener à bien.’»

Depuis 7 ans, notre Joseph est donc sur la paille. Il multiplie les actions spectaculaires pour attirer l’attention du public. Comme l’Enseignement catholique refuse d’alimenter la polémique, certains n’hésitent pas à condamner ces «pratiques d’un autre âge». Nous sommes tous un peu mal à l’aise quand on nous en parle. On ne connaît pas exactement les circonstances qui ont déclenché l’affaire. Comme notre «directeur général» est le fameux Beauduin, c’est peut-être le moment d’en savoir un peu plus, surtout que la presse brille par son absence.

Quand Beauduin s’aperçoit de qui vient cette attaque ad hominem, il devient blême, se lève furieux et déclare sèchement à l’assemblée – qui n’y est pour rien! – que, dans ces conditions, il s’en va. Il se dirige effectivement vers la sortie. Mais la salle commence à désavouer bruyamment sa réaction, lui reprochant vertement son «Courage, fuyons!» Le bon chanoine comprend alors qu’il va se mettre tout le monde à dos (pour moi, c’est déjà fait), il s’arrête et fait demi-tout l’air inquiet. Il répondra très succinctement aux quelques questions de courageux qui sont venus pour y voir un peu plus clair dans les intentions de notre Enseignement libre catholique. J’en suis. Je lui demande pourquoi la Fédération de l’enseignement catholique projette de raboter encore le nombre d’heures de maths en 3e et 4e. Il me répond par une autre question: «Vous ne croyez pas que l’on peut faire du bon travail en maths avec 4h/semaine?» Il s’attend à ce que je réponde «oui» et il pourra, grâce à cette pirouette, passer à une autre question. Je vois bien le piège, mais si j’acquiesce, je suis ridiculisé ou alors je suis obligé d’entrer dans le détail du programme, qu’il ne connaît sûrement pas. Il va alors redire qu’il fait confiance à ses inspecteurs, qui sont évidemment absents. Pourtant, il s’agit bien d’une décision stratégique qu’ils ont prise et qu’il devrait être capable de justifier: c’est pour ça qu’on est venu l’écouter. Pourquoi moins de maths, par exemple, que dans l’enseignement de la Communauté française? Furieux de constater sa couardise, je réponds sèchement: «Non»! Surpris, il jette les bras au ciel, essayant de faire comprendre à la salle que je fais sans doute partie de ces matheux bornés. Puis il passe à une autre question, pressé de terminer cette soirée qui montre à suffisance son incompétence.

Comme la plupart des spectateurs présents, je pars dépité. Je ne peux m’empêcher de plaindre notre pauvre Enseignement libre, dirigé par un pareil incapable.

Beauduin? Un triste sire!

5. SFX: un collège en PROJETS

C’est l’année des projets ou plutôt l’année de la mode des projets. En novembre 1993 paraît un numéro spécial de SFX revue sous le titre «SFX: un Collège en PROJETS». En pratique, le directeur veut montrer comment se concrétise à travers des personnes le fameux Projet pédagogique dont on nous rebat les oreilles depuis 10 ans au moins. Ce projet pédagogique est un beau texte idéaliste que les gens s’empressent de ne pas lire. Autant je croyais à l’écrit quand j’étais jeune prof, autant je crois aujourd’hui que la plupart des écrits restent lettre morte; le vrai moteur, c’est le bon sens dans l’action. Mettons de côté les assureurs et les avocats. Dans ce numéro spécial, on passe astucieusement du Projet aux projets. La table des matières de cette revue devient la table des projets.

Rien de bien neuf en 1993 dans la rubrique «Animation pastorale», qui comprend, comme chaque année, la fête du Collège, les retraites et le Gospel.

Pour ne pas l'oublier, le mouvement syndical lance une grève d'un jour le lundi 22 novembre 1993 : sans doute une grève d'avertissement, mais lequel ? Pour certains de mes collègues, contrairement à moi, cette question est superflue, on marche! Pendant ce temps-là, je compte mes élèves, et je travaille avec eux dès qu'il y en a au moins un qui se présente. Ce qui est le cas pour deux des trois heures de mon horaire de ce lundi 22

En pédagogie, on met en exergue un projet «Méthodes de travail» dont le sous-titre est le bien connu «apprendre à apprendre». Il va se construire à partir d’une opération remue-méninges réservée aux classes de 5e et mobilisant 16 professeurs dans un rôle d’animateur. Cette action se jouera en deux matinées du premier trimestre.

Liliane Hubin et Jean-Claude Houssonlonge préconisent, eux, de mettre en œuvre un projet. Houssonlonge-J-Cl-2004.jpgHubin-Lil-02.jpgResponsable de soi et des autres sur les routes». Evidemment, que c’est vital.  Qui pourrait en douter? Mais ces deux derniers projets se concrétisent chez nous par des opérations coup de poing qui laissent aux élèves un goût de trop peu. Et aux profs aussi. Ces enseignants courageux sont nombreux au Collège – école bénie! – qui n’hésitent pas à donner bénévolement de leur temps, matière si précieuse, pour l’éducation des jeunes qui leur sont confiés. Sans vouloir pousser ici un cocorico pour SFX, je crois quand même que c’est une caractéristique du Collège, ce dévouement et cet enthousiasme des professeurs. Présentez un projet cohérent et vous verrez les volontaires se présenter comme par miracle. On ne remerciera jamais assez ces collègues dynamiques qui ne se laissent pas envahir par le règne insidieux des profs-bof, ceux auxquels on ne la fait plus, les éducateurs éteints, les traîne-savate qui arrivent systématiquement 10 minutes en retard à chaque cours, les morts-vivants qui n’attendent que le jour de la pension, certains pendant 30 ans! Le plus beau métier du monde? Oui, mais pas pour tous. J’aime à dire ce que je pense, surtout dans ces cas-là.

Mais si ces actions trop ponctuelles ont fait long feu, il en est qui s’inscrivent dans la durée. Ainsi en est-il de la «Gestion du temps de midi» dont la responsable-coordinatrice est Anne Quoilin-Pirnay (photo de gauche). Une femme dynamique, montée sur ressorts.

Le projet «Préventions» va évoluer en fonction des circonstances. On s’attaque en principe au tabagisme, à l’alcool, aux drogues en général; puis au SIDA, qui nécessite un détour par l’éducation sexuelle (j’y reviendrai). Quelque temps plus tard, on débouchera sur la notion d’assuétude, cheval de bataille de Dominique Embrechts (photo de droite), d’abord préfet d’Education avant de devenir sous-directeur.

Mais il y a encore trois projets qui méritent d’être approfondis.

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17 septembre 2009 4 17 /09 /septembre /2009 16:00

1993: disparition des meilleurs


1. Une personnalité du Collège

En relisant La Toque Anciens de juin 1993, j’apprends le décès du père Léon Rinen (Rh38), qui a donné cours quelques années au Collège, au début des années 70, je crois. Il était surtout professeur de religion dans le cycle inférieur et s’occupait du cinéma. J’ai le souvenir d’un homme affable, toujours de bonne humeur, aimant particulièrement le contact humain, mais qui fumait autant que moi! J’ignorais qu’il avait fait ses études à Saint-François-Xavier.

Pour le Collège, la disparition du père Nestor Bodaux (photo ci-contre) dans sa 93e année le dimanche 31 janvier 1993 est un événement particulièrement triste. La Revue SFX l’annonce en mentionnant qu’il a passé toute sa vie au Collège, d’abord comme professeur de Poésie, puis comme titulaire de Rhétorique et enfin comme préfet des études. On relate que ses dernières paroles furent encore pour son cher Collège: «Père, demandez au père Recteur de venir me chercher pour la fancy-fair au Collège, cela me fait tellement plaisir!»
Dans son homélie, lors de la messe pour le repos de son âme en l’église du Sacré-Cœur, le père recteur Robert Huet parle de la mystique du P. Bodaux comme d’une «mystique du quotidien banal». C’était une mystique de simplicité, de proximité, d’attentions à ses proches, à sa famille et surtout à ses anciens du collège SFX, ajoute-t-il. Homme de fidélité, il confiait chacun de ses amis à la Vierge Marie.
Je dois dire que je n’ai jamais entendu parler du père Bodaux par ses anciens qu’avec une admiration dans la voix, un respect profond et une sincère gratitude. Je les comprends pour l’avoir côtoyé de près quand j’étais jeune prof (voir SOUVENIRS 37 - 3. des vocations anciennes).

2. Une maman dénonce sa fille

Mais la vie continue. Nous sommes le jour du bilan de math de juin 1993. Je surveille normalement cet examen de 3e, c’est d’autant plus facile que j’ai depuis quelque temps pris l’habitude de faire des questionnaires différents selon que l’élève se trouve à gauche ou à droite du banc. J’évite ainsi au maximum les regards obliques intéressés.

Je rentre chez moi vers 12h30 et je reçois immédiatement un coup de téléphone pour le moins surprenant de la maman de Florence, élève de la classe que je viens de quitter une demi-heure plus tôt. Lorsqu’elle décline son identité, j’ai un réflexe de rejet: ça ne se fait pas de téléphoner à un prof pendant les examens, c’est du simple bon sens. Mais je n’ai pas le temps de lui faire part de mon refus qu’elle m’a déjà dit l’essentiel de son message (j’ai gardé en mémoire ces paroles étonnantes): «Monsieur Janssen, Florence a copié lors de son examen et vous allez vous en apercevoir.» Je suis abasourdi, je bredouille une réponse montrant mon étonnement, mais affirmant du même coup ma liberté de jugement.

Je me demande comment elle peut prévoir que je vais m’apercevoir de la tricherie de sa fille. Je décide de ne rien changer à mes habitudes et je corrige donc question par question, et non copie par copie, en séparant bien les droites des gauches. Rien à signaler pour Florence, à part qu’elle n’est pas en train de réaliser un score mémorable. Puis, subitement, les propos de la maman s’éclairent. A une question bien précise, Florence, qui se trouvait du côté droit du banc, a exactement la même réponse (correcte) que sa voisine. Or les questions ne sont pas identiques. Je tiens le corps du délit. Il faut dire que les deux énoncés se ressemblent comme de vrais jumeaux, à une donnée près. A croire que l’auteur des questions (moi) l’a fait exprès… Non, ce n’est pas beau de tenter le diable… mais ça paie!

Je me suis souvent interrogé sur les motivations de la maman. Mais j’ai agi comme si je n’avais rien entendu, comme si ma mémoire avait occulté cette intervention intempestive.

Inutile de vous dire que je corrige la copie de cette tricheuse avec toute la rigueur dont je suis capable. Si je suis la procédure, je dois simplement annuler la question concernée – qui est déjà nulle! – et envoyer l’élève chez le préfet de discipline qui lui appliquera le tarif, soit 2h de retenue: c’est un véritable encouragement à la malhonnêteté! J’appliquerai un régime personnel mieux en rapport avec la faute commise. Elle en sera quitte pour repasser une épreuve sur cette matière au mois d’août. Epreuve réussie avec 80%: très bien! Tu vois, quand tu veux, Florence...

Cette année-là, je donnais cours en 2 C à Jean-Philippe Thonnart (Photo d'époque), mon futur collègue, qui avait tenté de me mener par le bout du nez (voir SOUVENIRS 23).

3. Une bien triste Saint-Ignace

Le 31 juillet 1993, jour de la Saint-Ignace, tombe un samedi. C’est traditionnellement le jour où les jésuites apprennent les grandes décisions de la Compagnie, comme les nominations du Général, du Provincial ou des Recteurs de Communautés, ou encore leur nouvelle «affectation».  C’est ce qu’on appelle les status. A défaut de décision importante, c’est tout de même la fête de leur saint fondateur, donc c’est un jour de réjouissances. 

Au Collège, toute la Communauté se retrouve à l’église du Sacré-Cœur (photo ci-contre) pour la messe solennelle. Plusieurs «obligés» et quelques sympathisants viennent traditionnellement renforcer l’assistance des messes «non obligatoires». Outre les directeurs du primaire et du secondaire du Centre scolaire, on y rencontre souvent quelques professeurs ou instituteurs, mais pas d’élèves, évidemment. Malgré notre présence, la moyenne d’âge doit dépasser les 70 ans, l’avenir n’est pas rose pour la Communauté, donc pour la présence des jésuites au Centre scolaire.

Ce jour-là, après avoir assisté à ladite messe, nous sommes invités comme tout le monde à prendre l’apéritif offert par la Communauté. Puis nous (Joseph Ruwet, Jean Gillot, Jean-Louis Hamès et moi) prolongeons celui-ci à La Fontaine: il fait particulièrement chaud ce jour-là.

Nous sommes heureux de nous retrouver dans une ambiance détendue: il reste encore un mois de vacances, belle perspective. Désaltéré et sans doute pressé par une contrainte familiale, je quitte mes collègues sur un ironique «à bientôt» et remonte la rue de Rome pour traverser le Collège et récupérer mon Opel Kadett bleue dans le parking (le seul à l’époque), bien à l’ombre des arbres du côté de la piscine. Mais le parking est vide, plus de Kadett, ni bleue ni rouge! Ma tête… Je suis K.-O. debout. Ma voiture disparue! Volée? Je n’y crois pas, ou plutôt je ne veux pas y croire: elle est dans un parking privé, portières et coffre fermés à clé… Le temps de me ressaisir et je pense à téléphoner à la police, mais le Collège est fermé et les jèses festoient. Comme je n’ai pas de GSM (cet ustensile n’a pas encore envahi la planète), je redescends presque en courant la rue de Rome et je rentre à nouveau à La Fontaine, où mes collègues sont surpris de mon retour aussi rapide. Je téléphone… chez moi: on ne sait jamais – non, je ne pense pas que ma voiture soit retournée toute seule, comme un bon cheval –, ne serait-ce pas mon épouse qui serait venue chercher l’Opel avec ses clés, sans me prévenir? Je suis mal accueilli: cette question est vraiment trop bête et l’annonce de la disparition de la voiture a le don d’énerver ma femme. Elle me culpabilise tout de suite. Je lui parle comme un élève pris en flagrant délit de copiage et elle me répond comme le professeur fâché de découvrir cette fraude. Je raccroche très découragé et appelle la police... pour m’entendre dire par le planton de service qu’on ne prend pas de déclaration de vol par téléphone! Prière de passer au commissariat, rue de la Tuilerie, au bas du thier Mère-Dieu. C’est décourageant, le gars qui me répond au téléphone n’est même pas compatissant, lui non plus.

Je me présente dans ce local de police – un véritable taudis! – où le seul policier présent (l’autre est en heure de table) est occupé avec un homme qui signale d’une voix forte, comme s’il était lui-même malentendant, la disparition de sa… belle-mère du home où elle était placée! Entre-temps, ma voiture avec ses nouveaux occupants (les salauds!) doit être depuis longtemps en Allemagne ou à Maastricht. Je repasse inlassablement mon avant-midi dans ma tête: je parque ma Kadett en dessous des arbres – pour le soleil –, je la ferme consciencieusement à clé. Je me dirige d’un bon pas vers l’église du Sacré-Cœur pour assister à la messe de la Saint-Ignace – pourquoi aller à la messe un samedi-matin? je n’y suis pas obligé – et c’est sans doute à cet instant qu’un malfrat, habillé comme un quidam, signale à son complice que la voie est libre; le pigeon en a pour une bonne heure avant de sortir. C’est trop facile le jour de la Saint-Ignace, il n’y a plus personne en dehors de l’église. Dans le fond, c’est de la faute de saint Ignace (photo de gauche). Saint Ignace? Le patron des voleurs…

Je ne sais pas pourquoi je n’imagine même pas qu’on pourrait l’avoir volée pendant l’apéro.

Quand le policier me reçoit enfin – l’autre, celui qui était en train de manger –, je m’aperçois que c’est son pain quotidien (si j’ose dire), le vol de voitures. Il commence par me demander le certificat d’immatriculation et les papiers d’assurance du véhicule. Moi, énervé: «Mais ils sont dans ma voiture qui a été volée, justement.» Lui, prenant un ton professoral: «Calmez-vous, Monsieur! Vous auriez pu les prendre avec vous en quittant le véhicule, par exemple, ou en conserver sur vous des photocopies. C’est une sage précaution à prendre, à l’avenir…» C’est ça, pourquoi ne pas prendre une roue ou la tête du delco, tant qu’on y est? Je me vois déjà assis sur ma roue dans le fond de l’église du Collège…

Mais, j’y pense, je dois être assuré pour (ou contre?) le vol. Très bien, me dit l’agent, mais vous devez savoir qu’on doit attendre au moins deux mois pour que l’assureur considère votre véhicule comme volé. Je suppose qu’entre-temps il est considéré comme emprunté... En tout cas, me rassure-t-il, si on la retrouve avant, on vous fera signe. En voilà une bonne nouvelle! Il ne me reste plus qu’à attendre après avoir prévenu mon assureur. Et prier saint Antoine de Padoue (un franciscain, lui; image ci-contre): «Saint Antoine de Padoue, faites que je retrouve ce que j’ai perdu!» C’est mieux en wallon, ça rime.

J’attendrai donc. Tout bien réfléchi, je ne dois rien dramatiser, je ne suis pas le premier à qui on vole sa voiture, et on n’en meurt pas, que je sache. En plus, durant les vacances, je peux m’en passer assez facilement, c’est une question d’organisation. Je suis sans doute moins à plaindre que celui qui venait signaler la disparition de sa belle-mère, sans penser à l’état de ma femme… Une voiture, ça se remplace.

Le lendemain matin, catastrophe! Une vraie, cette fois. J’apprends par la radio la mort de notre roi, le roi Baudouin (photo ci-contre)! J’en suis tout retourné, mon épouse aussi. Je vais vivre trois jours pratiquement scotché devant la TV. L’émotion dans le pays est à son comble; tout le monde (ou presque) l’aimait bien, Baudouin. Il régnait sur la Belgique, non, sur les Belges, depuis 1951, j’avais alors 7 ans, l’âge de raison. Je n’aurais jamais imaginé que son décès m’aurait touché à ce point-là. Je vois des gens pleurer et je les comprends. J’en ai moi-même les larmes aux yeux: les larmes, c’est communicatif, même à la télévision. Je, pardon, nous ne nous sommes jamais sentis aussi belges qu’en ces jours de deuil national. Dommage qu’il faille des circonstances pareilles pour s’en apercevoir. Voyant cette foule de compatriotes défiler digne, respectueuse, courageuse, j’ai l’impression que toute la Belgique se trouve au même endroit, dans ces files interminables. J’ai envie de pousser jusqu’à Bruxelles pour saluer la dépouille de notre souverain.

La TV agit surtout sur les sentiments, c’est vrai. A tête reposée, je me rends compte qu’aller à Bruxelles (en train) et passer des heures sans bouger, en attendant que l’on ouvre les portes de la chapelle ardente, par un temps caniculaire, c’est un exploit que je ne suis pas près de tenter. Non, j’irai plutôt signer le registre de condoléances destiné à la reine Fabiola et ouvert à l’hôtel de ville de Verviers.

Et je vais ensuite assister à la messe en mémoire de notre roi Baudouin à l’église P1010884Saint-Remacle. J’arrive assez tôt pour avoir une chaise. J’ai l’impression qu’on en a ajouté pour l’occasion. Sur chacune se trouve un carnet de chants de circonstance. La cérémonie est très priante. Elle se termine par une brabançonne chantée par toute l’assistance debout: ça prend littéralement aux tripes, c’est bien plus fort qu’à la télévision. Je crois que je suis un émotif qui s’ignore. Et je suis sûr d’être terriblement catholique et belge. Mais ce sont des choses qu’on ne peut plus dire aujourd’hui; on serait suspecté de franquisme (non, les gens ne savent plus ce que c’est), de fascisme (pour ceux qui ont terminé leur Rhéto sans grèves – voir SOUVENIRS 42: 3. Essayez l’ignorance), ou pour le moins de tendances réactionnaires. Prudent, je ne parlerai de mes sentiments qu’à des gens convaincus, et encore, avec des mots prudents, mesurés, comme un sage qui prend de la hauteur. Comme un jésuite, quoi.

Ma Kadett bleue? Ah, oui, on l’a retrouvée trois jours plus tard, dans un parking près de Sainte-Claire; il ne lui manquait que l’autoradio. Un détail.

Oui, mais je me rappelle surtout la prestation de serment d’Albert II (photo de gauche): sa tête tremblait à faire peur. Les médecins-spécialistes expliquaient le lendemain à la radio et à la TV qu’il s’agissait sans doute d’un tremblement fondamental. Et alors? Serait-ce un nouveau Jean Paul Ier(photo de droite)?

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