6. CPA
Non, ça n’a rien à voir avec la CAP (Commission d’Assistance Publique) ni avec le CPAS (Centre Public d’Action Sociale), quoique… En fait, CPA est le raccourci de «Clés pour l’adolescence».
Comme son nom le suggère, il s’agit d’un programme censé préparer les jeunes adolescents à mieux vivre cette période difficile de leur vie. On veut leur apprendre à positiver. Mais CPA devient assez vite une pomme de discorde au Collège, juste le contraire de ce qu’on aurait pu en espérer. Evidemment, ça se passe à fleurets mouchetés, dans la salle des profs, ou un peu plus loin.
C’est cependant une expérience qui séduit la direction et la majorité de nos collègues qui se lancent dans l’aventure. Les futurs praticiens doivent d’abord suivre une formation nécessitant – oui, c’est obligatoire – un hébergement complet. Il faut avoir dormi ensemble, hommes et femmes séparés évidemment, pour s’imprégner de l’esprit de la méthode. Il faut donc une sérieuse mise en condition (un lavage de cerveau?) des futurs G.O. C’est une technique qui nous vient évidemment des Etats-Unis – on a même dit que c’était promu par l’Église de Scientologie! Je lis, dans «SFX: Un Collège en PROJETS», que chaque semaine une heure d’activité complémentaire est consacrée à CPA et est prise par le titulaire et un coanimateur. Remarquons au passage que ce cours demande deux personnes, le titulaire et un éducateur. On a décidé de mettre le paquet pour la réussite de cette entreprise. Pourquoi pas si ça en vaut la peine? Suite du texte: «La séquence commence par un petit jeu de stimulation pour mettre tout le monde à l’aise (comme au Club Med). Puis le thème est annoncé, raccroché aux séquences précédentes, puis traité soit sous forme de jeux de rôle, soit sous forme d’interview, soit sous forme de discussion en petits ou en grands groupes, soit sous forme de travaux à réaliser. Chaque séquence se termine par une mise en commun et une synthèse.»
Et les objectifs? direz-vous. Ils sont aussi nombreux que variés. L’article en donne 9 exemples. Ce programme prétend aider les jeunes à se respecter eux-mêmes; à dire non aux comportements négatifs et destructeurs; à apprendre à résoudre les conflits; à prendre des engagements, etc. Rien que des bonnes choses, forcément.
Est-ce la panacée? Non, ça se saurait. Quelques titulaires de 1re et de 2e, déçus après un an ou deux d’expérience, renoncent à donner ce programme, tandis que les autres continuent avec la foi du charbonnier. Soyons honnêtes, si CPA a d’emblée soulevé la controverse, il faut bien dire qu’à l’origine, ce sont des enseignants non directement impliqués qui nourrissent les critiques. Peut-être sont-ils inquiets de voir leur profession s’orienter vers le monitorat de plaine de jeux ou de camps de mutualité. Et puis, c’est un sujet en or pour le café du Commerce!
Ce que j’ignore à ce moment, c’est que la participation à ces heures de détente n’est pas obligatoire pour les élèves: les parents doivent donner leur accord par écrit. Et il y a quelques réfractaires, qui se méfient peut-être de ces jeux orientés. Mais que font pendant ce temps-là les non-participants? Bizarre, ces cours facultatifs qui squattent l’horaire normal!
C’est bien une question soulevée régulièrement par les contempteurs de CPA: que vient faire dans l’horaire scolaire cet essai de marchands de bonheur? A-t-on trop de temps à consacrer aux matières scolaires?
Que répondre? Evidemment, c’est difficile de juger sur pièce: les élèves qui sortent de 2 ans de CPA et qui arrivent en 3e sont-ils mieux armés pour leur vie d’adolescent que précédemment, ou que les élèves d’une école qui ne s’est pas prêtée au jeu? A mon avis, personne n’est capable de trancher dans ce domaine. Ici aussi, il faut croire sans avoir vu: heureux ceux qui croient sans avoir vu, dit le Christ dans l’Evangile!
Une autre critique souvent entendue reproche aux enseignants impliqués dans ce projet de jouer les psychologues quand ils n’en ont pas la formation.
Ces critiques n’ont pas arrêté le directeur Delobel ni son successeur Camps
(voir photo ci-contre)
dans leur volonté de promouvoir cette expérience, qui continue donc son petit bonhomme de chemin. Mieux: au début, le sous-directeur Jacques Camps nous envoie même des «sympagrammes», appellation CPA de ces petits mots écrits destinés à faire plaisir au destinataire (à user sans modération, dit-on dans cette «secte»). Ils ont en tout cas le mérite de faire rigoler la salle des profs.
La direction ne s’est jamais vraiment expliquée sur ce «CPA for ever». J’espère que sa motivation n’est pas que publicitaire: «Venez chez nous, avec CPA, vos enfants apprendront à dire non à la drogue et à la violence!»...
7. Retour de l’Education sexuelle?
Le projet «Prévention», destiné au degré moyen, s’inscrit dans la continuité du projet CPA, dit la revue. Mais, heureusement, il n’en a ni le temps, ni les moyens. Donc il n’est pas dans l’horaire hebdomadaire. Les animateurs sont
Marie-Thérèse Blocteur (mieux connue sous son nom d’épouse: Sternotte, ou encore sous le pseudonyme de Marie XIII : photo de gauche) et Patrick Constant .
Comme l’urgence est la prévention SIDA, je suppose qu’on va en profiter
pour faire un peu d’éducation sexuelle. Je vois mal une école catholique comme la nôtre se contenter d’expliquer aux élèves comment mettre une capote. D’ailleurs, les animateurs ne sont pas sélectionnés n’importe comment. Marie XIII est la personne-ressource en cas de plainte pour harcèlement (sexuel ou moral) dans l’entreprise SFX. Je suppose qu’elle n’a pas été choisie par hasard, elle a donc en l’occurrence des compétences – que nous n’avions jamais remarquées – qui la désignent tout naturellement comme agent de l’éducation sexuelle. Patrick Constant étant biologiste, il est tout désigné pour aborder le délicat domaine de la sexualité, c’est un peu sa partie, si j’ose dire. Certes, les préventions suggérées ne sont pas réduites aux seul domaine sexuel, on parle évidemment des drogues en général, mais le SIDA a la cote auprès des élèves, une enquête auprès des nôtres le montre clairement.
Pour Patrick, je me rappelle que lors de nos V7 (voir SOUVENIRS 27) au Brasseur puis au Dôme, il se lançait parfois dans des réflexions biologico-philosophiques – les grandes conférences catholiques, comme les appelait Gillot – qui se terminaient souvent par une intervention de l’un ou l’autre rappelant la particularité anatomique du morse: celui-ci, le veinard, est pourvu d’un os pénien! Cette surprenante information vient évidemment en droite ligne de ce brave Patrick, qui ne se prive pas de nous amuser avec ses anecdotes «savantes».
Mais retournons aux sources. Au Collège, l’éducation affective (on évite de dire sexuelle) fait une percée remarquée vers 1970. Ce n’est pas par hasard qu’on reçoit la visite d’un vrai spécialiste, un jeune jésuite sexologue (la Compagnie est pleine de ressources): le père Jacques van de Gucht, qui avait été professeur à SFX quelques années plus tôt.
Il vient entretenir – sur invitation du recteur Capelle – les professeurs sur l’introduction de l’éducation sexuelle (le mot ne lui fait évidemment pas peur) à l’école: il faut faire quelque chose, c’est urgent, surtout depuis Mai 68. Il semble que l’évolution des mœurs vient de donner un violent coup d’accélérateur. Mais, dans la mémoire collective, van de Gucht va surtout choquer les chastes oreilles des éducateurs qui forment la très prude communauté de notre bon Collège, composé essentiellement, à cette époque, de célibataires mâles. C’est un fait, pour la rue de Rome de l'époque, son langage est par trop cru et même vulgaire, à croire que son but premier est de choquer. C’est réussi au-delà de toute espérance!
La question qui tue est posée par M. De Donder, qui connaît (trop?) depuis longtemps les problèmes des adolescents et le discours moral de l’Eglise. Voici de mémoire la phrase destinée à notre prêtre-sexologue: la masturbation est-elle encore un péché mortel? Tout le monde est un peu gêné en entendant ces mots. Tout le monde sauf van de Gucht. Je ne sais plus s’il a ri dans sa barbe ou s’il a noyé le poisson. Mais je sais que De Don n’est pas plus avancé en sortant du «recyclage». En fait, M. De Donder aurait peut-être dû poser la question autrement. Et demander si l’Eglise considérait l’onanisme comme une matière grave. Le petit catéchisme – que Louis connaît sur le bout des doigts – nous apprend dès l’école primaire que pour commettre un péché mortel, on doit réunir simultanément trois conditions lors de l’acte litigieux: la matière grave, la pleine connaissance et l’entier consentement! On suppose que la matière n’est plus si grave aujourd’hui que les relations sexuelles sont banalisées dans l’ensemble des médias, télévisuels en particulier. L’Eglise doit vivre avec son temps, entend-on souvent dire. Et puis, il n’y a plus de petit catéchisme à connaître par cœur, donc plus de risque de se poser cette question d’un autre âge.
Après l’apéritif van de Gucht, heureusement réservé au corps professoral, il faut affronter les parents pour expliquer la démarche de l’école. Le recteur choisit comme conférenciers d’autres spécialistes, les parents Crutzen, tous les deux médecins, c’est plus sûr. En outre, ce sont des parents du Collège et des personnes pondérées. Le couple idéal. Dommage que madame se contentera d’épauler moralement son mari, le point de vue féminin nous aurait prodigieusement intéressés, nous qui ne parlons à longueur de journée qu’à des êtres de l’autre sexe.
Le docteur commence sa causerie par une série d’attendus qui nous expliquent les sujets qu’il va éviter, car peu en rapport avec le but qu’il s’est fixé, trop éloigné de l’objet de notre réflexion. La salle Boland, presque remplie grâce à l’apport professoral, est suspendue à ses lèvres. On sent bien qu’il va se passer aujourd’hui un événement marquant dans l’histoire du Collège. Mais les gens s’impatientent, la liste des attendus et des précautions oratoires n’en finit plus. C’est lassant à la fin. Quand va-t-il aborder le fond de la question? On en arrive à cette cadence à 9h45, et toujours pas d’indice de fin d’introduction. M. Crutzen s’aperçoit de l’heure tardive et se souvient subitement de l’horaire imposé par l’organisateur: c’est le moment des questions du public. Il embraye directement sur ce chapitre sans même un mot d’excuses. On commence à regretter van de Gucht: avec lui, au moins, on entrait dans le vif du sujet.
Les parents, comme les professeurs, rentreront chez eux frustrés. Et la direction en aura sans doute conclu que le sujet devait encore un peu mûrir.
Le vrai problème est maintenant de savoir à qui proposer cette initiation qu’on a promise aux diverses instances de l’école. C’est d’autant plus urgent qu’on entend dire que c’est parti dans d’autres établissements. Si je me souviens bien, on va encore perdre un temps précieux à propos de l’invitation ou non d’Inforcouple, organisation pluraliste – voilà sa faiblesse – chargée d’aider les couples en détresse face aux problèmes liés à la sexualité et aux grossesses
non désirées. Le débat rejoint ainsi l’enseignement moral de l’Eglise, dont le pape Paul VI (photo de gauche) vient d’interdire la pilule au grand dam d’une majorité de laïcs, qui attendaient une position moins conservatrice d’un pape qu’on disait progressiste. Inforcouple n’est évidemment pas dans la ligne…
Tout le monde va être pris de vitesse par Pierre Perret, qui sort «Le zizi» en 1974. Un tube! Prenant le parti de la satire des cours d’éducation sexuelle, il va enterrer celle-ci pour 20 ans au moins. Surtout que tout le monde en rigole…
Aujourd’hui, en 1993, on n’ose toujours pas prononcer le nom du sujet qu’on voudrait tant introduire à l’école. Et tout ça pour un comique petit zizi enchanté!
Rendez-nous van de Gucht, très bon professeur d'après ses anciens élèves du Collège, et toujours actif dans la Compagnie, contrairement à ce que j'avais écrit (de bonne foi) récemment.
Pardon, mon Père!
8. L'ange déchu
Voilà que ça me revient. Pourquoi? Et surtout pourquoi tant d’années plus tard: nous sommes maintenant en janvier 2014? Mystère.
Je m'explique. Quand j’étais moi-même en 6e latine au Collège, en 1956-57,
4e rang (au-dessus): Christian Devos, Georges Stembert*, René Minguet*, Keutgen, Maréchal, Paul Bodart (un des jumeaux), Jacques Burguet*;
3e rang: Paul Reul*, Pierre Groenecheld, Jacques Debaar (+), Jean Janssen*, Jacques Thiry*, Andrien, René Peelen;
2e rang: Henin ; Proumen, Jean Daniels, M. Jacques Martiny (+), Jean-Pierre Deblanc, ?, Joseph Schroubben;
1er rang: Michel Crickboom, Alain Demoulin, Ploumhans, Raymond Héroufosse, Albert Wambeek, ?, Léon Winandy, Jean-Claude Bodart (l’autre jumeau) et Marcel Brixhe.
* = "a confié un de ses enfants au Collège"
je me rappelle que mon professeur de religion, le père Willame – particulièrement apprécié par un collègue et ami auquel j’en ai parlé tout récemment –, m’avait fait venir une fois (une seule) chez lui. Non, pas chez lui, je ne suis jamais allé dans une chambre de jésuite avant d'être prof. C’était sans doute dans un local de classe ou plutôt une bibliothèque. Nous n’y étions d’ailleurs pas seuls: je précise pour éviter tout malentendu…
Cette entrevue avait pour moi un caractère tout à fait exceptionnel. Je ne sais plus exactement ce qu’il m’a dit, mais ce n'était pas ce que je craignais. Je m'attendais au pire, car j'étais assez turbulent à cet âge-là: ça ne s'est d'ailleurs pas arrangé tout de suite!
Sans être un fan de ses cours, je l'appréciais surtout pour sa modernité: il nous faisait écouter en classe des chansons du père Duval (photo ci-dessous): le pied! Je me souviens encore d’un de ses tubes: «Qu'est-ce que j'ai dans ma p'tite tête...» .
J'ai totalement oublié l'entrée en matière, mais je me souviens très bien que Willame m'a prêté ce jour-là un ouvrage non scolaire à lire. Je suis quasi certain du titre: «Adolescent qui es-tu?». Ce livre était à l’époque, d’après mon ami, un best-seller pour les adolescents des écoles et des mouvements de jeunesse catholiques.
Après cette démarche assez surprenante, le P.Willame m’a encore plus inquiété pour ne pas dire choqué quand il m’a conseillé de choisir un directeur de conscience. Je savais donc ce que c’était. J'ai tout de suite refusé dans mon for intérieur, mais je n’ai pas osé le lui dire. Je ne lui en ai évidemment jamais reparlé et, curieusement, lui non plus. Ouf!
A propos du livre, j’ai lancé une recherche sur Internet et je me suis aperçu qu’on le mentionnait encore sur de nombreux sites destinés à la revente de livres d'occasion. J'ai même eu le loisir de lire une bonne partie des 237 pages de l’ouvrage. J'en suis sorti avec la conviction que je n'avais jamais pu lire tout ça à 13 ans! Il était d'ailleurs destiné explicitement à des garçons de 16 ans, fameuse différence. Pourtant, je suis persuadé d’avoir reconnu la photo (voir ci-dessous) de la couverture de l'édition de 1957 – l’imprimatur date de 1939 –, justement l'année où je terminais ma 6e latine. Les couvertures des années précédentes n’étaient pas les mêmes. C'est troublant: ma mémoire me joue-t-elle des tours? Ce ne serait pas la première fois.
Mais mon plus grand étonnement provient, aujourd'hui, de la découverte de son auteur: le père Robert Claude, surnommé Bob, titulaire de 4LG à l’époque. En vérifiant dans mes archives, je m’aperçois qu’il a quitté le Collège quand j’ai terminé ma 6e Latine, justement en 1957. Oserais-je dire qu'un rhétoricien de l'époque m'avait répété à son propos une rumeur pas très catholique? Quand faut-il croire une rumeur? Quelques années plus tard, on racontait bien que la chanteuse Sheila était un garçon, jusqu'à ce qu'elle accouche de son premier enfant! Il m'avait donc dit tout de go à propos de Claude: «Attention, c'est une tapette!». Ce mot servait à la fois pour homosexuel et pédophile, termes peu utilisés. En pratique, je n'en étais vraiment pas traumatisé: je savais que ce genre d'hommes existait (les femmes étaient hors de cause), mais je me sentais suffisamment fort pour me défendre en cas de besoin. Et puis, je n'avais même pas cours avec ce jésuite,que je connaissais à peine de vue.
Revenons au livre. C'est sans doute un bon témoignage de la façon de penser de l'époque. Dans la préface, il présente son ouvrage en s'adressant directement à son jeune lecteur: «... recueil de méditations, dont le but est moins de plaire que d’entraîner ton âme vers les cimes de l’héroïsme [pas sûr que tous les ados de son temps avaient ce but élevé!] C’est un livre de méditations, qui doit être lu lentement de cette lenteur que n’aime ni ton âge ni ce siècle, pour susciter en toi des réflexions personnelles, des désirs ardents, des résolutions héroïques [encore!] et surtout des prières cordiales et ainsi, dans le silence mystique de ton âme, te faire "rencontrer" l’Ami très doux, le Chef incomparable, LE CHRIST-JESUS.»
Le ton est donné. A priori, ceci ne ressemble en rien à de l'éducation sexuelle. Même pour l’époque.
Autre extrait: «Choisis-toi donc un conseiller pour ta conscience et un guide pour ton âme, quelles que soient tes répugnances à soumettre ta vie intérieure aux directives d’un autre et à lui en révéler loyalement tous les secrets intimes, les beaux comme les tristes.» (p.77)
Le père Willame n'innovait en rien.
Je me suis attardé sur le chapitre intitulé «Ennemis 1, 2 et 3».
« S a t a n, le m o n d e et la c o n c u p i s c e n c e ». Les lettres espacées étaient sans doute une méthode en vogue pour attirer l’attention. Au fait, je me demande si je connaissais le mot concupiscence à 13 ans.
P.83: «A tout Seigneur, tout honneur. Voici d’abord Messire Satan, "des plus haut encornés". Parler du diable, cela fait sourire. Et pourtant Satan existe. (…) "Le chef-d’œuvre de Satan en notre siècle, c’est de s’être fait nier."»
Claude explique le danger mortel représenté par l’ennemi n°3: «Il te hait d’une haine "satanique". (…) Il connaît tes faiblesses pour t’avoir épié et il sait par quelles fissures de la muraille il peut pénétrer dans ton âme.»
Que faire en face de cet ennemi redoutable?
« P r i e r, invoquer ton a n g e g a r d i e n ».
L’ennemi n°2 est le «monde».
P.84: «En face de l’influence délétère du «monde», ta consigne sera:
f e r m e t é de caractère, esprit d’i n d é p e n d a n c e et f u i t e des
o c c a s i o n s dangereuses».
Attention, voici la concupiscence.
«Ennemi terrible que celui-là, car ni Satan, ni le monde ne pourraient briser tes efforts d’ascension, s’ils ne trouvaient un complice caché à l’intérieur de la place, la concupiscence, nous y reviendrons.»
Evidemment, un chapitre est consacré à la maîtrise de soi. «Qualité de fond à laquelle aucun adolescent ne reste indifférent, car il devine confusément qu’elle est la vertu qui distingue de l’enfant qu’il ne veut plus être, l’homme qu’il veut être.
Qualité primordiale par laquelle p o u r r e s t e r f i d è l e au Maître intérieur, on sait dire "non" aux assauts confus qui grouillent en nos cœurs .»
L’auteur, qui écrit aussi pour les scouts d’après la publicité, ne peut s’empêcher de penser à ses élèves, tous en Latin-Grec comme de bien entendu. Voici un exemple, dont le livre est truffé:
«Il est cinq heures, l’heure de mon devoir de grec. Qu’il serait agréable de m’enfouir dans un club à lire un roman jaune de la collection du "Masque" [ce n’est sans doute plus cela que nos ados feraient…]. Aux sollicitations de la paresse, je dis "Non".»
Après quelques exemples du même tonneau, on arrive au fond du trou: «Mais de plus bas dans mon âme, de très bas, montent des appels mauvais, si mauvais que je n’oserais préciser [Ouille!]. A certaines heures ce sont de véritables tornades qui semblent devoir tout emporter. Debout dans la tempête je hurle "Non. Rien, ni la tribulation, ni l’angoisse, ni la persécution, ni la faim, ni le péril, ni le glaive, ne pourront me s é p a r e r d e l’a m o u r du Christ".»
A la page 96, le paragraphe commence par: «Tu hais l’impureté » et se termine par: «Et c’est pourquoi tu as décidé d’être chaste».
« O ù e n e s - t u ?
Serais-tu, pauvre enfant, tombé jusqu’au fond de l’abîme ? Un vaincu, un bagnard ?... Oh ! ne me dis pas et surtout ne pense pas: "Il n’y a plus rien à faire…". Ce n’est pas vrai… Ecoute-moi bien. Le plus important dans ton cas n’est pas, comme tu le crois, de ne plus tomber – à l’heure actuelle, c’est pratiquement impossible – mais de te relever après chaque chute, de ne jamais laisser tomber les bras, de te redresser toujours et de croire quand même à la victoire finale.
Et comment conserver intactes cette volonté de redressement et cette foi en la victoire? Il faut vouloir sans doute, mais bien plus encore p r i e r. Oui, prier, et je suis certain que tu ne le fais pas assez. De plus il te faut un directeur de conscience: tu iras le trouver aussi souvent que ce sera nécessaire tant que dure la crise.»
En racontant l’histoire à mon collègue, j’apprends subitement que Claude, excellent connaisseur de l'âme des adolescents, écrivain reconnu, auteur du drame jéciste «Lumière sur Berdorf» créé en 1938 à la grande salle, jésuite honoré dans l'album du centenaire du Collège (pp.73 et 74, c'est de là que je tiens ces informations), où on le voit avec son groupe de la J.E.C. (Jeunesse Etudiante Catholique) à 3000 m d'altitude (photo ci-dessous); Robert Claude, professeur titulaire d'élèves de 15 ans (4LG), a fauté! Gravement.
La rumeur était juste. C'était donc un pédophile, pas moins. La honte!
Le papa de sa dernière (j'espère) jeune victime de la rue de Rome va se plaindre auprès du recteur du Collège, le R.P. Derouau. Ce dernier tergiverse. L'accusation est d'importance. Pour éviter le scandale, le recteur préconise d'abord le changement d'école du ... jeune homme! Mais discrètement, en restant dans un institut de la Compagnie... A Mons!
Attendons pour le coupable, éloignons d'abord la victime! Oui, ça s'est passé ainsi.
Claude, notre «saint» homme, ne quittera le Collège Saint-François-Xavier de Verviers qu'en fin d'année scolaire, comme si de rien n'était.
Quant à l'adolescent meurtri de 1957, il est devenu (après quelles souffrances?) un homme parfaitement équilibré.
Tant mieux!
Je crois que ça ne se passerait plus ainsi aujourd'hui, Dieu merci.
Mais j’y pense subitement, c'était justement l'époque où le P. Willame – qui n'a rien à voir dans l'histoire – me propose d'abord de choisir un directeur de conscience, puis oublie cette proposition ou feint d'oublier... A-t-il eu entre-temps connaissance des agissements coupables de son frère en Jésus-Christ, Robert Claude? Dans le fond, peut-être ai-je échappé de peu au regard concupiscent de ce sinistre individu. J’en ai des frissons a posteriori…
Non, là j’exagère. Je n’ai jamais été approché par ce genre d’individu – mon copain non plus d'ailleurs – et pourtant nous avons tous deux longtemps, très longtemps fréquenté des écoles catholiques. J’y suis même allé en pension de 13 à 18 ans! Et rien que des enseignants corrects. Pas vraiment ce que la presse actuelle pourrait nous laisser penser.
Professeurs souvent remarquables, en tout cas pas vicieux. C'est déjà ça.