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19 février 2008 2 19 /02 /février /2008 14:26

Une classe infernale

Contrairement aux apparences, la rentrée ne sera pas si joyeuse pour tout le monde. J’apprends que je vais donner cours en 4LM. Je rencontre pour la première fois le futur titulaire, Joseph Ruwet, chez le R.P. Vincent, préfet de discipline. Je sais de bonne source que cette classe en a fait voir de toutes les couleurs aux professeurs de l’année précédente et j’en fais part directement à Joseph qui, très sûr de soi, tente de me rassurer en illustrant son esprit de décision par un geste significatif du poignet: crac dedans! Il me semble prendre les choses de haut tant il a la réponse rapide, mais il est vrai qu’il n’a pas de temps à perdre: il doit courir à Herve pour compléter son horaire au collège Marie-Thérèse.

Le jour de la rentrée, la 4LM (32 élèves et bientôt 33) est sans son titulaire, qui se trouve occupé au collège de Herve; bizarre! En outre, Joseph sera absent plusieurs jours pour cause de maladie: pas de chance!
N’étant pas moi-même titulaire, je suis sur place, un peu désoeuvré et je m’inquiète. Le père Dedeur

4LM-1969-Ruwet-et-Smetsnn.jpg

1969-70: 4LM. De haut en bas et de gauche à droite :
- Patrick Michotte, Jean-Paul Grandmaire, Jean-Louis Vandenbroucke, Christian Garot, Manu Chaumont, Philippe Stollenberg, Jacques Tristant, Jean-Marc Warnants, André de Valensart.
- Thierry Baclin, Bruno Mersch, Benoît Fettweis, Philippe Bruyère, Philippe Delhasse, Baudouin Bragard, Edouard Grenade, Jean-Pierre Godfirnon, Joseph Lerusse, Bernard Frédérick, Louis-André Linon, Albert Cornet.
- Freddy Michotte, André Delhaye, René Vincent, Henri Neuray, Jean-François Schwaiger, Père Alexis Smets et Joseph RUWET (titulaires), Raymond Déderix, Jean-Marc Mostin, Paul Junker, Jean-Philippe Hennen.
Absents : Joël de Bry, Robert Fonsny et Thierry Marique.

se charge de la classe, mais doit trouver saumâtre d’être ainsi obligé d’accueillir des élèves surexcités de se retrouver après deux mois de vacances. Des élèves qui connaissent le Collège comme leur poche et qui se réjouissent sans doute des bons tours qu’ils vont jouer à leurs futurs professeurs. Je me rapproche discrètement d’une fenêtre ouverte de leur local, situé provisoirement (ça commence vraiment mal) au rez-de-chaussée, et j’estime qu’il y a déjà trop de bruit: je dois intervenir, à la fois pour libérer le pauvre Dedeur et pour calmer le jeu.
J’ai l’avantage de connaître une moitié de ces jeunes, à qui j’ai enseigné en 6e deux ans auparavant. Et puis je sors du service militaire, je suis devenu un homme, quoi!…

Je vais faire du cinéma après avoir appelé discrètement le pauvre Richard pour lui signaler que je peux le remplacer. Il accepte, franchement soulagé. Je suis conscient de jouer mon autorité en quelques minutes, voire quelques secondes. Je claque la porte derrière moi et reste immobile la tête haute et le regard méchant: je dois profiter des trois secondes du silence provoqué par ce bruit sec et fort. Je crie sèchement: "Levez-vous et taisez-vous!" Je mise sur ma taille et ma carrure, et ma tête de boxeur! Pourvu que ça marche. Ils se figent au garde-à-vous, ou presque. Je me dirige alors sans les regarder vers le bureau en montant sur l’estrade du pas le plus solennel que la trouille me permet de garder. Je dépose bruyamment ma serviette sur le pupitre et je leur intime l’ordre de s’asseoir.

En guise de bienvenue, je leur explique à grand renfort de phases courtes et d’intonations sèches que leur attitude est inadmissible. Et, sans transition, toujours sur le même ton cassant, j’énumère brièvement les exigences du cours important qu’ils vont recevoir. J’entame enfin la matière sans autre forme de procès. Je n’ose regarder ma montre, mais le temps me paraît long, si long…

La sonnerie libératrice retentit enfin, soulageant autant les élèves que moi. J’ai gagné une bataille, mais je sens que la guerre sera encore longue. Effectivement. Au total, je m’en sortirai honorablement, abstraction faite du nombre d’échecs…
Ce sera bien plus dur pour certains de mes collègues, et d’abord pour leur pauvre titulaire.

Heureusement, ce genre de groupe ne se rencontre pas souvent. Au Collège du moins! Je dois m’empresser de clamer que c’est une profession exigeante, mais enthousiasmante. Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est le plus beau métier du monde, mais je dois témoigner que j’ai rencontré beaucoup de professeurs heureux et que je ne regrette rien, même pas ces moments difficiles: ça forme le caractère!

Joseph va en voir des vertes et des pas mûres avec ces 33 gaillards. Il ne se laissera pas faire, mais sera très heureux de voir la direction intervenir d’une façon radicale, unique dans les annales du Collège, à ma connaissance.

J’ai retrouvé le cahier de conseils de classe de cette 4LM où on relate une réunion de parents exceptionnelle dirigée par le Recteur et le Préfet des Etudes. La plupart des parents sont présents. La discussion est franche mais tendue: les parents sont bien conscients des problèmes posés par leurs fils, qui sont loin de ramener des résultats encourageants. Tout se tient. Ce soir-là, Mme Fettweis (dont le fils aîné, frère de notre Christophe, est 1er de classe) me reproche de donner des punitions bêtes, du genre «calculer 1732». Je lui réponds aussi sec que ma méthode marche: pour moi, c'est l'essentiel! On est tous à cran ce jour-là.

En clair, personne ne voit de solution. Le père Recteur va alors sortir de son chapeau une solution miracle: le père Alexis Smets – homme discret et cultivé, non affecté à l’enseignement à cette époque, mais membre de la communauté locale –  va prendre la moitié de la classe pour les cours de Joseph Ruwet, qui pourra survivre jusqu’au 30 juin dans de bien meilleures conditions. Et ce sera tout profit pour l’ambiance du groupe. Voilà une solution qui est aujourd’hui impensable. Certes, les autres professeurs de la classe tireront le gros boulet jusqu’à la fin de l’année, mais je crois qu’il était impossible de faire mieux.
D'après des gens bien placés pour en témoigner, il n'y avait que 2 profs qui n'étaient pas chahutés: André Beaupain et moi. Un vrai tour de force pour André qui n'avait qu'une heure par semaine avec eux. Il n'enseignait à cette époque que la géographie, mais dans toutes les classes.

Quand on parle entre profs de cette classe mémorable, on cite simplement le nom du premier par ordre alphabétique: Thierry Baclin (photo ci-contre, à droite),  et tout le monde sait de quoi on parle. Bien entendu, tous ces  galopins n’étaient pas de futurs bandits (aucun, d’ailleurs). Il y avait même sur ces bancs Manu Chaumont (à gauche, à 14 ans puis à 15 ans: quel changement!), actuel professeur d’éducation physique; c’est vous dire…

A côté de ces cours difficiles, entrer en 4LG est un véritable charme, à coup sûr un des meilleurs groupes que je rencontrerai au Collège. Comme par hasard! Ceux-ci vont même accepter une heure de maths en plus, sur le temps de midi du de-lannoy-necro-nn.jpg
 v
endredi, et ils seront tous là chaque fois: je les ai convaincus que le programme (de maths modernes) était trop lourd pour être vu en 3h, le temps qui nous était imparti. Il faut savoir que la direction avait le choix entre donner 3h ou 4h de maths par semaine et, réciproquement, 5h ou 4h de français (les fameuses heures à astérisque). A partir de l’année suivante, l’horaire de maths est passé au maximum et…inversement en français, dans toutes les cinquièmes et toutes les quatrièmes; c’était déjà le cas depuis longtemps à Saint-Michel. Avec le R.P. de Lannoy, on pouvait discuter.


Place Verte le 15 juin 2013

J’intercale ici un souvenir tout récent. Le vendredi 14 juin, je reçois via le présent blog un message de Roger Ortmans (4LG 1969-70, voir Souvenirs 8) que je n’ai plus vu depuis juin 1973, soit 40 ans! Il vient de lire mes Souvenirs 8 et 9 et, du coup, m’invite à venir prendre l’apéritif avec sa Rhéto (1973) le lendemain, au Vieux-Bourg!
Je n’en reviens pas. Mais j’hésite: je n’étais pas leur prof en Rhéto et ça va faire bizarre pour les autres Anciens et pour les autres profs invités… Et puis mes petits-fils viennent souper ce samedi. Et d'ailleurs, c’est un peu cavalier de m’inviter la veille! Les devoirs familiaux passent en premier, certes! Mais j'ai beau me persuader que je devrais décliner poliment l'invitation, l'envie de courir les rencontrer me tenaille; n'est-ce pas une occasion unique? Et puis le cœur a ses raisons…

Et voilà comment je me suis retrouvé le samedi 15 juin attablé place Verte avec une série d’Anciens que je ne reconnaissais pas, en tout cas pas tout de suite, et pas tous.
J’étais déjà perturbé par le fait que Jean-Marc Warnants n’était plus le plus grand, mais j’ai bien reconnu le détachement affiché par Jean-Philippe Hennen. J'ai profité de la ressemblance de Michel Dheur avec son père et la similitude de traits entre les Jacques (Philippe est pratiquement le jumeau de François-Xavier, notre doyen). J'ai retrouvé la figure enfantine de J.J. Letesson et son sourire avenant, la sérénité attentive 
de Roger Ortmans, l’attitude à la fois sympathique et conquérante de Georges Dumoulin, une sorte de timidité souriante chez Jean-François Schwaiger et l’art de passer inaperçu de Bernard Gille. J'ai découvert l'imposante et surprenante personnalité de Vincent Auvray, toujours l'air un peu absent, mais j'ai retrouvé avec bonheur le fin sourire narquois de Luc Benoît, la bonhomie d’Henri Neuray, le style conquérant de Robert Legros  mon voisin de table  et le calme olympien d’Albert Cornet. J'ai découvert la prestance de Jean-Pierre Latour, un rien détaché  ce n’est manifestement plus le nain de la classe , et j’ai trouvé Claude Hanet plus épanoui, sûr de lui. Quant à Pierrot Jamin, je le connais trop! Pour les quelques autres, panne totale de mémoire. Il est vrai que trois d'entre eux n'avaient jamais subi mon enseignement.

Sur la photo de groupe prise ce jour-là, je devrais maintenant tous les reconnaître: avant de noter les noms, je vais quand même demander confirmation à l'un d'entre eux!

Curieusement, je suis le seul prof présent (à l'extrême droite de la photo, la tête penchée). D'autres étaient-ils invités?


  Anciiens-Rh-73--O.JPG

Celui qui me tire l’oreille mais qu’on ne voit pas, c’est un ancien élève aussi: Jean Liégeois (54 ans), policier et maître-chien bien connu à Verviers (photo ci-dessous).

           STP82656.JPG
Je m'attendais donc à revoir seulement une bonne partie de la Rhéto LG de 1973 dont voici la photo officielle. 
1972-73-ddd-rheto-LG--charlier.jpg


1972-73: Rh.LG
- Au-dessus: Pierre Jamin,  Roger Ortmans,  
Jean-Jacques Letesson, Jean-Marie Depouhon, Jean-Paul Mauhin, Michel Dheur.
- 2ème rang : 
Robert Legros.Jean-Pierre Latour, Claude Hanet.
- Assis : Vincent Auvray, Jean-Claude Bertrand, Pierre François, R.P.Jean Charlier, M. Louis De Donder, Luc Benoît et  Georges Dumoulin,

Non, en fait les deux Rhétos étaient réunies. Se retrouvaient là aussi les rescapés de la fameuse 4e LM, que j'ai appelée « classe infernale » au début de ce chapitre. Evidemment, n'arrivèrent en Rhéto LS que les plus vaillants...  
L'apéro, sous un doux soleil trop longtemps attendu (printemps pourri en 2013), dura plus de deux heures, de quoi entendre Georges Dumoulin raconter par le menu – on n'est pas avocat pour rien – les frasques inattendues de ces jeunes gens 
« bien sous tous rapports ». Chaque histoire m'était confirmée par Robert Legros, toujours très carré dans ses affirmations.

J'ai ainsi appris que ces élèves de LG se croyaient mal aimés par le R.P.Buyle, qui leur reprochait un manque flagrant de maturité. Ils se plaignaient aussi du comportement d'André Beaupain, leur prof de géographie durant 6 ans! Il leur avait tenu un discours décourageant lors de son dernier cours, leur prédisant – leur souhaitant! – les pires catastrophes.
Je ne comprends pas cette attitude de mon collègue (presque idolâtré par certains élèves quelques années plus tard), mais je me souviens parfaitement de la déception de Roger Ortmans, un jour de juin 1973, me confiant son dépit d'avoir entendu André Beaupain exprimer des propos désabusés sinon hostiles. 

Ces braves (!) élèves le firent chèrement payer à mon collègue André tant le jour de la remise des bulletins que lors de leurs premières retrouvailles, 20 ans plus tard. La boîte à lettres de son domicile (sis à Ewèréville: «Ça ne s'invente pas, précisait Roger») était copieusement arrosée par les plus excités de ces garnements! Vous avez compris?...
Jean-Jacques Letesson, avec son air angélique, m'apprend que Jean-Marie Delobel ne le supportait pas: il se retrouvait régulièrement exclu de la classe; je lui ai  fait répéter tant ça me paraissait incongru.  

J’avoue que je n’ai pas tout gobé des propos rapportés: on a tendance à en remettre lorsqu’on parle du «bon vieux temps».

Luc Benoît, après m'avoir rappelé son nom, s'empressa de m'annoncer qu'il était devenu médecin, comme si c'était inimaginable pour moi. Si je ne l'avais pas déjà entendu dire, je crois que je serais tombé de ma chaise...
D'autres aussi avaient 
«bien réussi dans la vie», mais ils n'en parlaient pas, on n'était pas là pour ça.
Après le deuxième verre de vin blanc, n
ous avons reçu un coup de fil en direct du fin fond de la France. Benoît Fettweis 
– installé dans la région de Béziers – prenait des nouvelles du vin de son cru, généreusement offert pour l'occasion. Très apprécié, d'où un unanime "Meerci Benoît, meerci Benoît, meerciii!».

J'ai encore eu le plaisir de parler plus personnellement avec Albert Cornet, incontestablement un type bien, avant la photo traditionnelle. A 20h, il était plus que temps pour moi de regagner mes pénates. 

             
Je dois ajouter que je rencontre régulièrement Pierrot Jamin: nous faisons tous deux partie de la confrérie des Cliniclowns de Verviers (voir photo ci-dessous) 

            Clown Pyjama 2013                  


Petite anecdote: peu avant de quitter cette fraternelle assemblée, la place Verte, joyeusement décorée à l'occasion du jogging des enfants des écoles, vit deux bandes de jeunes Noirs1 s'affronter violemment: des Verviétois contre des envahisseurs liégeois. Ces derniers, sans doute surpris par le déploiement policier en cette journée festive, détalaient comme des lapins, sautant lestement les cordes délimitant le parcours, en direction de la rue du Brou. Il paraît que ces groupes d’adolescents n’en étaient pas à leur coup d’essai.

          Anciens-1973-place-du-Martyr-copie-1.JPG
Si mes renseignements sont bons, le souper des retrouvailles s’est très bien passé et s’est terminé par un (un?) pousse-café sur la place du Martyr.
Une réunion très pacifique: autres temps, autres mœurs!      
      
 

 Le quotidien Le Jour Verviers (pages locales de L'Avenir) relata ce fait divers sans mentionner une seule fois que ces jeunes gens étaient tous noirs de peau, ce qui était pourtant surprenant et bien visible: de l'antiracisme à l'envers!

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26 janvier 2008 6 26 /01 /janvier /2008 09:09

Les maths modernes

Depuis quelques années, le petit monde mathématique belge est en ébullition. Un certain M. Papy, professeur à l’ULB, secoue le cocotier et propose d’introduire dans le Secondaire une réforme pédagogique de dimension: c’est la vague du structuralisme qui atteint d’abord les mathématiques, en particulier les universités françaises. Mme Papy teste les idées de son mari dans un athénée bruxellois, avec un public volontaire (choisi?). La réforme serait idyllique, à les lire. Le premier manuel signé Papy est d’une beauté exceptionnelle: la présentation est de loin supérieure à tout ce qui existe sur le marché de l’édition scolaire. C’est cher, mais c’est beau. La publicité n’est pas en reste. Les recyclages largement subsidiés par l’État se font dans un luxe étonnant: il y a garderie d’enfants et gueuletons… Un conflit idéologique s’installe rapidement entre universités belges, mais les modernistes ont le vent en poupe et le problème devient politique! Papy se présente aux élections et devient sénateur socialiste: ça aide!

J’ai entendu le frère Ménandre de Saint-Michel, pionnier en l’espèce, affirmer aux parents médusés, lors d’une réunion d’information en septembre 1966,  que les maths modernes supprimaient enfin les échecs en maths… On sent bien qu’on n’y coupera pas, quoi que certains en pensent. Pour ma part, je suis sceptique, je pense comme mon prof de maths au régendat, M. Kassab. On croit penser quand on répète l’avis des gens qui vous inspirent confiance... Avouons que c’était difficile de juger avec si peu de recul. Ce qui inquiète surtout le petit monde mathématique, c’est de savoir ce qui viendra après la première année: il n’y a quasi aucun document à ce sujet. Il faut faire confiance aux promoteurs!

Notre inspection suit de près le mouvement en tentant de l’infléchir avec beaucoup de bon sens. Et comme nos voisins et concurrents de Saint-Michel se lancent dans l’aventure dès 1966, le Collège embraye l’année suivante. Je Francois-Ortmans-n.jpgvais donc préparer un tout nouveau cours peu aidé par les rares publications dans ce domaine. Mais je suis confiant, je me Cornet A 67suis bien préparé et je suis toujours un débutant, même en maths traditionnelles! Je m’apercevrai plus tard que la 6e A de cette époque est d’un très bon niveau (un seul échec sur 31 élèves). La tête de classe est exceptionnelle (Pierre François, actuel directeur du Standard, Roger Ortmans, Pierre Melebeck [à droite] et Albert Cornet en particulier), ce qui facilitera grandement mon travail, mais faussera peut-être mon jugement sur l’apport réel de cette nouvelle manière d’entamer le cours Melebeck-67.jpgsecondaire. Et puis, on est souvent plus proche du niveau des élèves quand on découvre une matière à peu près en même temps qu’eux, c’était mon cas.


Durant la fancy-fair, je suis chargé à brûle-pourpoint par le Recteur de rassurer un ancien élève (un Cornet qui doit être maintenant directeur à Chaudfontaine, je crois l’avoir reconnu à la TV ce mercredi 17/1/08), assez remonté contre cette innovation (il sort sans doute de l’université de Liège, qui fait de la résistance). Pour le convaincre, je me rappelle lui avoir dit que nous prenions juste ce qui nous convenait de ces nouveautés et l’avoir persuadé que nous n’étions pas des imbéciles, quoi! J’ai toujours un peu plus de culot quand j’ai bu un (1) verre!

A cette époque, nous ne sommes que deux profs de maths à donner ce nouveau cours, M. Héroufosse et moi, et Heroufosse-H-1978.jpgpourtant nous ne collaborons pas du tout, pas plus que pour les autres cours, du reste. C’est peut-être la différence d’âge, mais aussi le climat général, disons les coutumes. Professeur est d’abord un métier d’individus face à des enfants, tous différents, alors… Chez nous, un prof doit en premier lieu avoir sa personnalité, son originalité. C’est déjà différent à Saint-Michel, où certains professeurs collaborent davantage. Et si l’on interroge des collègues travaillant à l’école Albert Ier ( Don Bosco pour ceux qui l’ignoreraient), c’est tout autre chose.

Mais qu’en reste-t-il, de ces fameuses maths modernes qui ont fait tant de bruit durant de nombreuses années? Je crois que je peux dire rien sans risquer de me tromper beaucoup! Ont-elles fait des dégâts? Oui, en géométrie. Durant des années, on n’a quasi plus fait de raisonnement géométrique, disons plutôt raisonnement avec des figures géométriques comme support. Les profs ainsi formés se sentent donc très mal à l’aise dans ce domaine et ont tendance à éviter eux-mêmes ces cours pourtant si formateurs: ils reproduisent sans le vouloir les défauts de leur formation. Mais il y a peut-être des aspects positifs que je ne perçois pas bien.

Mai 1968

Vincent-Crevecoeur-et-Ddeur-mai-1967.jpgJacques Florence a bien travaillé auprès du recteur Nachtergaele: il aura sa salle de gymnastique. La démolition du préau commence déjà en mai 1967 sous les yeux effrayés ou émerveillés des élèves, des Pères et des profs laïcs (voyez la photo ci-dessous prise devant la préfecture de discipline).
Cet endroit restera toujours appelé le préau, même lorsqu'il sera complètement fermé.
Ce sera surtout sous le rectorat du père Misson que nous verrons les transformations évoluer
. Les photos ci-jointes montrent l'évolution des travaux, en 1967 et 1968.

BB--pr-au-disparu-1967-5-18.jpg

BC4-pr-au-poutrelles-68-20-6.jpgLe mois de mai 1968, mois de Marie, commence par un grand événement au 18 de la rue de Rome. College-4-bis.jpg






Le samedi 4, le R.P. Misson inaugure la première salle de gymnastique digne de ce nom au-dessus du préau, le long du chemin de fer. Hall-I-2.jpg«Une fois de plus, le Collège est à la pointe du progrès», proclame-t-on dans la plaquette du 150e! Je crois comprendre pourquoi cet événement ne m’a pas tellement marqué, même s’il était colossal pour le petit monde de SFX. La télévision nous braque pour plusieurs semaines sur les événements parisiens. C’est désormais le seul sujet de conversation à l’intérieur comme à l’extérieur du Collège.
Sommes-nous bien informés, la presse n’exagère-t-elle pas ces événements? Wait and see Pas pour M. De Donder, qui n’hésite pas à aller jusqu’à la Sorbonne un week-end du mois de mai: il vivra de près les fameuses assemblées libres! Il faut dire qu’il n’a peur de rien; en son temps, il est allé sans prévenir frapper à la porte de l’écrivain François Mauriac, qu’il admirait beaucoup. Il fut reçu et lui confia à cette occasion s'être fait exclure du Séminaire pour avoir lu en cachette du… Mauriac! Ce célèbre romancier, classé dans les grands écrivains catholiques, se contenta de hocher la tête de dépit en lui disant que cela ne l’étonnait pas: on croit rêver!

Les premières conséquences visibles de cette lame de fond contestataire qui existe dans bien d’autres pays que la France ne descendront les escaliers de la rue de Rome qu’un an ou deux plus tard. En commençant par des décisions aussi symboliques qu’inutiles: suppression des estrades avec l’accord actif du père Dedeur et tentative avortée d’imposer le tutoiement généralisé entre collègues, en particulier avec les jésuites. Le ton avait été donné par le recteur Misson lors de sa deuxième année de directeur (j'étais à ce moment au service militaire).

En attendant, l’année se termine sur un bon gueuleton dans le réfectoire à côté de la salle Boland: communauté, corps professoral et conjoints réunis. Les jésuites savent recevoir et se montrer accueillants: le père Ernotte (ci-contre) ff-66-F.jpgprouve à nouveau qu’il sait être un voisin de table charmant. D’ailleurs, quand il vient en paroisse, c’est un autre homme. Maman le portait aux nues.

L’ambiance est tellement festive qu’elle se prolonge pour quelques-uns au café de l’Europe, place Verte. Nous sommes une bonne dizaine, surtout des jeunes, mais aussi le R.P. Baumal et son copain de classe Louis De Donder, déjà un peu entamé.

Le lendemain, je suis appelé chez le Recteur: le retour de Louis s’est mal passé. Il a dû être aidé par le père Baumal pour gravir la… rue de Rome. Et sa rentrée au bercail a laissé des traces! Le Recteur – ancien élève de De Donder à Godinne! – n’a pas apprécié. Passant le lendemain par l’école pour régler des problèmes administratifs, je suis appelé chez lui: il me rend solidairement responsable du scandale de la veille. Je n’accepte pas: «Enfin, Père, ce collègue a l’âge de maman… N’exagérez pas mon influence.» Je le quitterai pour un an sur une sentence très jésuite du genre «responsable mais pas coupable».  Quant à mon ancien prof d’histoire et néanmoins collègue, il en sera quitte pour un blâme (ce n’est pas rien), à en croire les cancans de l’époque; je n’ai jamais osé lui demander confirmation!

La communauté jésuite en 1969

[voir dans Souvenirs 12 et 56 ce que la Communauté est devenue en 1974 et en 1994]

Voici,
en quelques chiffres, la Compagnie de Jésus en l'an 1968. Le préposé général est alors le R.P. Pedro Arrupe, né en 1907.
Arrupe-Petrus.-general-.jpg
 
Monde: 34.762  (stable) dont 8.263 scolastiques ( 9%);
 
Belgique francophone (et Luxembourg): 667 ( 2%) dont 184
     scolastiques (
10%).

Le nombre de jésuites dans le monde est encore énorme
, mais les effectifs des scolastiques sont en chute libre: 10% en un an! C'est dramatique!
La catastrophe doit être la même dans les autres familles religieuses.
Catalogus 1969
Ci-dessus, la couverture du catalogue des jésuites de la Province dont le Collège dépend.

Catalogus-Verviensis-1969-A1.jpg






Verviers se trouve dans la Province Belge Méridionale (PBM), dirigée par le R.P. Philippe Franchimont, né en 1925.
Voici la liste des membres de sa communauté (début d'année 1969).


Je tiens ce précieux document de Marcel Lepièce, toujours prêt à faire plaisir. Tout est en latin, bien entendu. J'ai demandé de l'aide à Philippe Dejong, jadis du sérail, pour comprendre certaines abréviations. Il reste quelques inconnues...


Catalogus-Verviensis-1969-A2-.jpg







Misson est alors recteur et directeur depuis le 30 juillet 1967. Il s'occupe de pastorale familiale et confesse. Je crois bien que ACI signifie "Action Catholique des Indépendants". Il va terminer un mandat de 2 ans de recteur (c'est court) pour devenir vice-provincial.
Catalogue-69-Smets-.jpg Catalogue-69-Misson-J-.jpg
Alexis Smets est ministre et s'occupe de la santé de ses confrères et de leur ravitaillement (les commissions). Il est aussi préfet spirituel des maiores alumnis (grands élèves = cycle supérieur). Il a aussi la fonction de consulteur, autrement dit il est membre du conseil de la couronne, le Kern comme diraient nos Excellences belges.


Catalogus Verviensis 1969 A3




Dedeur est économe,
sous-ministre (Submin.) et chapelain ... (je ne sais plus!).  Bodaux est préfet des études adjoint (adiunctus), aumônier (ou délégué) - Mod - de l'association des anciens élèves (exalumn.); il s'occupe aussi de la croisade eucharistique des aveugles (caec.), confesseur à l'église et consulteur (Cons.), c'est-à-dire faisant partie du conseil de la couronne depuis 1961. Boulanger est opéraire (Oper.) c'est-à-dire qu'il s'occcupe d'oeuvres (mais lesquelles?).   Fafchamps (Cur. ag. paup.) s'occupe des pauvres. Georges Doutrelepont Catalogue-69-Fafchamps-57.jpg crevecoeur-b-69--mai-1967.jpg (né en 1899), confesseur-maison, n'a rien à voir avec son homonyme Jean-Marie, un Verviétois qui viendra bien plus tard comme Recteur.

 



Catalogus Verviensis 1969 A4


















Le R.P. Ketels est un confesseur très lent: pas beaucoup de succès. Il s'occupe aussi des pauvres. Catalogue-Fraikin-Marcel.-69-jpg.jpg Catalogue-69-Ketels-57-58.jpg Catalogue-69-Gurny-58.jpg Catalogue-69-Van-den-Bossche-58.jpg

Catalogue-69-Hullebroeck-57.jpg Catalogue-69-Vincent-1967.jpg Catalogue-69-Longree-1974.jpg
Geo Longrée est préfet spirituel du cycle inférieur (min. alumn.). Il est responsable des cadets, d'oeuvres missionnaires, etc. Il est aussi confesseur des élèves. Il s'occupe aussi des équipes Notre-Dame (END) pour adultes. Quant à MEJ, j'en ignore la signification.  

Léo Rinen, de la Province d'Afrique centrale (Afr. C) est prof de religion en 4 lat.A et B, et surtout responsable du cinéma éducatif, tandis que Pietje Van den Bossche ne s'occupe plus de distraire les petits élèves (voir Souvenirs 4), mais bien d'oeuvres de charité, il traîne souvent dans le couloir de la salle des profs, devant les parloirs, l'air un peu égaré. A ce propos, je me souviens d 'une anecdote rapportée par M. Martiny. Comme il n'arrivait pas à rencontrer le recteur Nachtergaele, il lui avait dit: "Je sais ce que je vais faire: mettre un chapeau de femme et l'attendre dans un parloir...". 
Jacky Vincent est préfet de discipline, s'occupe de pastorale familiale et du club de basket (aumônier) et encore d'autres choses...
En dernière position - ce n'est qu'un Frère! - on voit Gérard Hullebroek, le plus verviétois des Flamands, adjoint à l'économe, chargé de l'organisation des cérémonies religieuses et de l'entretien de l'église du Sacré-Coeur.

Attention, voici les maîtres!


Catalogus Verviensis 1969 B









Catalogue-69-Baumal.jpg Catalogue-69-Capelle.jpg Catalogue-69--Buyle.jpg







catalogue-69-Ernotte.jpg catalogue-69-Frepont.jpg Catalogue-69-Van-der-Biest-66.jpg



























Doc.
(docere: apprendre) signifie professeur.
Van der Biest, professeur de 6 lat.A, préfet de la (ou préposé à la) bibliothèque des élèves, aumônier des Routiers et des Scouts, mais aussi consulteur et
surtout admoniteur (Admon.), c'est-à-dire que c'est le seul à pouvoir dire au Recteur ses quatre vérités. Les jésuites ont tout prévu, même le type qui a le droit d'engueuler (il ne faut pas avoir peur des mots) le chef!
Mais pourquoi n'y a-t-il aucun scolastique cette année-là? Aucune idée.



Que de changements!

Parti pour 12 mois de service militaire, je suis réveillé un dimanche de permission de mai 1969 par… le père Misson. Il vient me faire signer ma promesse d’engagement à horaire complet. Bonne affaire, je n’hésite pas: c’est ce que j’espérais. J'en saurai gré au R.P. Misson, qui a pensé à moi peu avant de quitter le Collège définitivement. Un peu plus tard, je vais devoir démissionner à Saint-Michel: le syndicat m’apprend que je suis nommé d’office pour défaut d’engagement écrit! Sans cet acte officiel, mon remplaçant, Michel Bouchat, plus ancien que moi dans l’école, risque de devenir mon intérimaire pour les 6 heures que je donnais…

 

Durant cette année passée sous les drapeaux, deux nouveaux collègues, inconnus au bataillon, ont débarqué rue de Rome: Jean-Marie Delobel et Luc Peeters . Ce ne sont ni des Peeters-Luc-1970.jpgVerviétois ni des Anciens. Je vois Delobel pour la première fois fin août 1969, juste avant la rentrée.

Il me fait une grosse Delo-Debelle--1970.jpgimpression. Voici comment je décris cette première rencontre lors du discours écrit pour ses 50 ans, 25 ans plus tard: «Tu avais alors la pipe conquérante, le ton paternaliste et l’air très satisfait. Quand je suis rentré chez moi, j’ai dit à ma femme: je viens de voir Delobel, le nouveau titulaire de Poésie. Quel type, quelle assurance! A mon avis, c’est un prof qui a bien 10 ans d’ancienneté; il revient sans doute des colonies…» Jean-Marie est en fait 6 mois plus jeune que moi et il vient de terminer sa première année d’enseignement! Il n’a pas fini de m’étonner. Luc Peeters, je le verrai à peine cette année-là: il part à son tour accomplir son devoir civique.

Beaucoup de changements secouent ce bon vieux collège. Le père Misson est promu Vice-Provincial, fonction créée exceptionnellement – on tâchera de comprendre pourquoi – et laisse la place au père Norbert Capelle (la photo ci-dessus date de 1968) que nous apprécions beaucoup. Celui-ci sera aidé par un nouveau jésuite, qui prend la fonction de Bodaux et qui dégage un parfum d’autorité et d’expérience. Le R.P. Antoine de Lannoy, comte et ancien recteur de Mons, sera un véritable préfet des études.

J’allais dire le seul que j’ai connu en 38 ans d’enseignement!

Le père Jean Charlier très vite surnommé "la Belette" ou "le Furet" selon les jours , déjà passé rue de Rome comme jeune titulaire de 5e quelques années plus tôt, revient par la grande porte pour s’imposer, malgré sa discrétion naturelle, comme vigoureux titulaire de Rhéto. Son alter ego sera le père Debelle, qui m'a toujours donné l'impression d'être un sombre Sicilien un peu égaré dans l'enseignement. Nous allons aussi découvrir le père Alexis Smets comme préfet du Spirituel avec le père Georges Longrée (que de préfets!). Smets est un homme discret à l'air perpétuellement préoccupé.


Ruwet-1974.jpgArnould-J-69.jpg




Lepiece-debut.jpg




 












 Gillot-J-69.jpg
 , 

Dethier-MF-massacre.jpg

 





 


 


 

 

 

 



Plusieurs jeunes collègues laïques débarquent au même moment: Marie-France Dethier (première femme au Collège, un véritable événement), Jean Arnould,
Joseph Ruwet, Marcel Lepièce et Jean Gillot. Rien que du beau monde.

Si vous ajoutez à cela le «retour» tant attendu de la section Modernes – 
disparue au Collè
ge en 1919 –,vous comprendrez pourquoi j’ai souvent l’impression que le Collège est né en septembre 1969.


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19 janvier 2008 6 19 /01 /janvier /2008 15:51
Des problèmes de recrutement

                                                 Carbin-67-68.jpg                                                                                  Teller-Marcel-Creppe--Dumont--Baijot--XXX1967-1968.jpg                           

Nos rapports avec le Primaire – qui bénéficie d’un très bon recrutement – sont très faciles même si le chef d’école, Armand Plumhans, n’est pas l’homme conciliant qu’on pourrait espérer à cette fonction. Je trouve d’ailleurs que le travail des instituteurs est franchement excellent: les élèves qui nous viennent du Collège ont une formation remarquable qu’on ne retrouve pas souvent ailleurs. On comprend mieux l’utilité de l’examen d’entrée imposé aux écoliers d'autres écoles et les cours de préparation en analyse donnés à cette occasion.Pub-ancienne-verso-Latines.jpg

Les photos ci-jointes montrent quelques instits de cette époque.
                                 Poumay-Merveille-Bruno-67-68.jpg




                                  Legrand--Jean-marie-Coibion-Jansen-67-68.jpg
                                    Arnold--Jean--Godin--Moyano-Franco-67-68.jpg



                                        Mineur 1967-68


    Pub-ancienne.jpgLe père Jacques Misson  prend à bras le corps le problème du recrutement en Humanités. Il faut arrêter l’hémorragie. Son analyse sera implacable, on s’en apercevra après coup. Si le Collège se modernise petit à petit du côté des infrastructures, les raisons d’une certaine désaffection du secondaire ont deux causes, à son avis: la faiblesse de l’offre d’enseignement – on ne propose que des Latines, donc beaucoup de nos élèves du
 Primaire doivent nous quitter en fin de cycle ­– et la réticence des responsables des écoles primaires extérieures à nous envoyer leurs élèves. On traîne comme un boulet la réputation d’élitistes qui colle à toutes les écoles jésuites.

                                                                 Scholzen--H-1969.jpg                                                                                                                                          Alard n



Le R.P. Misson va donc provoquer une grosse réunion des instituteurs en chef des écoles catholiques de la région verviétoise avec nos titulaires de 6e Latine. La pierre d’achoppement, expliquée ardemment par M. Chaballe de Spa, c’est évidemment l’examen d’entrée, pris comme un camouflet par les gens de l’extérieur. Cet examen et sa préparation faite par Carbin-1ere-bis.jpgM. Martiny seront donc supprimés au grand dam des professeurs de 6e de chez nous. On ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs!

Pour obtenir l’ouverture de la section Modernes, ça n’ira pas tout seul, le père Misson doit convaincre les instances diocésaines et tenter d’amadouer les écoles catholiques de garçons qui ont des Modernes dans les environs: Saint-Michel et Saint-Roch à Theux. Le débat ­–  le combat? – ­ aura lieu en deux temps: d’abord l’ouverture du cycle inférieur, puis rebelote 3 ans plus tard, si tout va bien, pour le cycle supérieur. En pratique, le corps professoral est tenu à l’écart de ces négociations, au moins pendant 2 ans. Aucune structure de participation n’est encore mise en place.

Personnellement, je trouve le nouveau recteur plus proche des professeurs. Il me fait immédiatement comprendre qu’il compte sur moi pour les années futures. Il me confiera même qu’il souhaiterait le départ de mon collègue en maths Henri Héroufosse, qui est pourtant loin de l’âge de la retraite. Je suis plus que surpris de sa confidence. L’année suivante, ce collègue se verra proposer un temps plein au jury d’homologation à Bruxelles (voyages en 1re classe), qu’il prendra avec satisfaction et jusqu’à sa pension, même si ce poste ne donne pas droit à nomination définitive. Tout le monde sera content: promoveatur ut amoveatur!

Mais à l’époque, tout ça est inimaginable, je reste donc légitimement inquiet, d’autant que mon service militaire a été retardé à mon corps défendant et que nous sommes mariés depuis le 1er avril 1967!

A la rentrée de septembre 1967, il n'y a plus qu'une seule Rhéto dirigée par le père Norbert Capelle, qui nous revient après 5 ans de formation ailleurs. Lors de sa précédente Rhéto au Collège (en 1962-63), il dirigeait les frères Gillot!

Un certain Ch.Guerdon (aucun souvenir) dirigera quelques jours la 2e L-S reprise définitivement par le jeune Etienne Laroche (voir Souvenirs 6).  

A cette époque, les leçons particulières ne sont pas à dédaigner. Moi, je me fais payer 80 FB l’heure. Je crois que c'est bon marché.
                                          Collings-JM-67nn.jpg



En 4e Latin-Grec, j’ai comme élèves Léon Ernst , futur collègue, et François-Xavier Jacques
(à droite de Serge Boyens, Lambermontois décédé avant l'âge de 25 ans), qui sera un jour curé de Lambermont puis curé-doyen de Verviers. Je donne cours aussi à Jean-Marie Collings en 4e Latin-Math qui deviendra un éphémère collègue                     .Jacques-et-Boyens.jpg

Le repas chaud

 

Alfred Cormann, par exemple, qui fait la navette entre le Collège et Sainte-Claire                                   .Cormann-Alfred-1978.jpg Charles Creton parle d’abondance, il n’arrive pas à boire sa soupe chaude. Il lui arrive souvent de pester contre sa direction (M. Plumhans) et surtout contre ses collègues Poumay et Dechêne qu’il appelle par dérision «les grands chrétiens».                                                        Creton-57.jpg

M.Creton, qui saura se dévouer sans compter pour ses élèves et pour le club de basket du Collège, commence un peu à perdre la tête. Il se met du cirage noir sur le crâne pour faire croire qu’il n’est pas tout à fait chauve! Je n’ai pas envie de rire quand je vois ce naufrage: il terminera lamentablement son existence dans un institut psychiatrique.

M. Martiny reste avec nous après avoir consommé son potage; la conversation est souvent animée. Juste avant de quitter ce petit réfectoire, il prend une tranche de pain ou deux s’il en reste et les met dans sa poche: ça ne vaut pas la peine d’acheter un pain, me confie-t-il, je mange si peu! Curieux homme – éternellement en train de corriger ses quarts de feuilles –,  que je craignais tant quand j’étais son élève et qui me paraît si gentil, si fragile,  mais parfois tellement radin. Il m’a confié que l’année où je l’ai eu comme titulaire de 6e latine était le plus mauvais souvenir de sa carrière. D’une part, il était convaincu que, pour rester professeur, il était obligé de commencer ses études de régendat, à 37 ans! D’autre part, et ça l’avait beaucoup affecté, c’est la seule fois où il n’a pas eu de cadeau de la part de ses élèves: j’étais un peu gêné! Martiny et De Donder (5 ans plus âgé) forment un couple indissociable dans l’esprit des élèves et surtout des parents, qui s’imaginent naïvement qu’ils sont interchangeables, comme Dupont et Dupond. Ce sont de vrais piliers du Collège, à coup sûr, mais ils sont très différents. Malgré leur proximité d’âge, leur relation quotidienne et leurs élèves communs, ils se vouvoieront toute leur vie, tout en trouvant d’ailleurs cela ridicule, ils me le confieront chacun séparément. Ils n’oseront jamais se montrer leurs atomes crochus fondés sur une passion commune pour la culture et l’enseignement: dommage! Evidemment, leur vie de célibataires, vieux rats de Collège pas vraiment assimilés, ne les poussera pas à partager. Des caractères très différents qui n’auraient pas fait bon ménage!

C’est vrai qu’on voit rarement un sourire féminin dans l’enceinte du Collège. Il y a bien cette dame (Mlle Wintgens ), qui s’occupe du cinéma avec le père Frépont surnommé Buta comme Butagaz (on peut deviner ce que les élèves ont voulu dire...) , mais Melle Wintgens est presque une caricature tant elle est maquillée et semble précieuse. Notez que ça ne nous choque pas de voir si peu de filles,  on n’a jamais connu que des écoles de garçons et on n’imagine pas que la mixité puisse arriver dans le libre verviétois. En fait, la question ne se pose pas.

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17 janvier 2008 4 17 /01 /janvier /2008 10:24
Un recteur en clergyman

Comme prévu, le père Nachtergaele qui vient de terminer son mandat de 6 ans est remplacé le 31 juillet, jour de la Saint-Ignace. Gros événement qui ne se passe habituellement qu’une fois tous les 6 ans. C’est le père Misson, professeur dMisson-J-.jpge Rhétorique, qui prend les rênes de la communauté et Misson-rh-64.jpgdu Collège. C’est un homme jeune, souriant, très actif, rigoureux, travailleur mais parfois un peu pressé. Avec lui apparaissent les premiers clergymen du 18 de la rue de Rome: ça change! Quelques jésuites, souvent les plus âgés, garderont leur soutane encore très longtemps. Quand le Recteur entre à la salle des profs, on ne se lève plus…

Malheureusement, la rentrée en sixième Latine n’est pas bonne et le nombre d’élèves des Humanités continue à baisser dangereusement. On est à peu près à 250 élèves dans le Secondaire : on a perdu 50 élèves en 4 ans! Fin août, le père Vincent, qui note l’évolution des inscriptions au jour le jour et d’une année à l’autre, est plutôt pessimiste. On sent l’inquiétude se répandre dans le corps professoral.

Capelle-62.jpgLe Recteur précédent, toujours de bonne humeur, ne m’a laissé quasi aucun espoir de nomination au Collège; il me dit franchement qu’il verrait bien l’engagement d’un licencié de plus: j’ai compris, il faudra aller voir ailleurs dans quelque temps. Mais pour cette année, je peux compter sur 4 heures supplémentaires en 6e latine A, Martiny-Jacques-72.jpgchez M. Martiny. Cela me permet de diviser par deux ma charge de surveillant à Saint-Michel (9h au lieu de 18h).



L’ambiance dans le corps professoral reste toujours très bonne. Je découvre deux nouveaux jésuites fort sympathiques: Norbert Capelle qui fait son grand retour comme titulaire de Rhéto et Jacques Buyle en troisième.




Capelle-Hoffer-68.jpg


Incontestablement, c’est un plus pour le Collège, on s’en apercevra bientôt. 

Beaupain-Buyle.jpg











Arrive aussi un jeune jésuite, le père Laroche, qui deviendra titulaire de 2e Latin-Sciences. Il restera le temps de sa "régence": 2 ans.
Bonne nouvelle aussi du côté des jeunes laïcs: Maurice Hoffer, parti faire son service militaire, est remplacé par deux copains:
Jean-Michel Kroonen [ décédé en 2010, messe de funérailles dite par le père Vincent Klein à l'église Sainte-Thérèse d'Andrimont ], Laroche-Kroonen-1967.jpgqui habitait mon quartier, licencié en chimie (horaire complet dans le cycle supérieur en prenant beaucoup de maths); 
et surtout Raymond Mackels, licencié en maths (avec lequel j'étais parti en vacances en stop en 1964), qui donnera les 6h de Rhéto. Le reste du temps, il le donne aux Saints-Anges où il découvre dans une de ses classes…l’âme sœur!


Capelle-Norbert--Doyen-Mackels-L-Grand-1967-68.jpg

Ces 6 heures de cours m'avaient d'abord été proposées. Le Recteur m'en avait parlé, mais sans insister, il savait que ce n'était que pour un an. Mais Mme Grand, présidente de l'Association de Parents, était revenue à la charge, lourdement. Et elle paraissait avoir une grande influence au Collège: elle parlait avec tant d'assurance!

Dans le fond j'étais flatté et en même temps étonné: j'avais donc une si bonne réputation?
J'ai refusé prétextant que ça me donnerait beaucoup de travail de préparation pour un cours faible (ça faisait un peu prétentieux!) que je ne donnerais finalement qu'une seule année dans ma vie. Le vrai motif n'était pas celui-là du tout: je manquais manifestement de confiance en moi à cette époque et je craignais très fort l'inspection: n'allais-je pas mettre l'homologation des diplômes des rhétos en danger?
J'étais vraiment très naïf: quand j'y pense...


Un coup de force

Le Collège baigne-t-il alors dans la sérénité pédagogique tant espérée de nos contemporains? Pas du tout. Lors de la première réunion de professeurs de l’année, le 7 septembre 1967 exactement, nous sommes tous là pour la venue du père Gonsette, Préfet général des études pour les collèges jésuites de la Province méridionale belge (ça en jette!).

Nous discutons ardemment à propos du nombre d’échecs jugé excessif. Déjà! On entend évidemment les commentaires habituels sur le désintérêt croissant des élèves qui, dit-on, ne travaillent pas beaucoup et ne pensent qu’à s’amuser. Evidemment, la régularité dans le travail n’est guère encouragée, tout se joue à l’examen : en pratique, la part du travail journalier (le fameux TJ) ne représente que 20% de la note globale, donc les examens décident de tout. C’est une pratique que j’ai toujours connue comme élève et qui, à mon avis, est générale dans notre bon petit royaume. C’est sans doute une loi ou un arrêté ministériel. Nonobstant, la question est posée au conférencier: pourquoi ne pas attribuer 50% au TJ? Oui, pourquoi? Le père Gonsette semble coincé. Ce n’est pas le genre d’homme à fuir ses responsabilités. Et il répond après un temps de réflexion: aucun règlement ne l’empêche! On se rue dans la porte entrouverte et on arrache cette décision capitale – révolutionnaire à nos yeux – en un clin d’œil! Dès ce moment, et pour longtemps, nous déciderons des passages de classe à partir de cette nouvelle manière de noter les élèves. Et nous ferons école. Nous sommes un Collège pilote sans le savoir …

C’est ainsi que ça s’est passé: vrai de vrai !



Le conseil de classe des années 60-70

Le conseil de classe est une institution qui n’est pas toujours prise au sérieux, il faut bien le dire. D’ailleurs, dans de nombreuses écoles, il est purement théorique. Les réunions ne se font que sur le papier! Chaque professeur à temps plein a droit à une heure de conseil de classe dans son horaire (qui tombe quasi inévitablement dans sa plage), attribuée à une classe déterminée. Pour chaque classe, un de ces professeurs est réputé «directeur du conseil de classe» et, pour cette charge supplémentaire présumée, reçoit encore une heure. Donc, chaque classe a son conseil de classe administratif avec un directeur qui n’est pas toujours le titulaire, puisqu’il faut un horaire complet pour bénéficier de cette «attribution».
Au Collège, les réunions qui durent une heure par semaine et ont lieu en général le vendredi à 16h se passent au réfectoire des élèves, près de la salle Boland. Si la direction le souhaite, elle organise alors une réunion commune. Elle profitera surtout de ces moments pour faire passer les informations qui sont habituellement transmises oralement, le système des casiers instauré à Saint-Michel n’a pas encore traversé la place Verte. Bien souvent, nous aurons des conseils de routine. Si c’est la semaine des bulletins de quinzaine, certains en profitent pour calculer les moyennes et transmettre les résultats au titulaire, seul scribe autorisé à remplir les documents. D’autres attendent la fin de l’heure en bavardant agréablement avec des gens de bonne compagnie.
Pour le vérificateur, nous sommes tenus de consigner l’objet de ces assemblées dans un cahier réservé à cet usage. Ce sont les fameux cahiers cartonnés qu’on utilise encore pour les délibérations.
Remarquons que les réunions de parents, déjà longues à l’époque, comptent pour un conseil de classe ou deux, de même que toute réunion pédagogique organisée en dehors des heures de cours. Ces semaines-là, le conseil de classe est supprimé.
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9 janvier 2008 3 09 /01 /janvier /2008 17:06
Le 18 de la rue de Rome

  Je viens de retrouver dans les archives du Collège les calendriers scolaires (photo ci-dessous) qui me permettent de dire que le 16 est devenu le 18 de la rue de Rome durant l'année scolaire 1953-1954 ou, au plus tard, durant les grandes vacances: on a numéroté l'église du Sacré-Coeur! Pour moi, ce n’est pas le seul changement.

1. Le grand retour dans mon Collège

Mon régendat en math (physique et sciences économiques) terminé, je cherche immédiatement du travail en commençant par téléphoner au collège Saint-François-Xavier: il paraît qu’on cherche quelqu’un en math. Le père André Nachtergaele (dit Nach), Nach 57devenu recteur, regrette: je suis mal informé, c’est le français qui est actuellement en déficit au Collège. Pas de chance, mais comme on n’est que fin juin, pas de panique. J’envoie alors mon curriculum vitae dans la plupart des écoles catholiques de la province de Liège. Aucune réponse positive avant de recevoir vers le 22 août 1966 deux émissaires du…Collège. Il s’agit du père Robert-n.jpgVictor Robert (dit Globule) et de Jacques Florence, professeur de gymnastique. Mais ils n’ont que 8 heures/semaine à me proposer. J’hésite; puis, le lendemain, je téléphone que je suis d’accord: un tiens vaut mieux que deux tu l’auras.Florence-J-68.jpg

L’entretien avec le père Recteur se passe sans problème. Il me pose quand même une question surprise: connaissez-vous des personnalités? Interloqué, je lui demande s’il veut parler de personnalités politiques. Aussi embêté que moi, il me fait comprendre sans vraiment me le dire (c’est un jésuite, tout de même) qu’il s’agit plutôt de notables qui pourront confirmer que je suis un type «bien». Je crois comprendre qu’il parle du domaine religieux et je lui cite les deux ecclésiastiques censés me connaître: mon curé de paroisse, l’abbé Pauchenne, et mon directeur d’école, le chanoine Lambrette. J’imagine qu’il prend là-bas les renseignements souhaités, qui ne sont pas trop mauvais, puisque je suis engagé le lendemain. Je n’ai pas le temps de savourer ce moment unique que je suis embrigadé dans un recyclage donné par l’inspecteur de math de la Compagnie… Jean Nachtergaele, son frère! Difficile de refuser. Je vais accompagner un autre professeur de math du nom d’Héroufosse: je dois le connaître, puisque je suis un ancien de la maison. Je détrompe le père Recteur, qui ne peut pas savoir que je ne le connais que par son surnom de Pia

 Fin août, nous arrivons à l'internat à Godinne: c’est en fait très agréable de rencontrer des profs de math de différents collèges jésuites de la Belgique méridionale. Le sujet du recyclage est «Les maths modernes». Comme je me suis intéressé plus spécialement à cette matière pour mon travail de fin d’études, je m’aperçois que j’en connais nettement plus que la plupart de mes aînés, mais je reste modeste, heureusement!

Deux jours avant la rentrée, je suis appelé à Saint-Michel pour 6h de cours en 1re Commerciale et, si la bonne rentrée se confirme, 18h de surveillance dès le 1er octobre. Je n’aurai pas le temps de chômer! La veille de la rentrée, je reçois encore un coup de fil de Saint-Roch (Theux): l’abbé Duysinx se demande si j’accepterais 5h de math en 3e Scientifique B et 2h de sciences. Je me présente sur-le-champ et lui avoue que je ne suis pas un aigle en sciences mais que les heures de math m’intéressent beaucoup. Il me dit alors que la décision finale appartient à son Conseil de direction, dans lequel se trouve un professeur qui accepterait ces cours, mais qui aurait ainsi un horaire hebdomadaire de 30 heures! Il ne me répondra jamais. Sollicité par mes soins, ce directeur m’apprendra laconiquement que le conseil de direction a préféré la solution interne!

Me voilà donc engagé à Saint-Michel (où on oublie de me faire signer mon engagement!) et au Collège, où on me confie la 4e Gréco-Latine et la 4e Latin-Math.

Je suis surexcité à l’idée de rencontrer les élèves. Et très fier d’être engagé chez les jésuites, mon ancienne école.

Je me souviens avoir été très bien accueilli rue de Rome. En particulier par les jésuites, qui sont encore nombreux dans l’enseignement. J’y retrouve aussi MM. Martiny et De Donder, qui ne m’ont pas oublié. Et je découvre quelques jésuites qui ne cesseront de me mettre à l’aise et de m’encourager. Je garde en particulier un excellent souvenir du père Baumal titulaire de la 4e LG, qui donne les cours de latin, grec, Baumal nfrançais et religion dans cette même classe. Il est à la fois exigeant et très compréhensif pour ses élèves. Son local de classe, comme sa chambre, est d’une propreté étonnante: il y veille jalousement. Amputé d’une jambe, il en souffre régulièrement, mais il reste d’un caractère serein et se montre d’une grande modestie dans les réunions pédagogiques malgré l’expérience manifeste de ce vieux serviteur de l’enseignement. Nous avons souvent parlé ensemble de nos élèves communs, pour lesquels il a une tendresse toute paternelle sous des dehors plutôt sévères. Ex-compagnon de classe de Louis De Donder, il subira avec beaucoup de bonhomie les taquineries régulières de celui-ci. Il est en outre passionné par le chemin de fer et il connaît l'horaire de tous les trains qui passent derrière le Collège, son endroit de prédilection pour y dire son bréviaire (voir photo ci-contre à droite).

Le second jésuite avec lequel j’ai beaucoup d’atomes crochus est le célèbre père Richard Dedeurwaerder (photo ci-dessous), communément appelé Dedeur. D’abord père Ministre, si je me souviens bien, puis Econome, cet homme bâti comme un chêne surveille régulièrement les études, chapelet en main. A force de le côtoyer, on détecte chez lui un souci du prochain et une grande générosité qu’il cache sous des dehors volontiers bourrus. Comme il est aussi confesseur à Saint-Michel, je le rencontre plus souvent que les autres. Tout en le respectant énormément, je suis rapidement devenu un de ses copains. Son seul petit défaut apparent est une curiosité assez répandue dans les couvents. Mais elle lui permet de connaître pratiquement tout Verviers, d’autant plus qu’il est aumônier à la clinique Peltzer, où il passe toutes ses nuits!

Evidemment, mes nombreuses heures de prestations à Saint-Michel ne me permettent pas encore d’apprécier à sa juste valeur la convivialité qui règne alors au Collège, partagé quasi équitablement entre primaires et secondaires. Les humanités comptent alors 11 classes, soit environ 260 élèves; la nouvelle section latin-sciences (5e et 4e Latin-Math dans l’inférieur) en est alors au niveau de la 3e.


2. La vie avec la communauté

Dès que l’on pénètre dans le couloir de la salle des professeurs, on se sent dans un établissement religieux. Le local actuel (2007) des photocopieuses est destiné au père Portier en-dehors des heures scolaires. Durant la journée, c’est M. Breuer qui occupe cet endroit; il sera remplacé quelques années plus tard par le méridional M. BoscBosc 1978. Juste à côté, il y a deux parloirs, puis un bureau. Le bureau occupé aujourd'hui (2007) par Sabine Simon est alors un petit réfectoire pour les laïcs. Le dîner chaud coûte 50 FB en 1966 et 60 FB 10 ans plus tard. Le bureau et la chambre du père Recteur se trouvent au fond du couloir. Evidemment, il n’y a pas encore de cloison pour couper ce couloir en deux, mais un écriteau bien visible affiché au milieu avertit le visiteur qu’il franchit la clôture. 

Chaque semestre se termine autour d’un bon repas, presque un festin, avec toute la communauté. Nous nous sentons un peu comme des amis de la maison, des invités permanents. Nous, profs et instits, sommes les collaborateurs laïques des jésuites.


SFX-communions--privees.jpg



Instits-Groupe-60.jpg

Chaque année, un mercredi après-midi du mois de mai, nous (les laïcs, à l'initiative de Raymond Gaillard) organisons et offrons une petite excursion touristico-culturelle, goûter à l’appui, aux différents membres de la communauté: c’est une manière de remercier les jésuites pour tout ce qu’ils nous donnent durant l’année. Ces sorties annuelles auront un réel succès jusqu’en 1977. Elles deviendront petit à petit un rendez-vous convivial pour la «grande famille Saint-François-Xavier». Je me souviens plus particulièrement de la visite guidée par le professeur Overloop – qui n’aimait ni les architectes, ni les prêtres en civil! – au château de Reinhardstein en 1973. Marie-France Dethier, dont c’était la première année d’enseignement défendra courageusement les confrères de son architecte de papa!Deweert 2010

Durant ma première année au Collège, je rencontre occasionnellement les pères Willy Deweert (à gauche) devenu écrivain et spécialiste du thriller religieux; le voici 44 ans plus tard sur la photo de droite) –   et Jacques Misson, tous deux titulaires de Rhéto, de même que les pères Frépont, Ernotte et Van der Biest.




Kruth-66.jpgLe R.P. Kruth est alors professeur de 3e et... inventeur. Il dépose des brevets pour un frotteur et une échelle de secours «escamotable». J’ai un peu plus de contacts avec le père Bodaux, qui assure très discrètement la préfecture des études. Une tâche pourWathelet-M-66.jpg semi-retraité à l’époque. Bien entendu, je vouvoie tous les jésuites et mes anciens professeurs devenus mes collègues; ils ne m’en ont d’ailleurs jamais dissuadé.
Daele-1965.jpg






Je ne connais ni Melchior Wathelet, ni Thomas Lambiet, ni Jean-Michel Daele, qui sont en Rhéto, mais bien le petit Jean-Claude Houssonlonge, auquel je donne cours en 4LM et qui deviendra mon collègue.Lambiet-Thomas-66.jpg

 Houssonlonge-66-67.jpg

 

 

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29 décembre 2007 6 29 /12 /décembre /2007 18:04

10. Les Pauvres

Le Collège avait, peut-être déjà, une réputation d’école bourgeoise, une école pour les enfants de cadres et de professions libérales, comme on dira plus tard. En tout cas, je n’ai jamais eu cette impression lorsque j’y étais élève. Je me souviens surtout qu’on nous parlait souvent des Pauvres et des Missions. Il arrivait d’ailleurs assez régulièrement qu’on fasse des collectes à leurs intentions. Les Missions, c’était à cette époque la grande affaire des jésuites, qui avaient à ce sujet un passé glorieux. Pour nous, c'était un peu Tintin au Congo. Petite parenthèse: j’ai l’impression qu’aujourd’hui, chez les bien-pensants, on entend plus souvent parler de prosélytisme que de missions: "Allez donc, enseignez toutes les nations ..." (Mt., 20: 19)
Quel tête-à-queue!
tintin-au-congo.jpg
Mais revenons à nos pauvres: que signifiait exactement ce mot dans la tête d’un enfant de Primaire? Difficile à dire. A ce moment, il n’était même pas imaginable d’inventer la notion de seuil de pauvreté – cette définition statistique permet de dire qu’aujourd'hui (en 2013), 15% de la population de notre pays vit sous le seuil de pauvreté! De toute façon, cette notion de seuil de pauvreté n'est pas compréhensible par nos chères têtes blondes.
Je crois qu'à 10-11 ans, je pensais d’abord aux mendiants mendiant.jpgque je connaissais quand nos instituteurs ou les jésuites nous parlaient des pauvres. En pratique, il fallait aider les pauvres, c’était le devoir d’un chrétien. Je crois bien qu’on était tous convaincus qu’il fallait leur donner de l'argent si on voulait aller au ciel.
Au Collège, on y insistait très fort alors qu’on parlait très peu des pays pauvres, plutôt appelés terres de missions. Les expressions Tiers-Monde et surtout Quart-Monde ont eu leur succès bien plus tard.

Je devais être en 5e primaire lorsque deux (je crois) grands de Latines vinrent dans notre classe pour faire la collecte traditionnelle (était-ce chaque semaine ou chaque mois?) pour les pauvres. Ce jour-là, je n’avais pas demandé à maman de me donner quelques francs. Mais, par hasard, j’avais été porter une commande à une cliente, madame Dubois, habitante de la rue Jean Jaurès à Ottomont, près du terminus du tram 5, que je prenais quatre fois par jour. Cette dame, qui commandait souvent par téléphone, avait prévenu qu’elle allait payer avec un billet de 100 FB. Maman m’avait donc donné l’argent pour rendre sur les 100 FB. Pour se faire une idée, il faut savoir qu’un pain d’un kg coûtait à cette époque 7,50 FB!
J’étais particulièrement gêné de n’avoir rien à donner à cette collecte si importante. Au fur et à mesure que le collecteur se rapprochait de mon banc, je sentais mes joues s’enflammer… Mon bon cœur (!) l’a emporté sur tous les raisonnements que ma petite tête pouvait faire à cette époque et j’ai royalement donné le billet de 100 FB! J’avais sauvé la face et même un peu plus… Je suppose que les organisateurs de cette quête ont été surpris en découvrant ce gros billet.

Le retour à la maison n’a pas été glorieux: la générosité avec l’argent des autres avait des limites. En fait, je le savais que cet argent ne m'appartenait pas. Et puis, on devait être généreux mais pas trop…

 
Mon ancien élève François-Xavier Destate (Rh.1971) m’a écrit tout récemment une anecdote qui montre bien à quel point les jésuites insistaient sur la générosité, surtout sur celle qui coûtait un réel effort.
 
Pour la Saint-Nicolas en première primaire, nous avions reçu un sachet garni de toutes sortes de bonnes choses (guimauve, etc.) mais le
père Nachtergael, préfet de discipline de l'époque, nous avait parlé des
pauvres et nous avait invités au partage ; moi, comme un gros
bleu, je lui rapporte mon sachet intact à la récréation ! Et
voilà qu'il me met sur les marches de la porterie, demande
l'attention de sa voix de stentor et, du haut de sa stature,
déclame mon nom et mon désintéressement : je ne savais plus où
me mettre mais maintenant  toute la cour me connaissait…

11. Fin des Primaires

De ma cinquième primaire, je garde peu de souvenirs. Je retiens d’abord que le premier jour de classe est un véritable jour d’enterrement pour moi: celui des vacances. D’autant plus que notre nouvel instituteur, M. Armand Plumhans (décédé récemment, le 6 mars 2007), n’est vraiment pasPlumhans-54-5-prim.jpg sympathique. Comme accueil, il nous impose d’étudier dans le livre d’histoire une page entière pour le lendemain; et chez moi, ça ne rentre pas. Je pleure de rage en constatant que ma mémoire est en panne. Manque d’entraînement? Cet accès de colère – péché capital, qui ne m’afflige plus aujourd’hui (j’en ai d’autres!) ­–  m’a repris au moins une fois à propos de l’étude du petit catéchisme: j’ai jeté celui-ci au mur parce que je n’arrivais pas à retenir par cœur les réponses aux questions imposées. Je suppose que j’ai avoué ce péché en confession.

En tout cas, je suis sûr d'avoir réussi puisque je viens de retrouver le diplôme de l'époque.On sait à peine lire les signatures: M. Plumhans pour les Professeurs et le R.P. Derouau pour le Recteur.

 

 

 

 

diplome-1955-5eme.jpg



En 6e, on a la double chance de retrouver M. Schreurs et de d
écouvrir un nouveau  préfet de discipline: le père Nachtergaele succède à Wankenne-la-Terreur. C’est un homme beaucoup plus rond, dans tous les sens du terme.Schreurs-6-Prim-SFX56-57.jpg

La classe est tellement nombreuse qu’on crée fictivement deux groupes (les A et les B), mais on ne s’en aperçoit qu’au moment de jouer au football en récréation, sur la largeur de la cour, entre l’actuelle salle des profs et une grille qui donne sur le jardin, où l’on ne peut pénétrer qu’avec la permission expresse du surveillant. Notre capitaine s’appelle Jules Nyssen (j'aurai sa fille comme élève 35 ans plus tard), nettement plus fort à l’extérieur qu’à l’intérieur de la classe.

Le maître est tout aussi agréable qu’en 4e, mais il ne badine pas avec la discipline. Entrant en classe en rang et en silence comme le règlement l’impose, je tape sur l’épaule de celui qui me précède pour lui souffler un petit mot rapide. Je n’ai pas le temps d’ouvrir la bouche que j’entends la grosse voix de Schreurs: Janssen, le verbe se taire à tous les temps!  Mais, Monsieur, je n’ai rien dit, objecté-je. Non, mais vous alliez le faire, me rétorque-t-il. Fin de la discussion. J’ai un peu râlé, mais je l’ai accepté: dans le fond, il avait raison. J'ai toujours reconnu mes torts, mais parfois après de longues années.
La 6e est l’année des communions solennelles et des goûters d’amis qui en découlent. C’est alors, en voyant leur maison, que je prends conscience qu’il y a en classe des gens nettement plus aisés que nous, des fils de médecins, par exemple: Jean Mathieu, devenu professeur de français à Saint-Vith, et mon copain de l’époque René Minguet, aujourd’hui chirurgien à Verviers. Je côtoie aussi Jean-Pierre Deblanc, le fils de l’agent de change verviétois qui a succédé à son père. Ce pauvre Jean-Pierre ne lit toujours pas couramment en 6e latine: à se demander comment il a réussi. Ces différences de classe sociale ne me traumatisent pas du tout, heureusement. Il est vrai qu’en tant que fils de commerçant, je suis habitué à rencontrer des personnes de toutes les catégories sociales (tout le monde mange du pain!) et que ça ne m’impressionne pas vraiment.

Les matchs de football nous passionnent: c’est l’époque où le CS Verviétois (matricule 8), qui joue au terrain du Panorama, est en division I. On organise un grand championnat à l’occasion des jeux de Saint-Louis de fin juin. C’est le sommet de l’année, comme aujourd’hui. Mais les finesses de l’analyse française sont loin de nous laisser de marbre. Je peux dire qu’il y a une véritable émulation à l’occasion de ces cours présentés comme préparatoires au latin. Le cours de musique de M. Siquet  tourne quasi systématiquement au chahut, mais les leçons de religion d’un sinistre père Cappelle, surveillant par ailleurs, sont assommantes à en devenir parpaillot: quel type imbuvable!

 

En revanche,

nous aimons beaucoup le père Pietje Van den Bossche, même si on s’en moque parfois. Sa fonction principale est de nous occuper lors des récréations. Durant le long temps de midi,  il organise des jeux pour tous ceux qui dînent au Collège: je me souviens du fameux jeu de drapeaux dont les élèves raffolent; je regrette parfois de devoir rentrer chez moi pour dîner. En hiver, lorsque la neige apparaît, ce qui arrive plus d’une fois entre 1952 et 1956, il construit avec art et entretient avec amour le toboggan de neige qui fait notre fierté et notre joie. A chaque récréation, il est là avec quelques grands d’humanités pour organiser l’utilisation de cette œuvre à la fois grandiose (dans ma mémoire) et fragile. Chacun passe à son tour et profite ainsi au maximum des 15 minutes de récréation du matin, qui deviennent souvent 25 ou 30 avec la complicité de nos instituteurs, enchantés de voir nos minois réjouis.

Le 12 septembre 1955, le Collège est encore en travaux: on construit la salle de cinéma du Centre, qui sera inaugurée le 27 janvier 1956 par Mgr van Zuylen, évêque coadjuteur de Liège. Le cinéma remplace en fait une grande salle d’étude avec ses immenses portes (dont on voit encore aujourd’hui les traces), le bureau du préfet de discipline et une autre classe. Cette année scolaire se termine par les terribles inondations dues au biez de Dison. Verviers est sous le choc.

12. La 6e Latine A

En septembre 1956, je vais découvrir le secondaire. A cette époque, les élèves qui ne viennent pas du Collège doivent réussir un examen d’entrée pour être admis en 6e Latine: la matière reine est justement l’analyse. On en reparlera.

Mais, comme promis depuis belle lurette, la veille de la rentrée, maman me Van-den-Bossche-Pietje-58.jpgconduit à Liège pour m’inscrire à l’internat d’un autre collège! Elle estime que les études sont trop sérieuses pour risquer de les bâcler dans le contexte qui est le mien: toujours distrait par le magasin. Mais comme elle a la manie de s’y prendre toujours à la dernière minute (elle n’est jamais arrivée au début de la messe alors qu’il suffisait de traverser la rue pour pénétrer dans la chapelle!), elle se décide encore in extremis. J’espère secrètement que ça ne marchera pas. Nous sommes allés visiter Don Bosco, rue des Wallons, qui a une section latine. On est reçu par le directeur. Ma mère hésite. Tous comptes faits, la qualité de l’air lui paraît suspecte…et c’est ainsi que je me retrouve dans mon Collège encore pour un an.

J’entre donc le lendemain en 6e Latine A, la classe de M. Jacques Martiny. L’autre 6e est dirigée par M. Louis De Donder, qui a Jean Gillot comme élève cette année-là. Jean, en provenance de Saint-Michel, a donc réussi l’examen d’entrée délivrant le sésame pour Saint-François-Xavier. Dans ma classe, je découvre beaucoup de nouvelles têtes, c’est assez impressionnant.

 

 

Voici les noms que je reconnais (aidé par quelques camarades) sur cette photo de la 6e A; de haut en bas et de gauche à droite (j’ai noté une astérisque pour les élèves qui sont devenus papas d’élèves du Collège).

1956--6eme-latine-A.jpg

4e rang (au-dessus): Christian Devos, Georges Stembert*, René Minguet*, Köttgen, Maréchal, Paul Bodart, Jacques Burguet* - 3e rang: Paul Reul*, Pierre Groenecheld, Jacques Debaar, Jean Janssen*, Jacques Thiry, Andrien, René Peelen;
2
e rang: Henin, Proumen, Jean Daniels, M. Jacques Martiny, Jean-Pierre Deblanc, ?, Joseph Schroubben - 1er
rang: Michel Crickboom, Demoulin, Plumhans, ?, Wambeek, ?, Léon Winandy, Jean-Claude Bodart et Marcel Brixhe.

Jacques Martiny, très bon pédagogue, véritable amoureux du latin (9h/semaine), nous donne aussi français (5h), math (4h) et géographie (1h). A la fin de cette année-là, il est allé faire son régendat de peur de ne pas être «régent-assimilé» lors de l’application du futur Pacte Scolaire. Il aurait pu s’en passer! Louis De DDD-55-jpg.jpgDonder (qui bénéficiera du statut grâce à son ancienneté) nous donne histoire (2h), Hubert Peeters, néerlandais (4h), le père Willame, religion (2h), et Joseph Roba Willame-57.jpggymnastique (1h). Je crois que l’on a encore de temps en temps de la musique et, initiative très appréciée, nous allons chaque semaine au bassin de natation (Bodeux) de la rue de Dison, pour apprendre à nager. Notre classe se situe au premier dans le local qui sert aujourd’hui à l’aumônerie. La 6B est au second étage.

1956-rheto-Troupin-nn.jpgComme José Troupin (assis à l'extrême droite sur la photo ci-dessus) est alors en rhétorique, il joue à l’ancien et me tuyaute sur le seul prof qu’on peut chambarder: Peeters, le prof de néerlandais, surnommé Barbapoux. C’est un véritable Anversois, à l’accent flamand prononcé, qui s’est installé à Banneux dans l’espoir d’un miracle qui guérirait un de ses enfants  anormal. En fait, c’est un saint homme, mais un peu naïf. Il a une dévotion toute particulière pour la Vierge Marie. Quelques années plus tard, il intégrera une secte qui l’enverra au Canada en tant qu’évêque… Cette Eglise dissidente avait élu un pape du nom de Clément XV. Evidemment, j’ai appris tout ça 9 ans plus tard, quand je suis devenu prof moi-même.peeters-Hubert--nn.jpg

Comme prévu, j’ai immédiatement chahuté ce brave homme et me suis retrouvé dans le couloir dès le second cours, je crois. Est-ce pour ça que j’ai toujours traîné une faiblesse dans la langue de Vondel? Possible.

Malgré l’examen d’entrée, il y a encore des élèves qui peinent en 6e Latine, à tel point que chaque année, après les examens de Toussaint, certains élèves quittent le Collège pour se réorienter. Le latin à dose intensive ne pardonne pas! On a trois séries complètes d’examens et toujours les mêmes cartes de couleur comme bulletins hebdomadaires. Je ne crois pas que les réunions de parents existent déjà, mais la cadence des bulletins permet à ceux-ci de bien réaliser la tournure des événements. Evidemment, les parents qui confient leurs enfants au Collège sont presque tous des catholiques pratiquants, donc leurs fils de 12 ans aussi. Nous sommes tenus d’assister à la messe de 8h05 tous les jours de la semaine, sauf le lundi. Mais ceux qui sont allés communier (il fallait être à jeun depuis minuit) ont le droit de déjeuner à leur aise dans le local sous la salle des profs actuelle (local de musique): on leur offre même du cacao et des biscottes. La chapelle utilisée le matin se situe à l’endroit de l’actuelle salle audio 1. Il faut arriver avant 8h05, sinon l’infâme Cappelle ne note pas votre présence et vous ramassez vos deux heures de retenue comme un vulgaire brosseur. Je parle d’expérience! Certains sont dispensés de cette présence, car ils habitent hors des limites déterminées ou sont requis par le service de leur paroisse,  ils sont cependant tenus d'assister à la messe quotidienne en paroisse: ils ont une carte de présence à faire signer chaque fois par le célébrant. Comme certains curés (ou vicaires) trouvent cette obligation excessive, ils signent parfois la carte d’un garçon absent ou dispensé par leurs soins. Mais Cappelle veille. J’ai appris qu’il lui arrivait de faire le tour des églises des environs à scooter (Zundapp) pour coincer les tricheurs: je vous laisse deviner les rapports que les jésuites devaient avoir avec certains curés des environs!

Nos cours commencent à 8h30 comme aujourd’hui, mais on a 2 heures de temps «libre» à midi (pas question de glander en ville, évidemment) et seulement 2 heures de cours après-midi : c’est toujours la semaine de 6 jours. On termine à 15h50.

L’église n’est utilisée par l'école que pour les grandes fêtes religieuses, en particulier durant la semaine sainte, et pour les confessions, qui se passaient durant les cours. Un surveillant vient prévenir que c’est le moment. Le défilé des classes est évidemment organisé pour ne pas perdre trop de temps. Ne vont se confesser que les volontaires, évidemment, mais c’est la majorité. A l’époque, il y a des confesseurs-vedettes, des rapides, qui sont très demandés et d’autres qui sont à éviter comme la peste: trop curieux, trop bruyants ou beaucoup trop longs!

A part les heures de flamand (comme on disait à l’époque), qui sont souvent des récréations déguisées, les autres cours sont sérieux. M. De Donder nous amuse parfois avec ses talents de comédien, mais c’est loin d’être fréquent. Je me souviens d’un cours en particulier où il ne riait vraiment pas: il a piqué une véritable colère parce que notre condisciple Demoulin regardait sa montre en bâillant (au premier banc en plus!). Il lui a hurlé dans l’oreille que c’était une offense personnelle. Demoulin était terrorisé. Nous aussi. Le cours de religion est parfois amusant: le père Willame nous apprend des chansons du père Duval («Qu’est-ce que j’ai dans ma p’tit’ tête à rêver comme ça le soir…», par exemple), sorte de précurseur masculin de Sœur Sourire. J’ai commencé à me méfier de lui quand il m’a un jour demandé de passer dans sa chambre. Il me prenait sans doute pour un adolescent précoce: il m’a donné un petit livre censé m’éduquer sexuellement… comme en 1957! Mais il n'a jamais été ambigu avec moi (ni avec les autres, je suppose). Je n'ai d'ailleurs jamais entendu parler de cas vécus.

Je fais un bon premier trimestre en 6e Latine, mais les résultats chutent à Pâques, en particulier en histoire, où je me paie un 15,9/40 (sic). Il faut savoir qu’à cette époque, seuls le français, le latin et la religion exigent les 50% de minimum. Dans les autres branches, la barre est à 40% (soit 16/40 pour l’histoire!). Rappelons que ces résultats doivent être atteints tant à l’année qu’au troisième trimestre seul. Je m’en sors finalement sans anicroche avec 71% de moyenne.

Cette année-là, maman s’y prend plus tôt pour me trouver un internat et c’est ainsi que j’atterris en 5e Gréco-Latine (qu'on écrit plus simplement 5LG)au collège Saint-Barthélemy à Liège, où je vais passer 8 ans de ma vie scolaire en comptant la Spéciale-Math et les 2 ans de régendat. Je n'aurai donc jamais le père Van Rijkevoorsel ni le père Lambotte, titulaires de 5e au Collège.

Bertholet-Leon.jpg


La seule fois où je suis revenu au 18 de la rue de Rome (oui, c’était depuis 1954 le 18 et non plus le 16), c’est pour aller chercher l’attestation de ma réussite en 6e Latine. Je suis tombé dans le bureau du préfet Nachtergaele en ébullition, je crois que se trouvait là le grand élève de Poésie Léon Bertholet (pourquoi? ) - un "pilier" du Collège que je retrouverai comme parent d'élève et actif chez les Anciens. comeliau-58.jpg




Cette agitation provenait du fait que le recteur
  Coméliau  avait eu un grave accident: il était passager dans le side-car de la moto que pilotait le frère Gérard Hullebroek (1900-19801966 Frère Hullebroek),


aussi gravement blessé.

Le recteur, je ne l'ai guère connu, était auparavant professeur de 3LG. Quant au Frère, Flamand d'origine (né près de Gand) –  son accent ne trompait pas –   et sacristain permanent de l'église du Sacré-Coeur, c'était un homme charmant qui connaissait tous ses «paroissiens». Comme il le disait, il était plus verviétois que la plupart des habitants de la cité lainière: il a vécu de 1936 à 1977 en nos murs. Voyez les photos ci-dessous (datant de 1966, année de son jubilé de 50 ans de vie religieuse) de ce jésuite simple et attachant dans le cadre de ses fonctions.Frere-Huytebroek.jpg
Petite anecdote: dans ses vieux jours, il prenait plaisir à réciter des tirades entières de Victor Hugo ou la totalité d'Athalie qu'il avait mémorisées autrefois.

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24 décembre 2007 1 24 /12 /décembre /2007 14:37

6. Deux vieux copains

De ma quatrième année, je n’avais pas de photo non plus. Dommage! Mais un copain  totalement perdu de vue m’a reconnu 45 ans plus tard, ce vendredi 14 décembre 2007 à 18h20 au café Le Dôme, notre local de réunion du Cercle Emile Coué, cercle folklorique proche du Collège. Il prétend qu’il m’a reconnu de dos; même de face, avec sa barbe, ses cheveux gris et son chapeau noir, je n’aurais jamais reconnu ce Bobby Winkin: quel look! Il est auteur-compositeur-interprète et a roulé sa bosse un peu partout.Bobby-Winkin-2012.jpg
[ Aujourd'hui, 30 avril 2012, je découvre que Bobby est mort d'un cancer du poumon à 67 ans. J'ai de la peine à réaliser ...]

Bobby promet de m’envoyer une photo scannée par Michel Crickboom et c’est ainsi que je revois avec émotion toutes ces binettes sympathiques. Je ne retrouve pas Toussaint Palm (des entreprises du même nom) qui, lui, m’a reconnu 5 ans plus tôt dans un magasin de Gérard-Champs; il n'est en fait que sur la photo de 3e. Je le vois encore venir à pied de Polleur avec un de ses frères plus âgés, qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau. Ils sont vraiment blancs de cheveux et arrivent toujours les premiers à l’école avec leurs gros souliers, devenus des sabots dans ma mémoire.

Je crois bien qu’on ne parle que platte dutch (orthographe phonétique) chez les Palm et qu’ils ont du mal avec l’interdiction de parler autre chose que le français à l’école, même le wallon est banni! Les parents de l’époque sont bien conscients qu’il est impératif pour leurs enfants de posséder convenablement le français. Le néerlandais, on l’abordera à petites doses en 5e. Durant les récréations, quand on ne joue pas à la puce ou à gailloux (orthographe non garantie), on pratique souvent la balle pelote contre le mur du préau. Evidemment, si les grands de 6e nous en laissent le loisir, on se rue sur le football, notre sport préféré.

7. Les billes

Si une hirondelle ne fait pas le printemps, en revanche, l’apparition des billes est un signe qui ne trompe pas. A Saint-François-Xavier, on a une façon particulière de jouer que je n’ai jamais rencontrée ailleurs. En réalité, c’est une compétition permanente entre des lanceurs et des récepteurs. A chaque coup, ça se joue à deux. Le lanceur risque de gagner 4 billes ou d’en perdre une, celle qu’il a lancée. Le récepteur est une sorte de commerçant assis par terre, les jambes écartées entourant une petite pyramide de 4 billes plus ou moins jolies. Le lanceur doit démolir cette pyramide s’il veut rafler la mise; s’il rate son coup, sa bille lancée devient la propriété du boutiquier. Les différents récepteurs sont assis côte à côte à peu près au milieu de la cour, dos au jardin des Pères. Il faut arriver très tôt en récréation, car les places assises sont très demandées; cela provoque parfois quelques bagarres. Les tireurs se postent debout, face au boutiquier choisi, à une distance convenue de deux pas environ. La cadence de lancement est celle que le tireur décide. S’il rate ses premiers coups et s’il s’entête, son acharnement peut devenir pour lui une catastrophe entraînant rapidement la perte totale de sa  provision de billes. Le boutiquier prend moins de risques, mais peut être victime de l’adresse des adversaires qui se présentent, aussi a-t-il le droit de refuser certains «clients». Ce jeu nous obsède littéralement. Il demande une certaine adresse, mais surtout des qualités de gestionnaire: il faut se méfier de l’excitation du jeu, qui peut vous entraîner dans des pertes rapidement incontrôlables.
Chaque matin, il faut se fixer le nombre de billes que l’on accepte éventuellement de perdre et ne pas en prendre une de plus: provision fait profusion! Un joueur moyen bien organisé peut arriver à posséder une quantité impressionnante de billes à la longue: j’ai compté jusqu’à mille billes dans la boîte en fer que je cache dans le grenier. Les boutiquiers les plus téméraires ne mettent qu’une seule bille mais en promettent dix si on touche celle-ci. Méfiez-vous de ces gens-là : ils risquent gros pour se refaire une santé, mais ils n’ont pas toujours les dix billes promises en poche et le crédit est interdit…La morale n’est pas absente de ces jeux apparemment anodins. Je me souviens qu’une fois à sec, je rôdais derrière les boutiquiers à la recherche d’une bille errante dont je m’emparerais subrepticement: du vol, quoi! Toute l’école se retrouve dans ces parages, joueurs comme spectateurs. C’est une véritable atmosphère de souk, qui dure quelques semaines, puis disparaît, mystérieusement.

 

8. Le basket (voir aussi Souvenirs 12 - 4 : Les 25 ans du Basket)

Quand je suis arrivé pour la première fois dans la cour du Collège, j'ai été très surpris de voir
des panneaux de basket installés à demeure. Je connaissais à Basket 1954peine ce sport, et là, ils y jouaient à toutes les récréations. Evidemment, c'était les grands qui mobilisaient le ballon. J'étais fasciné par leur dextérité. Je les regardais avec envie: serais-je un jour capable de faire pareil?
Je suis allé plusieurs fois le dimanche matin voir la première équipe du Basket-Club Saint-François-Xavier (maillot jaune et culotte noire) jouer en championnat. Je reconnais sur la photo de l'équipe, assis au milieu, Deffet (architecte à Andrimont), Sottiaux et
Kocklenberg (futur dentiste). J'ai aussi vu évoluer des grands élèves de l'époque comme Jean Arnold (mon futur collègue instituteur), son frère Georges, Collin (dont j'ai oublié le prénom, futur papa d'élève). Il paraît que le R.P. Wankenne (ce terrible préfet de discipline) était un des fondateurs du club (1950) et son premier aumônier. Charles Creton (arrivé en 1952) en est devenu un comitard dévoué. C'était très gai de voir ces grands garçons utiliser notre cour de récréation, d'autant plus qu'ils gagnaient toujours, ou presque: ils ont gagné leur championnat trois fois sur les 4 premières années, signant ainsi le premier exploit de l'histoire mouvementée de cette association sportive.

Quand j'ai obtenu l'accord maternel, je me suis inscrit au club et ai suivi les entraînements hebdomadaires, qui commençaient très tard. J'étais donc obligé de rester à l'étude ce jour-là. Le plus surprenant, c'est que tous les joueurs du club s'entraînaient ensemble quel que soit leur âge. Notre (antique) salle de gym connaissait alors une animation pour le moins bruyante, le seul panneau de basket subissant les attaques incessantes de ces grands adolescents ou même jeunes adultes. Nous, les petits, on tâchait surtout de ne pas les gêner. Le plus dur était de recevoir leurs passes, toujours très puissantes, nécessité du jeu: l'adversaire ne pouvait pas intercepter le ballon. Ce n'était pas de la ba-balle! Je me souviens que je faisais tout mon possible pour leur renvoyer le ballon avec autant de force, sans avoir l'air de me sortir les tripes... Quel malheur d'être petit! 


(Dans l'arrière plan de chaque photo ci-dessus, on voit les fenêtres des classes de primaires; sur la photo de droite, on distingue la fin du bâtiment et la grille du jardin)

La première chose que j'ai dû demander à ma mère
outre l'argent de la cotisation c'est de coudre un numéro noir sur mon maillot jaune.Basket-droite.jpgL'entraîneur avait dit qu'il fallait choisir un numéro avec un maximum de 2 chiffres et de s'arranger pour ne pas avoir le même qu'un autre. J'ai opté pour le 99, nombre que personne n'avait jamais vu dans une partie de basket. En général, on ne dépassait pas le 20. On s'est bien moqué de moi! Nous, les petits, n'étions inscrits dans aucun championnat. Je me souviens avoir joué un seul match en dehors du Collège et contre de vrais adversaires de notre âge. C'était à Spa. Nous avons gagné 17-2. Le petit Jacky Deffet (bon sang ne saurait mentir) était notre Monsieur 95%!


9. Le Centenaire (1955)

Cette année-là, 1954-1955, il s’en passe des événements, dans le domaine de l’enseignement! Nous sommes en pleine guerre scolaire avec un gouvernement socialo-libéral qui n’a aucune sympathie pour l’enseignement libre, au contraire! Le conflit devient politique et culmine par une manifestation monstre mais interdite à Bruxelles. L’INR, la radio RTBF de l’époque, est censurée par le gouvernement «violet». Malgré les  300.000  manifestants catholiques déchaînés face aux forces de l’ordre, l’INR répète inlassablement que tout est calme dans la capitale! Le leader francophone PSC est incontestablement Pierre Harmel (photo ci-dssous) qui avait déjà déposé un projet de loi, devenu la loi Harmel, pour que les professeurs laïques des écoles catholiques soient payés par l'Etat.

Pour arriver à rejoindre le centre de Bruxelles ce 26 mars 1955 alors que les grands axes routiers sont barrés, un professeur du Collège que j’allais apprendre à connaître, M. Louis De Donder, va prendre l’hélicoptère à DDD-55-jpg.jpgMaastricht! C’est un acharné qui a déjà pris hardiment parti (pour Léopold III) lors de la question royale cinq ans plus tôt (voir Souvenirs 62-suite).
C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il devra quitter le collège jésuite Saint-Paul de Godinne: son recteur n’avait pas les mêmes opinions que lui!
Notez que le R.P. Provincial a montré de la compassion pour ce bouillant professeur: en attendant de lui trouver une place dans un autre collège jésuite, il le prit durant 3 mois comme secrétaire particulier!


Mais on ne parle guère de tous ces événements aux enfants, jugés trop jeunes pour comprendre. Ce mutisme volontaire ne nous empêche pas de détecter l’angoisse des adultes. Malgré tout, on ne peut s'empêcher de voir un jour matin en arrivant au Collège le toît du préau badigeonné d'un énorme "A bas la calotte" qui choque tout le monde. Ceux qui n'avaient pas immédiatement compris que c'était une agression intolérable, presque un viol, furent mis définitivement au courant du combat politico-religieux dans lequel nous étions partie prenante malgré nous. Les auteurs de cet énorme graffiti (le mot n'était pas encore utilisé) étaient sans doute des anticléricaux et probablement des socialistes qui vomissaient l'enseignement libre catholique. Cet événement a beaucoup fait pour nos futures convictions politiques. Je me souviens qu'aux élections suivantes, nous allions régulièrement nous fournir en autocollants ronds verts et blancs (les écologistes n'étaient pas encore nés), où on voyait un grand 3 et, en petit, "votez PSC", au siège du PSC (ex-Parti catholique) de la rue du Manège. On prenait un plaisir fou à les coller sur les vitres des maisons de notables rouges ou bleus, comme Delclisar, le bourgmestre socialiste d'Andrimont.
Heureusement, notre Collège se mobilise pour tout autre chose: 1955 est l’année du Centenaire de notre institution. On a donc répété durant de nombreuses heures les chants qu’on entonnera ce jour-là et la façon de défiler, pour lesdefile-des-eleves.jpg gymnastes avec le short gris, la vareuse blanche et les sandales bleues (je crois); ceux qui défilent sans faire la gym doivent être en uniforme: culotte ou pantalon gris-foncé, chemise blanche à manches et cravate bleu-foncé (art.7). On s’entraînera aussi à marcher au pas et en ligne pour le défilé du dimanche 15 mai 1955 sous les ordres de M.Roba.

Siquet-58.jpgJe me rappelle encore avoir chanté au Grand-théâtre de Verviers sous la direction de notre professeur de musique Armand Siquet, postillonneur hors catégorie. Ce que j'avais évidemment oublié, c'est qu'il s'agissait du Psaume CL de César Franck. On était alors le samedi 21 mai 1955. La chorale se composait de 140 "Elèves des Classes Latines et Primaires", comme l'écrit le programme  luxueux - vendu 20 FB - de ces festivités. J'étais dans la catégorie des alti. 

Deux solides morceaux étaient ensuite présentés au nombreux public. Voyez plutôt:
                           1955-Les-Chooephores.jpg
     1955 mime de la Croix        1955-mime-bas1.jpg

 
             

 

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8 décembre 2007 6 08 /12 /décembre /2007 15:44
5. Comment devenir vedette sans le vouloir

Je viens de lire dans la plaquette du Centenaire (1955) qu’il y avait 128 élèves en Primaires en 1951, année où on a fait des transformations dans ce bâtiment: «portes et fenêtres donnant sur la cour sont supprimées et remplacées par de grandes verrières», comme on le voit sur la photo ci-dessous; 5 ans plus tard, en septembre 1956, il y a  289 élèves! En juin 1955, la population scolaire totale (Primaire + Secondaire) de Saint-François-Xavier atteignait «le chiffre record de 524!» Oui, pour l’époque, ça devenait une grosse école.

J’étais assez fier de mon école. Durant les premières années, nous portions régulièrement notre toque alors que les copains de Saint-Michel avaient une sorte de banane bleu foncé.

On y accrochait le nombre d’étoiles dorées qui correspondait à la classe dans laquelle on se trouvait, donc j’ai commencé par en mettre trois. Mais cet ornement vestimentaire devint assez vite désuet, je me souviens qu’en 6e, il n’y avait plus que quelques naïfs (ou dociles) qui se coiffaient régulièrement de cette toque d’astrakan. Les mentalités changeaient: c'est ainsi que je ne me souviens même pas qu'on apprenait la Brabançonne à l'école (contrairement à mon épouse, qui était dans l'officiel).

Je n’étais pas mauvais élève, mais pas toujours très discipliné. Maman est venue trouver une fois M. Charles Creton, sans doute pour prendre des nouvelles de mon attitude et lui Cret-Plum.jpgdire ostensiblement (devant moi!) qu’il ne devait surtout pas se gêner pour me gifler. Je crois qu’à partir de ce moment-là, il s’est nettement  calmé dans ce domaine à mon égard: un véritable esprit de contradiction. Notez qu'il avait d'autres techniques moins classiques mais tout aussi efficaces pour nous faire physiquement mal.






En 4e, nous allions chez M. Marcel Schreurs, un maître beaucoup plus expérimenté et surtout plein d’humour.Schreurs 53 4 prim

On l’aimait beaucoup. Tant que je parle des hommes, je ne peux oublier le jésuite qui nous impressionnait le plus: le père Albert Wankenne, préfet de discipline. Pour nous, c’était le boss. Le père Recteur, c’était une sorte d’évêque qui ne se montrait qu’aux grandes fêtes. Je crois que je ne l'ai vu qu'une seule fois en dehors de ces manifestations, et encore, de loin! Je sais quand même qu'il s'appelle Derouau (photo de gauche, prise au 125e, en 1980). Mais le préfet de discipline faisait Derouau recteur (mais en 1980)régner l’ordre partout, c’était une véritable terreur, armé de sa clochette qui ne quittait jamais sa main gauche (c’était pareil pour les surveillants, tous de jeunes jésuites). Son bureau donnait immédiatement sur la cour, en plein milieu de celle-ci, à peu près à l'endroit où commencent aujourd’hui les escaliers extérieurs. A deux mètres de la cloche, qui est toujours la même d'ailleurs. Il suffisait qu’il apparaisse pour qu’on rectifie la position. Evidemment, j’ai eu les honneurs de ce personnage. Je crois que j’étais en 4e (9 ans). C’était un jour d’hiver avec de la neige. C'était un samedi après-midi. Je ne sais si j'étais déjà puni. Notez qu’on avait cours le samedi après-midi à cette époque. Je traînais dans la cour pour une raison pas très catholique et j’ai participé à une bataille de boules de neige par principe. Mais je pris un morceau de glace – par souci d’efficacité sans doute – et j'atteignis mon objectif au-delà de mes espérances. Un pauvre petit gars reçut mon projectile près de l'oeil et se paya une cocarde qui doit l’avoir marqué pour le restant de ses jours, moralement bien sûr. Le père Préfet n’était pas là et je réussis à regagner mon domicile sans punition supplémentaire (j'avais fui), mais avec la peur de ma vie: j'étais sûr que ce garçon que je ne connaissais même pas allait me dénoncer à qui de droit. Que faire pour éviter les foudres du préfet? Gagner du temps: surtout ne pas me montrer à l’école le lundi matin. Peut-être m'oublieront-ils , pensais-je naïvement. J’ai donc joué au malade imaginaire et cela marcha effectivement une avant-midi, pas plus. Maman m'envoya au Collège l’après-midi. J’étais à peine en classe qu’un surveillant vint m’appeler de la part du père Wankenne . J’en tremble encore. Je crois que j’ai pleuré d’emblée pour tenter d’amortir le choc. Pas question de mentir à un tel homme, grand, maigre, sec comme une trique, dont le regard vous transperçait jusqu'au fond de l'âme. A cette époque, nous recevions un bulletin hebdomadaire sous forme de carte de couleur. Je me souviens encore de la hiérarchie (voir le spécimen ci-contre, que j'ai conservé de l'époque, sans doute une des rares dorées reçues dans mon cursus scolaire). On était persuadé que la verte (Mal!) n’existait pas. C’était sans doute un mythe. Quand on rentrait avec une bleue, c’était déjà la catastrophe à la maison.
Dans ma classe, cette semaine-là, on a distribué deux cartes vertes: une pour moi, évidemment, et une pour Jacques Thiry, qui est devenu avocat (puis magistrat?). En tout cas, c’est le frère aîné de l’abbé Thiry, philosophe et magicien bien connu dans la région. Ce brave Jacques, un peu naïf à l’époque, était allé rechercher une balle restée bloquée dans la neige du toit du préau (juste à côté du chemin du fer)  au péril de sa vie et sous les yeux effrayés (ou amusés...) Wankenne.jpgde toute l’école en récréation.

Nous sommes devenus tous les deux des vedettes locales bien malgré nous…

 

                                                       

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8 décembre 2007 6 08 /12 /décembre /2007 11:36

              SOUVENIRS

             de mon passage au

             Collège (1952-2005)

 La table des matières se trouve à la fin
 

«On ne peut contenter tout le monde et son père»

(La Fontaine)


Tu iras chez les jésuites

1. Motivation
 

Voilà des années que je me dis épisodiquement que je devrais écrire mes souvenirs concernant le Collège. Mais chaque fois que j’y pense un peu sérieusement, je trouve l’entreprise à la fois prétentieuse, fastidieuse et finalement inutile. Hier, Jean Arnould a dit qu’il faudrait qu’on écrive l’histoire du Collège des 40 dernières années, en me regardant droit dans les yeux avec une insistance qui ressemblait fort à un défi. C’est le déclic que j’attendais sans doute inconsciemment.

Aujourd’hui, je sais que je peux entreprendre cette rédaction sans prétention: ce ne sera jamais qu’une vision très partiale et toute personnelle d’événements qui me sont plus ou moins bien restés en mémoire. Evidemment, je ne vais pas tenter de faire œuvre d’historien.

Fastidieuse, elle le sera sans doute, mais comme je n’ai pas d’obligation de résultat, je peux écrire à mon rythme et m’arrêter quand je veux.

Inutile, certainement pas pour moi puisque ce travail va m’occuper dans deux domaines que j’aime: le Collège et l’écriture. Inutile pour d’éventuels lecteurs? Probablement. Mais comme je dispose d’un blog qui est lu par quelques personnes (dont 16 sont abonnées), en faisant paraître ces lignes par ce canal, peut-être susciterai-je un certain intérêt chez mes lecteurs. Surtout un intérêt pour le Collège (avec une majuscule!).

En fait, ce qui me paraît le plus difficile, c’est de dire ce que je pense vraiment de certains acteurs de cette histoire, sans langue de bois, mais sans risquer de leur faire du tort; ce sera d’autant plus difficile que j’ai toujours eu une tendance très marquée pour l'ironie. J’ai beaucoup de mal à me retenir, à me censurer. J’ai déjà envie d’arrêter à la pensée que je vais devoir «jésuiter» si je ne mets pas de clé d'accès à mon blog. Il risque donc d'être lu par des gens qui ne me connaissent pas et donc qui ignorent mon sens de l'humour. Pour montrer ma bonne volonté (je ne suis pas méchant dans le fond de l'âme), je m'engage à rectifier ce qui serait erroné ou considéré comme malveillant.

Allons-y!
 

2. Présentation
 

Je dois quand même un peu me présenter pour qu’on comprenne mieux mon point de vue sur le Collège. Je suis né dans une famille andrimontoise et catholique, juste en face d’une chapelle (Sainte-Thérèse de l'Enfant Jésus, rue Maurice Duesberg, 113 à Ottomont, quartier de l'ancienne commune d'Andrimont)  voir les photos de la chapelle, de face et de profil, ci-dessous qui a fait office d’église paroissiale jusqu'en 1964, au moins.
                 
                   

Maman est tombée veuve en 1950 alors que j’avais presque 6 ans. Je n’ai qu’une sœur, de 9 ans mon aînée, et nous vivions dans une petite boulangerie-épicerie de quartier.                                                                                                                                                                                                                    maison familiale nn


Je n’ai pas eu conscience de souffrir du décès de mon père: ma mère et ma sœur (je dois leur rendre cette justice) ont bien compensé. Je n’ai jamais eu le sentiment d’être pauvre – je crois d’ailleurs que nous ne l’avons jamais été –, même si j’étais bien conscient qu’il fallait énormément travailler pour s'en sortir.

Il m’est apparu très tôt que tous les espoirs de ma petite famille reposaient sur mes frêles épaules: je devais devenir un intellectuel alors que ma mère et ma sœur n’avaient pas été à l’école au-delà de 14 ans. Mon père, issu de Welkenraedt, était tourneur, avant de devenir boulanger chez son beau-père durant la guerre pour éviter le travail obligatoire en Allemagne. Il était allé à l’école technique Don Bosco de Verviers jusqu’à 16 ans. Maman m’a, très jeune, persuadé que je ne devais pas me destiner à un métier manuel, surtout pas boulanger, bien que, comme toute la famille, je participais comme je pouvais à la vie de cette petite entreprise familiale devenue indépendante après la guerre. 
Je rechignais souvent quand je suis devenu adolescent: j’aurais tant voulu être débarrassé des contraintes du commerce pour "être libre" comme mes copains du quartier. Maman a eu du mal à s'en sortir seule une fois ma sœur mariée
ce qu’elle fit en 1956 à 20 ans à peine. Mais je savais que c’était mon devoir de donner un coup de main. Et qu’on n’y coupe pas!

3. Quelques réminiscences du contexte politique (1952)

 

Nous sommes en septembre 1952. C'est toujours l'atmosphère de l'après-guerre, mais je ne suis pas capable de m'en apercevoir: j'ai 8 ans! Nous n'avons évidemment pas de télévision - je crois que la RTB n'existait pas encore - et la radio ne marche pas souvent chez moi; en outre je n'ai jamais vu d'hebdomadaire, sauf de temps à autre le très royaliste et très catholique Patriote Illustré   
Evidemment, j'entends parler de tout dans le magasin, même si tout ne m'intéresse pas. Je peux aussi apercevoir en passant devant certains kiosques à journaux (des aubettes, dit-on d'habitude) comme à la Chic-Chac, à l'arrêt du tram, près de la gare, des couvertures d'hebdomadaires qui traduisent les préoccupations des adultes.   

Je me souviens de la révolte des "Mau- Mau" au Kenya.                                                         Europe Amérique 1952 6 nov 1952 Mau Mau
       Mau-Mau 1953
[on voit sur la photo ci-dessus le début de la réaction de la Grande-Bretagne. Je pensais que ces gens-là devaient être des sauvages et qu'il fallait que les Blancs leur donnent une bonne correction. Je sais aujourd'hui que la répression britannique a été terrible. Le gouvernement de sa Majesté a reconnu les massacres perpétrés par ses sujets en ... 2013: 60 ans plus tard!]

Pour moi, tous les Noirs (les bons) étaient congolais, Congo belge, bien entendu. Et les Congolais on les aimait bien, un peu comme de grands enfants qu'il fallait prendre par la main. On est loin, très loin de penser que la Belgique donnera l'indépendance à sa colonie 8 ans plus tard.


Les photos ci-jointes (sauf la précédente) proviennent de l'hebdomadaire Europe-Amérique devenu plus tard Europe Magazine; exemplaires trouvés bien plus tard dans une brocante. 

J'entendais souvent parler des communistes, race sordide et dangereuse si je comprenais bien, surtout dans l'immense pays                                                Europe-Amerique-1952-6-nov-1952-URSS-pas-prete.jpg
baptisé U.R.S.S. dirigé par Staline. Evidemment, nous étions tous pour les Américains, qui avaient gagné la guerre (on savait à peine que l'Union Soviétique était aussi dans le camp des vainqueurs), et                                                Europe-Amerique-1952-13-nov-1952-Ike-elu.jpg

je connaissais même le nom d'Eisenhower sans faire la différence entre le général en chef et le président. 
J'étais très étonné et intéressé à la fois quand j'entendais parler de la guerre de Corée: il y avait donc encore la guerre quelque part, moi qui regrettais tant de n'avoir pas vécu ces événements dont les grandes personnes parlaient tant, souvent avec une sorte de dégoût voire d'horreur dans              Europe-Amerique-1952-13-nov-Coree.jpg
la voix d'ailleurs. J'avais été très impressionné d'apprendre que le frère d'un ouvrier boulanger, qui travaillait chez moi, avait été tué en Corée: un Belge qui mourait les armes à la main, ça existait donc encore!
 

Bien entendu, je connaissais le nom et le visage de notre roi Baudouin, mais je n'avais rien retenu de la Question Royale, encore moins de la Princesse Liliane ou des Cobourg.                                                     Europe-Amerique-1952-16-octobre-Baudouin.jpg



Quant aux prêtres-ouvriers, je me rappelle que ça choquait fort les catholiques du coin... et, du coup, moi aussi!


                               Europe-Amerique-1952-25-sept-pretres-ouvries.jpg



 

4. Arrivée au Collège

Je fais mes deux premières primaires à l’école communale Fonds-de-Loup de la place Simon Gathoye à Andrimont, l’école la plus proche de mon domicile. Puis j'arrive au collège jésuite de la rue de Rome au début de la troisième. Maman a programmé mon avenir: j'irai au Collège Saint-François-Xavier, chez les jésuites! Quelle grande école, quelle cour immense, avec des panneaux de basket fixés dans le sol!
Je serai aussi très impressionné par la beauté de cette grande église qui se nomme église du Sacré-Cœur et n’a rien de commun avec notre petite chapelle, en fait une ancienne serre à peine aménagée.

Je fais les déplacements en tram (n°5), dont le terminus se situe à 300 m de chez moi. Je  descends rue du Palais, juste au-dessus des escaliers de la rue de Rome. Je prends ce moyen de locomotion fort amusant 4 fois par jour, puisque je rentre dîner à la maison. J’ai rapidement rencontré des voisins (surtout José Troupin, devenu plus tard directeur de la banque Drèze; 5 ans plus âgé que moi) qui faisaient le même trajet.

En fait, le Collège avait les 6 années primaires, nommées préparatoires, en cinq classes: la première et la deuxième ne                                         Bastin-chef-1957.jpg
formaient qu’une classe sous l'autorité de M.Bastin, en même temps chef d'école. Nous sommes en septembre 1952 quand je rencontre l’instituteur Charles Creton (photo de 1952: je suis à sa droite, visiblement boudeur; encore puni sans doute),                                          1952-Creton-et-moi.jpgqui débute cette année-là au Collège. Il va devenir un personnage étonnant dans cette petite école à la grosse réputation. Il y a beaucoup de jésuites, tous en soutane, évidemment, mais aucun n’est titulaire d’une classe de préparatoires. Nous n’avons que des laïcs; on voit juste un jésuite pour le cours de religion. J’ai appris plus tard que le Primaire était géré jusqu’à l’année 1950 par des Frères maristes, qui avaient quitté la rue de Rome pour faire place à des instituteurs diplômés, qui seraient dorénavant payés par l'Etat.
[J'ai eu la confirmation de la présence des Frères par Julien Brisco ce 24 novembre 2014. Julien, camarade de classe primaire de 1952 à 1956, que je n'avais plus rencontré depuis 1956, m'a tout de suite reconnu ! Il était en 1ère primaire au Collège en 1950-51 avec un Frère mariste. L'année suivante, c'était M.Bastin son titulaire.]Communaute-jesuite-57-58-etc.jpg


A cette époque, les jésuites Bodaux-n-1957.jpgne s'intéressaient pas au Primaire, et encore moins au Maternel.

                                                           Jef-1959.jpg

 

                                  comeliau-1958-.jpg

On partage la cour avec les grands de Latines qui nous impressionnent beaucoup. Voyez ci-joint la liste du personnel enseignant. C'était en fait une petite école primaire de 5 classes et un petit collège de 8 classes secondaires. On en perdra d'ailleurs une 2 ans plus tard (une seule 5e).  Voici, de mémoire, les titulaires jésuites des classes allant de la Rhéto à la cinquième en 1954: Bodaux, Fabri, Coméliau, Claude et Nachtergaele. Dans ma mémoire, c'est resté ainsi durant des années.

Ci-dessous la liste officielle du personnel enseignant en 1952-53:

                          01essai.jpg

                          001-essai2.jpg

En observant la liste de l'année précédente (ci-dessous), on s'aperçoit que le R.P.Ries (le petit dynamique qui jouait football avec nous, et avec...sa soutane) venait d'arriver, de même que Charles Creton (une terreur en 3ème Préparatoire) et que, curieusement, M. De Donder n'était pas repris cette année-là. Maladie? accident? En outre apparaissait la rubrique Sports dirigée par le père Albert Wankenne, le préfet de discipline. Je suppose qu'il s'agit essentiellement de basket.
                                SFX 51-52

En 1953, le père Derouau (né à Verviers, je crois), devient Recteur de la communauté et Directeur de l'école. Le père Albert Wankenne (issu de Verviers aussi, frère de Félix, curé de Lambermont, du jésuite André et encore d'un autre religieux, si pas d'une religieuse) est promu préfet de discipline. Il sera remplacé par le père Nachtergaele (Nach) en 1955. J'ai vu plusieurs fois dans la cour le R.P. Nicolas Ries, un gai rougeaud, professeur de flamand et surtout joueur de football aux récréations (en soutane, bien entendu): une véritable attraction. 
J'ai aussi aperçu le père Raymaekers (dit le Chinois), professeur de chimie, physique, botanique et géographie. J'ai entendu parler d'un certain Microbus sans doute M.P. Grosjean, professeur de flamand , par mes cousins Janssen (Robert et Jean) ainsi que par Robert Beckers (tous trois de Welkendaedt).                                   

Mes lecteurs les plus âgés et anciens du Collège reconnaîtront sans doute le père Jean Bodson (Préfet de discipline de 1948 à 1953; j'ai donc dû le connaître, mais sa tête ne me dit rien) sympathique distributeur d'admittatur pour les Welkenraedtois prétendument en retard à cause du train (dixit Robert Beckers) –, et le père Willy Warnant, aussi Préfet de discipline, paraît-il.    Bodson                            

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