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15 avril 2010 4 15 /04 /avril /2010 18:33

9. Lily


Arrivée au Collège au début du Rénové, en provenance de l’école du Heidberg à Eupen, qu’elle avait quittée pour raison de germanisation forcée, Liliane Schmits (épouse Bemelmans) avait décidé de prendre sa retraite à 55 ans, soit fin juin 1997.a2.Retraite Liliane


Dans le groupe assez soudé des profs de maths, 10 exactement, nous n’avions jamais connu pareil événement. Henri Héroufosse, le seul qui aurait pu terminer au Collège, était parti «en mission» au jury d’homologation à Bruxelles en 1968: on ne l’a jamais revu. Je viens d'apprendre qu'il a failli revenir in extremis; voici ce que Jean-Marie Delobel me précise comme suite à l'annonce de son décès (juillet 2010): "En fait, il a été réintégré dans notre corps professoral la dernière Heroufosse-57.jpgannée, parce que, malade, il ne pouvait plus être membre du Jury: ce fut l'occasion, pour moi, d'une belle bataille administrative..."

Vous comprendrez donc quel événement le départ de Lily représentait pour notre petite assemblée: il fallait absolument faire quelque chose. D’autant plus que Liliane était notre aînée à tous, ce qui avait suggéré à quelque ironique compagnon de la rebaptiser doyenne. Comme j’étais moi-même devenu doyen du Collège depuis le retrait simultané de Gaillard et de Beaupain (en fait, j’étais le prof le plus ancien et non le plus vieux, j’insiste, de Saint-François-Xavier) – nous étions des alter ego pour ces pseudo-jouvenceaux. Notez que ça mettait de l’ambiance dans le groupe.

Liliane, prof de ma génération, a le même passé mathématique que moi. Donc aussi la même conception de cette science épanouissante (pour nous…) et de sa méthodologie. En outre, elle donnait les mêmes cours dans des classes parallèles. Si j’ajoute que son mari (Jean-Marie) était un ancien condisciple de spéciale-math à Saint-Bar et que j’ai eu le plaisir de donner cours à leurs deux garçons, vous comprendrez que j’étais particulièrement motivé par l’événement en préparation. J’en profite pour dire que ma collègue était reconnue par tous ses élèves comme une excellente professeure, exigeante mais souriante.Henri Leclercq (qui pleure de rire), René Trokaya1.retraite Lilianeet Jean-Marie Merken.

 

 

 

 

 

 

 

 

 












 

Ma position de coordinateur des profs de maths a facilité nos rendez-vous «secrets» pour la préparation des festivités de notre doyenne. En bref, nous sommes allés la surprendre (son mari était dans le coup) à son domicile le mardi (jour de sa chorale) 10 juin, une fleur au chapeau, à la bouche une chanson, un cœur joyeux et sincère: voilà tout ce qu’il fallait, à nous autres gais Wallons, pour réussir une virée exceptionnelle. Nous avions décidé de nous habiller comme des Collégiens ignorants les dernières règles vestimentaires rappelées par l'autorité du Collège: pas de casquette, pas de jupe trop courte et pas d'accoutrement rappelant plus les vacances que le travail!
Après un temps infini, elle comprit enfin qu’à la place de son habituelle répétition de chant, elle avait mieux à faire en suivant cette équipe déchaînée.

a4.Retraite Liliane Juin 97

Ci-dessus: Jean-Marc Charette.

      Ci-dessous, Jean-Luc Goffin, René Trokay et Henri Leclercq.                                                                                                                                           Les a5.jpg à la Table d'Hôte, rue Jules Cerexhe.réjouissances se poursuivirent par un souper festif. L’endroit réservé (pour nous seuls), une table d’hôte au Santenay, rue Jules Cerexhe, nous permit de chanter tout notre soûl, bien soutenus par nos musiciens, Jean-Marc Charette au synthétiseur et Henri Leclercq à la guitare basse.
Chacun participe volontiers; nous découvrons ainsi les talents de soliste de Jean-Luc Goffin qui se lâche enfin, la souriante bonhomie de René Trokay et de Bernadette Mignot ainsi que l’enthousiasme de mes autres collègues, Eric Dethier (un vrai gai luron), Bernadette Pirotte (dont je ne peux pas publier les photos, elle trouve qu’elle a un air bizarre…) et Jean-Marie Merken (mon voisin lambermontois, qui gagne à être connu). Je m’étais fendu d’un texte de circonstance à chanter sur l’air de Lily de Pierre Perret. Eric avait composé les tonifiants textes wallons.  

Ce n’était pas tout. Liliane, enthousiasmée par l’ambiance imprévisible créée par ses collègues matheux, a voulu nous remercier en nous invitant à partager un barbecue chez elle, quelques jours plus tard. Ce fut le premier des rendez-vous festifs annuels des profs de maths, toujours durant les examens de juin (à ne pas dire aux élèves!) et au même endroit (merci Lily!). Heureusement pour elle, un collègue a pris une année le relais en montrant aux autres que le cercle était une figure géométrique dont le rayon ne peut être nul… Nos jeunes collègues ont l’amabilité de continuer à inviter les retraités de notre «confrérie».

a7.jpg Eric Dethier au micro                                                        Eric Dethier 

Lors de ces agapes fraternelles, Bernadette Pirotte et moi, euphoriques, avons décidé de lancer une Amicale pour tous. Je peux dire que c’est grâce à mon obstination – Delobel n’avait pas l’air enchanté par cette initiative – que, dès le mois de septembre suivant, nous tenions notre première réunion. L’historique de l’Amicale SFX et la relation de ses activités, nombreuses photos à l’appui, se trouvent sur le site officiel du Collège: http://www.collegesfx.be - Anciens - Amicale des profs.

Vous voyez ci-dessous la photo des trois premiers profs admis à l’éméritat (hum!) lors du dixième anniversaire de ce premier rendez-vous mémorable, fêté à nouveau chez Liliane Schmits; elle y tenait absolument.
p6180324c.Juin 2007 chez Liliane: Les 3 anciens.

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14 avril 2010 3 14 /04 /avril /2010 16:17

8.  Petite histoire des règlements (suite)

A.
1970-1974

Dans le calendrier scolaire de 1970 -1971, à l’exclusion de la définition de l’examen de maturité – et du calendrier de l’année scolaire, évidemment –, toutes les pages ont disparu, ou plus exactement sont devenues blanches (le papier était sûrement moins cher qu’aujourd’hui). Exit le règlement du Collège, idem pour celui des collèges jésuites. Ne parlons plus des notions de politesse, qui sentaient déjà la naphtaline.

Capelle LS 68Capelle a des idées novatrices pour le Collège, c’est un homme qui vit avec son temps: il est perméable aux changements engendrés par le Concile Vatican II (clôturé en 1965 sous Paul VI) et aux suggestions de Mai 68. Il met sur les rails le Conseil de direction paul VIavec élection des membres enseignants, une petite révolution. Je me souviens aussi d’une réunion de cette assemblée où il fit part de son projet d’imposer une condition sine qua non pour obtenir un diplôme estampillé Saint-François-Xavier: chaque élève devrait participer à une retraite-service en Seconde. Il ne suffit pas de faire la preuve de ses connaissances, il faut encore montrer qu’on veut s’intéresser aux autres, surtout aux plus faibles. Je trouve ces initiatives excellentes. Comme l’Eglise, le Collège ouvre ses fenêtres, le tout est de ne pas perdre son âme.

Et les règlements dans tout ça? Plus de traces écrites, du moins dans le calendrier officiel. De mémoire, je dirais qu’effectivement on a fonctionné plusieurs années sans ces documents et pourtant sans problème. Le Royaume-Uni se passe bien de constitution écrite depuis des siècles, alors pourquoi pas un petit collège comme le nôtre? Il est vrai que Norbert Capelle n’a pas eu beaucoup de temps pour pondre une nouvelle mouture: il quittait le Collège dans des circonstances un peu particulières (voir SOUVENIRS 10bis) en juillet 1972. 

B. 1974-1978
Luigi inaug 77Le père Louis Lefèbvre, arrivé en 1972 pour remplacer Nono, ne se précipite pas pour combler le vide juridique. Il prend son temps pour écrire d’abord un opuscule destiné aux parents des nouveaux élèves. Comme je le connais, cette tâche doit le passionner. Voici la couverture de la plaquette Le Collège SFX vous accueille…










Le Collège vous accueille

Cette charte comprend 20 pages de texte et 4 photos. Après un mot de bienvenue, on y découvre les chapitres qui vont de «Notre idéal» au «Sport au Collège» en passant par «La discipline», les «Etudes», etc
.

 

                            NOTRE  IDEAL

Le collège SFX est un institut libre catholique, reconnu par l’Etat et en partie subventionné par lui.

En tant que collège, il remplit un rôle humain, social et civique: il veut aider les élèves qui lui sont confiés à devenir des hommes vraiment insérés dans la communauté humaine et capables de la servir avec une lucide efficacité.

En tant que collège catholique, il est aussi et essentiellement une œuvre d’Eglise (...)
 

Nous luttons pour obtenir de l’Etat la fin de ces injustes discriminations qui ne permettent à l’enseignement libre de subsister qu’en recourant sans cesse à l’aide pécuniaire des parents. Plus rien ne justifierait cette lutte si notre enseignement ne se montrait fidèle à sa vocation qui le différencie fondamentalement de l’enseignement officiel (…).

[
Cette formation chrétienne] se traduit par une référence fréquente à la personne du Christ et à l’Eglise, référence parfois explicite, le plus souvent implicite et vécue. (…)

On ne formera les jeunes d’aujourd’hui que si on se situe dans cette double perspective:
-    leur présenter un idéal élevé et exigeant (les propositions timides les rebutent);
-    leur faire prendre conscience que la réussite de leur éducation dépend de la collaboration de tous: parents, professeurs et élèves eux-mêmes.


Le ton est donné. Le texte est évidemment et avant tout un plaidoyer pro domo. Ce qui m’accroche le plus, c’est le style. Les choses sont dites clairement, ça sent le Luigi à plein nez (voir SOUVENIRS 12). Le chapitre le plus percutant est à coup sûr celui de la discipline, qui ne prend pourtant qu’une page. Ici, pas de propagande. En voici les grandes lignes (ce n’est pas moi qui souligne):
 


                                LA   DISCIPLINE

«Pour faire un arbre, mon Dieu, que c’est long pour faire un homme, mon Dieu, que c'est long!»

(H. Auffray)

Pour devenir un homme, un adulte dans le monde d’aujourd’hui et de demain, la discipline ou, en d’autres termes, le gouvernement de soi-même, est plus que jamais nécessaire (…).

 La vie en groupe, le travail en équipe – mis en valeur de nos jours – postulent des caractères trempés, compétents, capables de prendre leur part de responsabilité; elle n’a que faire des pleutres, des amorphes ou des suiveurs! (…)

[On croirait entendre un tribun. Manifestement, nous sommes loin de l’Eloge de la fragilité du très médiatique Gabriel Ringlet, surnommé «Le  larmoyant» par un ancien élève particulièrement doué (voir SOUVENIRS 22)].

Cette vie d’étudiant, austère dans son déroulement  quotidien, n’a de sens profond
et épanouissant que dans la perspective chrétienne où se met le Collège Saint-François- Xavier.

Dans le calendrier de l’année scolaire 1974-75, on voit réapparaître un règlement, celui du Centre Scolaire SFX (appellation tristounette). Ce règlement ne peut s’interpréter qu’en référence à la charte de Saint-François-Xavier (cf. la plaquette: Le Collège SFX vous accueille…), précise-t-on d’emblée, et dans l’esprit qui y est évoqué. On abandonne certains articles de la dernière mouture (celle de 1969) comme le long art.2 sur la prière et l’assistance à la messe au Collège. Plus d’affirmation de notre soumission au roi ni même au pape (art.4). Plus de cas d’exclusion explicitement mentionné. Le fumage des grands est toléré au Collège même, mais aux endroits indiqués (le local des rhétos, sous le cinéma, et le jardin des pères) et en rue (sauf aux abords immédiats du Collège) et, précaution utile, ils sont priés de ne pas tenter les plus jeunes!
Comme on n’arrête pas le progrès matériel (nous sommes sans le savoir à la fin des Trente Glorieuses), vu le manque de place, les élèves ne parquent pas leur auto dans le jardin du Collège. C’est une précision demandée par des profs qui, au moment des examens de maturité de la fin juin 1974,
avaient constaté en entrant dans le seul parking de Saint-François-Xavier, que celui-ci était complet à cause de la présence inhabituelle de grosses cylindrées. Renseignements pris, ces véhicules étaient conduits par certains de nos jeunes – des fils à papa tout fiers d’avoir enfin 18 ans! Cet événement avait beaucoup choqué les travailleurs de notre institut, subitement obligés de galoper pour chercher une place (payante) dans la ville surchargée par la traditionnelle braderie de fin d’année. L’histoire des règlements est l’histoire des abus...

Pas d’autres réelles surprises dans ces arrêtés, on rappelle encore et toujours la signification des trois coups de cloche (ou plutôt de sonnerie) à la fin des récréations et le fait qu’on ne joue jamais dans la cour pendant les classes et les études. Mais je relève quand même 3 articles susceptibles d’amener des discussions:
art.8
Les Parents veilleront, en collaboration avec le corps enseignant et éducateur, à ce que leur fils ne prolonge pas les discussions en tel ou tel endroit de la ville, spécialement dans les cafés [l’époque a changé, auparavant, on parlait directement de renvoi].
art.15 Les élèves éviteront l’acceptation de rendez-vous divers (dentistes, médecins...) pendant les heures de cours [haro sur les orthodontistes, inflexibles dans leurs rendez-vous].

art.16 Le Collège  juge peu conforme à l’esprit qui l’anime les demandes d'anticipation ou de prolongation des vacances, sauf pour une raison médicale.

Ah, l’article 16! Dans la Constitution de la Ve République française (1958), cet article 16 donne les pleins pouvoirs au président de la République. Il provoqua d’interminables polémiques dans la presse d’outre-Quiévrain (la France deviendrait alors une dictature!), mais ne fut utilisé qu’une seule fois – par le général de Gaulle –, lors du «Putsch des Généraux» français à Alger en avril 1961.
Pardon, je m’égare, quoique…
Putsch La croixMalgré l’art.16 de notre règlement, certains jeunes revenaient tout bronzés et en pleine forme, mais avec 8 jours de retard au second trimestre. Ce qui leur permettait en même temps de «brosser» la retraite. Comme ils avaient un certificat médical en bonne et due forme, que faire? Le recteur Lefèbvre estima à juste titre que les parents se moquaient de lui et piqua une grosse colère (ce n’était pas son moindre défaut). Il convoqua lesdits parents et leur expliqua sans détour qu’en cas de récidive, ce serait le renvoi de leur rejeton du Collège: aussi sec! Cet épisode me rappelle le jour où j’ai copieusement morigéné une épouse de chirurgien (nettement plus âgée que moi) dont le fils revenait des sports d’hiver 8 jours plus tard que les autres alors que ce gamin peinait en maths (voir SOUVENIRS 19).
La mise au point de Lefèbvre fit hurler la bonne société verviétoise (pensez donc, ce jésuite soupçonnait les docteurs de faire des certificats de complaisance…), mais l’année suivante, tout le monde était revenu à temps. Les écrits ne règlent pas tout, loin de là.

C. 1978-1980
Jean-Marie Delobel devient directeur au mois d’août 1978. Il laisse le calendrierDelobel 1980 intact, mais ce sera la dernière édition (voir ci-dessous) de ce fascicule.
dernier calendrier





































Raison invoquée: trop cher! C’est sans doute vrai, mais on s’y était attaché à ce premier document (genre agenda) qu’on recevait tous à la rentrée, profs comme élèves. On se contentera donc à l’avenir de photocopies agrafées (format A4; voir ci-dessous). Documents qu’on ne retrouve évidemment pas, 30 ans plus tard, dans le grenier de la rue de Rome.
Jean-Marie a des idées et il sait que la plupart des gens – des électeurs, disaient les mauvaises langues – adorent la nouveauté. Il mijote un coup « médiatique » qui fera date.



D. 1981: le projet pédagogique
(voir Souvenirs 14)

C’est la nouvelle charte du Collège, Notre idéal a déjà 10 ans! Voici les grandes lignes (voir le texte ci-dessous), qui reflètent bien l’esprit qui la sous-tend. J’insiste sur la 1re ligne des objectifs:
Les jeunes sont inscrits au Collège pour y faire des études…
Précision pour les distraits qui se croiraient au Club Med ou dans un pénitencier? Notez que cette entrée en matière fit l’unanimité de la communauté éducative consultée. Je suppose qu’on avait constaté quelques dérapages: les études passaient-elles (déjà!) après l’amusement dans l’esprit de nos jeunes? Les parents et les profs le craignaient, surtout qu’avec l’adoption toute récente du Rénové, on redoutait justement un certain relâchement dans les études. Voici le début de ce document:

1. OBJECTIFS
Les jeunes sont inscrits au Collège pour y faire des études. Les éducateurs ont reçu de l’Eglise la mission d’éduquer. 
EDUQUER: Il ne s’agit pas d’imposer de l’extérieur un programme tout fait, mais bien de CHEMINER AVEC d’autres sans exclusive aucune.

2. LES VALEURS

Eclairés par la lumière évangélique, les élèves sont éduqués s’ils deviennent peu à peu:        
         des hommes et des femmes libres,
         des hommes et des femmes qui ont confiance en soi,        
         des hommes et des femmes pour les autres,
         des hommes et des femmes ouverts à leur époque (…)

3. LA COMMUNAUTE EDUCATIVE
L’ECOLE doit constituer une COMMUNAUTE EDUCATIVE en relais avec les autres communautés de vie.

SEULE LA VIE SOCIALE, LA VIE EN COMMUNAUTE PEUT AMENER L’INDIVIDU HUMAIN AU STADE DE LA PERSONNE. 

Les mots en majuscules sont censés nous impressionner. Je ne cesse de ressasser la dernière phrase, mes pauvres connaissances philosophiques me laissant pantois.
Je n’ai malheureusement pas retrouvé les arrêtés d’application qui devaient être, si je me souviens bien, très semblables, sinon identiques aux précédents.

E. 1981-1998
Ce projet pédagogique sera la référence absolue pour le directeur Delobel, qui en fit une manie. Pourtant, je doute de l’efficacité de ce texte pour la communauté scolaire, profs comme élèves. Il n’a pas été fort lu, c’est une certitude. Plus j’y pense, plus je suis convaincu que l’important dans pareille entreprise, c’est la discussion préparatoire, le travail en commission. Une fois le texte rédigé, il perd instantanément de son intérêt, il entame son inévitable processus de pourrissement. C’est paradoxal, mais c’est ainsi. Il est donc souhaitable (comme on l’avait fait à l’époque) d’associer des élèves, le plus d’élèves possible et pas seulement des rhétos, à la rédaction de notre charte. Et il faudrait recommencer cette belle ouvrage régulièrement (pourquoi pas chaque année?).

Cette initiative de Delobel – un précurseur en l’occurrence – deviendra, 16 ans plus tard, une obligation exigée par le fameux Décret-Missions de la Communauté française. J’en reparlerai à l’occasion.

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7 avril 2010 3 07 /04 /avril /2010 15:50

7. Petite histoire des règlements

En regardant le règlement de 1947, je vois des interdits surréalistes, qui seront d’ailleurs supprimés ou édulcorés en 1952, année où je suis arrivé au Collège:

reglem-AA-regl-10-58-59.jpg
 





Art.10: Il est défendu aux élèves de s’arrêter aux vitrines,... Pourtant, il n’y a pas grand-chose sur les présentoirs, la Belgique connaît toujours le système de timbres de ravitaillement pour gérer la pénurie. D’autre part, si les quelques péripatéticiennes verviétoises se concentraient rue du Commerce (d’après les confidences de ma belle-mère, 94 ans), aucune ne s’exhibait en vitrine.


A. De 1952 à 1958

Le calendrier scolaire remis à chacun en début d’année contient tous les textes (9 petites pages) qui régissent à la fois la discipline, l’éducation et les études au Collège Saint-François-Xavier de Verviers.

On y trouve d’abord un bref avis aux parents d’une demi-page.
reglem-Avis-aux-parents-58.jpg
 



































 

 

En clair: chers parents, soyez des saints! Poursuivons.


reglem-Extrait-General-58.jpg

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Attention, l'article suivant laisse la porte ouverte à l'élitisme...

reglem-Pour-les-parents--58.jpg
  

 

 













....et qui possèdent d’ailleurs les qualités morales et intellectuelles nécessaires.

C’est dit. Cela justifie amplement les examens d’entrée en 6e Latine qui se pratiqueront jusqu’en 1967 pour tous les élèves ne venant pas de nos préparatoires.


Suivent 3 pages sur les questions pratiques concernant les bulletins et le passage de classe.
Quelques lignes plus loin, on aborde les questions matérielles.

A cette époque, l’enseignement secondaire libre catholique n’est pas subsidié par l’Etat. Donc il coûte. Chaque trimestre, les parents doivent payer le minerval. Je crois me souvenir qu’en 1955, ledit minerval s’élevait à 300 FB par trimestre. Pour convertir cette somme, sachez que le pain ordinaire de 1 kg non coupé (on commençait à voir les premières machines à couper le pain, très bruyantes) se vendait partout 7,50 FB. Ce qui donnerait – calcul très approximatif – environ 77€ par trimestre en 2010. C’était le coût de la liberté. Mais on précise plus loin que les réductions sont du ressort exclusif du Révérend Père Recteur. Il y avait donc des accommodements avec le Ciel.
Enfin, le règlement du Collège Saint-François-Xavier de Verviers prenait 4 pages de cet opuscule.
reglem-Regl-du-College-1---58.jpg































 

Je peux témoigner qu'en 1956 on pouvait aussi recevoir un bol de cacao chaud, toujours offert par la maison. N’oublions pas qu’à cette époque, pour aller communier, on devait être à jeun, c’est-à-dire ne plus rien avoir absorbé de solide depuis la veille.


règlem Règl du Collège 2b 58

 




























Parle-t-on encore de l'Ange gardien?

Pour terminer, tâchez d'imaginer ce que peut bien vouloir dire "l'honneur des familles" dans l'article 5c.
reglem-Regl-du-College-5c---58.jpg






























Au total, ce règlement interne comprend 24 articles, mais les derniers sont moins intéressants.

B. De 1958 à 1971
1958 est une année importante de notre histoire: les électionsgaston-eyskens.jpg législatives renvoient dans l’opposition les partis laïcs, pas encore violets, qui viennent de gouverner ensemble 4 ans d’affilée, le PSC-CVP de Gaston Eyskens (photo ci-dessus) remportant la majorité absolue pour la dernière fois de son existence. Dans la foulée, le Pacte scolaire scelle la fin de la seconde guerre du même nom.Pie-XII-pape-n.jpg

de GaulleDe Gaulle (à gauche) revient aux affaires en France grâce à un coup d’Etat qui ne dira jamais son nom tandis que Jean XXIII ouvre les fenêtres du Vatican après la mort de Jean-XXIII.jpgPie XII.

Et dans le calendrier scolaire (sûrement préparé au mois d'août), non seulement on conserve intégralement les pages précédentes, mais on en ajoute 4 sur Les règles élémentaires de politesse dont voici le début:
























      

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ces règles de savoir-vivre se terminent par ces mots:
La politesse, c’est gênez-vous (Pascal). L’impolitesse est une forme d’égoïsme; la politesse est une vertu faite de charité et de renoncement.

Pascal-Blaise-23-62.jpgSi Pascal le dit… Blaise Pascal, qui écrivit Les Provinciales – mais si, rappelez-vous, les 18 lettres où il tance les jésuites! Sale période qui aboutira à la suppression de la Société de Jésus par le pape Clément XIV (nom d'une rue reliant Verviers à Andrimont!).
Ce n’est pas un bon souvenir pour la Compagnie, mais depuis, elle a pardonné: c’est beau!



Le ton est un peu édulcoré à partir de 1959. On parle plutôt de "notions de politesse" et de "respect envers Dieu".
 
 

  regleme-regl-de-Politesse--suite-59.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je vous fais grâce des 3 dernières pages où on traite, entre autres, de la correction du langage et des convenances à table (Ne vous asseyez ni trop près ni trop loin de la table et ne vous appuyez pas contre le dossier de la chaise... ).

 

Oui, on croit rêver. Je suppose que l’autorité du Collège estimait que les jeunes en avaient un urgent besoin. Voilà bien une urgence chronique! «Nous vivons dans un âge pourri. Les jeunes ne respectent plus leurs parents. Ils sont effrontés et impatients. Ils passent leur temps aux tavernes et n’ont aucune maîtrise d’eux-mêmes.»: inscription figurant sur une tombe égyptienne vieille de… 6000 ans!
 
En 1964, un ajout explique la distinction entre le «certificat» et le «diplôme d’aptitude à accéder à l’enseignement supérieur», ce qu’on appelait «examen de maturité» comportant une dissertation et un examen oral, au choix du récipiendaire, sur une matière principale ou deux matières secondaires. Cet examen de maturité - hantise de certains élèves durant 15 ans - disparaîtra finalement, on ne sait trop pourquoi.
Nach-57.jpg
En 1966, de
nière année du rectorat du père Nachtergaele, il n'est plus question de messe obligatoire en dehors de l'horaire. Deux fois par semaine, la communauté du Collège, élèves et professeurs, se réunira pour célébrer l'Eucharistie [habituellement à 11h10]. On propose quand même aux élèves d'assister spontanément à la messe les 4 autres jours de la semaine.
Enfin, juste avant de fermer ce précieux carnet, voici en 3e de couverture un avant-goût des vacances:

recommandations 58 59
























En 1969, le R.P. Capelle arrive à la barre; la seule chose qu’il changera au calendrier (dans un premier temps), c’est sa couverture. Elle perd sa partie inférieure que voici.

Bas disparu



      
Capelle.jpg
Logique! on doit faire la promotion de la
   nouvelle  section Moderne: ce n’est pas le moment d’afficher des maximes en latin ni en grec.

Le fameux IHS, devenu aussi le blason des jésuites, provient des trois premières lettres de Jésus en grec: ΙΗΣΟYΣ, écrit plus tard ΙΗSΟUS (prononcé ièsous par les francophones). Ultérieurement réinterprété en latin par Iesus Homini Salvator («Jésusblason de la compagnie Sauveur de l’Homme») ou Iesum Habemus Socium («Nous avons Jésus pour Compagnon»), cette dernière traduction exprimant parfaitement le nom de la Compagnie. A ce monogramme, on ajoutera une croix au-dessus et trois clous en dessous signifiant: "Le disciple de Jésus, qui  veut suivre son Seigneur crucifié, se laisse clouer à la croix par les trois vœux" qui, depuis le temps de saint François d’Assise (bien avant la naissance d'Ignace de Loyola), sont la pauvreté, la chasteté et l’obéissance. Le symbolisme du soleil paraît évident.Voilà donc le blason dans toute sa splendeur: merci Internet!

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29 mars 2010 1 29 /03 /mars /2010 10:24
5. Révolution de palais

Voilà plusieurs années que la composition des assemblées représentatives du Collège est remise en question, que ce soit de la part de notre Pouvoir Organisateur (PO) ou que cela vienne du syndicat. N’oublions pas la particularité verviétoise pour les jésuites: assumer la responsabilité « suprême » de deux écoles secondaires. Il va de soi qu’un regroupement des PO n’était pas pour leur déplaire. Je livre ci-dessous la liste des membres du Pouvoir Organisateur de SFX1, mise à jour le 22 octobre 1997. Deux nouveautés sont à remarquer: ces mêmes personnes forment les assemblées générales de SFX1 et de SFX2, qui sont pourtant juridiquement séparées. On fait d’une pierre deux coups.

Il est tout de même étonnant que des personnes qui n’ont strictement rien à voir avec SFX1 soient dans son Assemblée générale, idem pour SFX2. Je ne suis pas sûr que cette solution soit la bonne. Mais pour l’avenir du Collège, le changement le plus significatif est la perte de la majorité jésuite: un changement historique.


       « Les Amis du Collège Saint-François-Xavier »,
   A.S.B.L.

    
Membres de l’Assemblée générale

Les pères jésuites : André Moreau, Jean Charlier , Bernard Peeters et Daniel Charlier 125SonveaSonveaux Dani 97ux . 















Membres issus de SFX1:
Les directeurs : MM. Jean-Marie Delobel  et Roger Louis .Louis Roger nn 2000





Delobel verso tête delobel

 

 

 

 











Les enseignants: Mme Marie-Thérèse Blocteur (épouse Sternotte), Van-Bossche-qui-rit-05.jpgMM. Philippe Dejong
 Sternotte n 2001 et Jean-Bernard Van Bossche.








Dejong-90.jpg
Les parents: MM. Jean-Marc Bya et Marc Lejeune.

 


Membres issus de  SFX2
 :

Les directeurs: M. Jacques Wynants et Mme Asta Cormann (épouse Prickartz).
Les enseignants: Mme Josiane Solheid (épouse Gaspar), MM. Fr. Chapelier et José Gernay.
Les parents: Mme Songhen et M.T.Da Via.


Membres de l’extérieur
 :
Lemmens 82M. l’Abbé Lemmens (doyen; à gauche), MM. Bernard Leroy et Paul Maystadt
(ancien; photo de droite)Maystadt 125.

En comptant bien, les jésuites ne représentent plus que les 4/21 de l’Assemblée générale. Le Collège est-il encore une école de la Compagnie? On peut se poser la question.

6. Le Conseil de participation

On en parlait depuis quelques années déjà, mais ce n’est qu’en 1997 que le Conseil de participation deviendra une obligation légale. Ce fameux Conseil siégera pour la 1ère fois le 23 octobre de cette même année. Voici en bref sa composition:

     1. Chefs d’établissement : MM. Delobel et Louis
2. Représentants du Pouvoir organisateur: R.P. Sonveaux, MM. Camps (sous-directeur, à gauche) et Embrechts (à droite): tous préfets.
Embrechts 2003Camps 2005










3. Enseignants:
   
A. SECONDAIRE: Mmes Schoonbroodt (à gauche), Degueldre, MM. Jamotton (à gauche) et Potelle (représentant syndical,
Schoonbroodt-MF.jpg à droite).
Degueldre n 2003








Jamotton--93-copie-1.jpg
                             Potelle-96.jpg


 

 







   

B. PRIMAIRE : Mme Mélotte et M.Heuschen  
                                 (ci-dessous).     

Heuschen rit 05

 

            Melotte 2005

 

 

 

   
              



       4. E
lèves :
 A. SECONDAIRE :
         
Cycle inférieur: Rémy DOURCY (à gauche) et  Charline  BEAUVE.
         
Cycle supérieur : Tiffany GAROT et Nicolas  KYNDT.
 B. PRIMAIRE :
Laura BOVIR et François  LEROY (photo très postérieure).

           Dourcy Rémy 97 Leroy François 2002                
          5. Parents :  A. Secondaire : Mmes HUMBLET, FETTWEIS, DEFAYS,
 
                                  et DUMOULIN.
                               B. Primaire : Mmes MAURER et
Bénédicte BELLET.
              6. Environnement social, culturel et économique: à désigner.

Remarquons qu'il n'y a aucun homme chez les parents et aucune femme dans les Humblet Gene 2005.B jpgchefs d'établissements, ni dans les représentants du  P.O. On peut raisonnablement penser que ça ne durera pas.
J'en profite pour dire que j'avais d'excellents rapports avec Mmes Humblet et Fettweis, personnes de qualité, mais que je ne connais pas les autres parents de ces assemblées.
Quant aux projets et règlements rédigés petit à petit par ce dernier conseil, ils sont intégralement sur le site officiel du Collège. Il faut être très courageux et très motivé pour arriver au bout: l’ensemble fait 38 pages, pas moins !

Mais avant d'ausculter ce mastodonte, examinons ses ancêtres.

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25 mars 2010 4 25 /03 /mars /2010 21:35

4. Le père Monfils
 

Branchés désormais sur Notre-Dame, trois jésuites au moins (Sonveaux, Monfils et Maurage) quittent le 14 de la rue de Rome pour s’installer dans le presbytère de l’église des Récollets. Thierry Monfils devient ce qu’on aurait appelé vicaire en un autre temps.

Ce jeune jésuite est arrivé au Collège en 1990 pour y faire sa régence (temps de deux années, entre les deux cycles d'études académiques en philosophie et théologie). On lui confie immédiatement le titulariat d’une classe de 5e, dans laquelle se trouve aussi un fils du directeur en pleine crise d'adolescence. Il va faire son écolage avec un groupe qui aurait besoin d’un vieux loup de mer. La situation n’est pas simple pour ce néophyte. Effectivement, les problèmes de discipline surgissent très tôt. C’est vrai qu’il part avec certains handicaps: son nom, son regard mal assuré et sa bonté d’âme frisant la naïveté. Le climat est franchement détestable en fin de premier trimestre. Il ne maîtrise plus la situation. Pauvre homme: il doit souffrir. Mais il accepte cette situation comme une épreuve divine. Il ne se plaint pas.

Juste avant Noël, les profs se retrouvent pour un dîner festif. Thierry est en face de moi. Je le fais parler de son expérience d’enseignant. Il se livre franchement. Ses voisins de table, euphoriques, réagissent d’abord comme des adolescents: ils le tirent en bouteille. Puis réalisent ce qu’il vit vraiment et le bousculent de «bons» conseils. Ceux-ci n’y changeront rien. Il tirera son boulet jusqu’à la fin de l’année.

A mon avis, il n’est pas fait pour l’enseignement, ce brave homme. Je suppose que le directeur s'en est rapidement aperçu, mais je n'ai pas le souvenir qu'il l'ait beaucoup aidé. J’enrage que personne ne prenne de décision pour soulager ce pauvre idéaliste, qui va au cours par esprit de sacrifice. Il obéit en vrai jésuite, perinde ac cadaver. J’imagine que le directeur a informé le Provincial de la Charlier 74-75situation. Celui-ci, Jean Charlier, vient faire sa visite annuelle, mais il n’est manifestement au courant de rien. Ce ne sont pas mes oignons, mais je fonce – je le connais assez –, je dois l’informer et le secouer. Je me souviens l’avoir interpellé vivement: «Le père Monfils, vous avez décidé d’en faire un martyr?» Charlier est stupéfait par mon ton agressif, il est pris de court. Il bredouille – pas l’air d’un chef du tout! – pour me demander finalement si c’est aussi grave que ça. Pis, docteur!

Evidemment, Thierry ne sera pas débarqué de l’école le lendemain. En tout cas, je suis convaincu (mais tout le monde peut se tromper!) qu'il ne fera pas carrière dans l’enseignement. L'année suivante, il sera d'ailleurs dirigé vers le service de l’église du Sacré-Cœur (tant qu’elle existera) et les œuvres. Je crois que la démolition de l’église du Collège l’a beaucoup affecté, mais lui, en vrai fils de saint Ignace, il se conforme à la ligne directrice de ses supérieurs successifs, Huet, Sonveaux et Dupont.

Il ne vient plus à la salle des profs ou dans la cour que pour informer et solliciter les gens en faveur des déshérités de Verviers ou des victimes de catastrophes.

J’ai été assez étonné de l’entendre promouvoir, durant la guerre en ex-Yougoslavie, le soutien aux Croates victimes de l’agression serbe. Personne d’autre n’en parlait. Chez nous, de même qu’en France, on n’avait pas encore oublié que, pendant la dernière guerre, les Serbes étaient du bon côté, tandis que les Croates avaient misé sur le mauvais cheval (Hitler). Il y a des fautes qu’on n’oublie pas facilement.

Comme les Croates sont en général catholiques, les Serbes orthodoxes et les Bosniaques musulmans, j'imagine que pour Thierry Monfils, la première urgence était de soulager la détresse de ses coreligionnaires.

Je revois encore son grand corps un peu voûté, son air réservé – toujours prêt à s’excuser – et ses yeux inquiets qui se croyaient cachés par les verres de ses lunettes. Il ose aborder les gens, prêt à battre en retraite au moindre signe d’irritation: il reviendra le lendemain sur la pointe des pieds. Il explique très sobrement l’objet de sa démarche, déjà content si vous lui prêtez quelque attention. C’est alors, mais alors seulement, qu’il développe ses arguments avec beaucoup de conviction. Sachez qu’il est tout ouïe si vous avez quelque objection. Il sait écouter, c’est même étonnant de voir quelqu’un d'aussi concentré sur vos propos. Vous êtes obligé de mesurer chacune de vos paroles. Ne vous pressez pas, il a l’air d’avoir tout son temps. Pas banal, un type pareil.
(Ci-dessous, Thierry Monfils derrière le père Jaspar en 1996)

Monfils-Jaspar-96.jpgJe suppose que le père Monfils fut très soulagé de ne plus être enseignant. La veille de son départ définitif de Verviers, en 2004, le recteur Hubert Dupont rappela qu’il avait fait vœu d’obéissance et de pauvreté: celle-ci, dit-il, se veut témoignage et partage. Thierry «animait à Verviers un Comité de soutien qui s’efforce d’aider les migrants forcés, réfugiés non reconnus en situation transitoire, ne pouvant recevoir aucune aide du C.P.A.S.»

La Viale Lozère 2Thierry partira le 28 septembre, sur l’ordre du père Xavier Dijon, le nouveau Provincial. A Bruxelles, il s’occupera de La Communion La Viale Europe (La Viale est un hameau des Cévennes, lieu de retraite recommandé par les jésuites; voir photo ci-dessus).

Triste de quitter Verviers où il avait été heureux (c’est lui qui le dit), il écrit:  «Une nouvelle mission est un appel du Seigneur, l’occasion de grandir; je suis content d’obéir.» Il termine son petit mot d’adieu en paraphrasant Begnini dans le film La Vie est belle: «Souriez, même si vous avez des raisons de grogner; souriez, Dieu est bon.»
Un saint? un illuminé? Ne peut-on être les deux?

[Note tardive: j'ai revu Thierry récemment, en juillet 2011, il célébrait les funérailles du papa (hongrois) de Jean-Pierre Kis. Manifestement, il parle bien le hongrois et semble particulièrement branché sur les pays d'Europe centrale. Maintenant, il est barbu et ne porte plus de lunettes: un tout autre homme! Peut-être (sans doute) est-il mieux dans ses baskets aujourd'hui, toujours enseignant, mais plus en Belgique...].

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23 mars 2010 2 23 /03 /mars /2010 16:20

1997: réformes de structures

1. Le Zaïre redevient Congo

Les gens qui ont au moins mon âge (le 30 juin 1960, jour de l’indépendance du Congo, j’avais 16 ans) apprenaient la géographie du Congo à l’école primaire. En outre, nous connaissons tous des Belges qui ont passé une bonne partie de leur vie dans cet immense pays (80 fois la Belgique). Malgré les années, le Congo est resté un petit peu belge dans notre cœur. Mes collègues Joseph Cravatte et Jean Lemaire y ont vécu quelques années et en parlaient volontiers. De nombreux jésuites ont été missionnaires dans cet héritage de Léopold II. J’ai rencontré, entre autres, le père Paul Ernst -  frère d’Albert, jésuite missionnaire aux Indes.  Son parcours africain n’était pas très classique, puisqu’il devient Recteur du du collège de Gbadolite, ville-repaire du président zaïrois. Ce collège, fondé par la volonté du chef de l'Etat entraine Paul Ernst dans l'entourage immédiat mobutudu président Joseph-Désiré Mobutu (ci-contre), qu’il admirait discrètement; il était entré à fond dans le mouvement de zaïrianisation (sorte de décolonisation culturelle imaginée par Mobutu, qui du même coup donna le nom de Zaïre à son pays). Il suivait ainsi les recommandations des derniers Chapitres généraux des jésuites: "il faut s'inculturer, s'incarner dans la culture de ceux avec qui on vit, découvrant les éléments positifs pour événgéliser comme de l'intérieur." Leçon à distance du célèbre jésuite itallien Matteo Ricci, qui vécut en Chine à la fin du XVIe siècle.  

Le père Paul Ernst  m’a expliqué que Mobutu – ancien sergent de la Force publique, maréchal autoproclamé – était beaucoup plus cultivé qu’on ne le croyait généralement et surtout plus rusé. Dans le bureau présidentiel de Mobutu Sese Seko – nom que le Léopard du Zaïre avait pris après la zaïrianisation – trônait un portrait de Pierre Teilhard de Chardin (photo de droite). EtTeilhard le bougre en connaissait un brin sur ce grand jésuite. Il avait sans doute étudié sa biographie pour épater des visiteurs comme le père Paul Ernst. Mobutu était d’abord un habile séducteur.

Quoi qu’en dise le père Ernst, ce dictateur qui avait transformé le Zaïre en kleptocratie, avait mené son pays à la ruine pendant qu’il se constituait un magot colossal: à sa mort, on évaluait la fortune de ce multimilliardaire mégalomane à la moitié de la dette publique du Zaïre (13 milliards de dollars)!
Paul Ernst, qui connaissait bien l'Afrique du Sud (à l'entendre) prédisait les pires catastrophes à cause du pouvoir noir. Curieux bonhomme. 

Fin 1996, on entend parler de l’Alliance des Forces démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL), un mouvement armé issu du Rwanda dirigé par un certain Laurent-Désiré Kabila (à droite), illustre inconnu. Après quelques Kabila Laurent Désirésemaines d’informations contradictoires, cette «armée de libération» montre plus que des velléités à l’encontre du régime mobutiste. Elle vole de victoire en victoire dans cet immense pays qu’elle est en train de traverser d’est en ouest. Un beau jour, on voit à la TV de jeunes militaires chaussés de bottes de caoutchouc noir défiler dans un ordre parfait: c’est LES REBELLES RUANDAISla fameuse phalange de Kabila à laquelle rien ne résiste. Le peuple reste stoïque: trente et un ans de tyrannie, ça suffit! Mobutu, atteint d’un cancer de la prostate (comme Mitterrand), est dépassé par les événements. Le «Roi du Zaïre» abandonne piteusement son pays pour aller se faire soigner en Suisse, pays qui préfère manifestement le magot à son propriétaire. Puis il cherche tous azimuts un pays qui voudra bien l’accueillir. Il ira finalement mourir au Maroc en septembre 1997.

Entre-temps, Kabila a pris le pouvoir à Kinshasa. Pas de massacres. On se prend à rêver d’une renaissance pour notre ex-colonie qui a repris son nom d’origine: Congo. Ce ne sera qu’un rêve. On devine que le Congo vient de tomber de Charybde en Scylla.

2. Le nouveau préfet d’Education

Le préfet Servais annoncé partant en juin 1996, ses collègues supputent les chances de chacun des surveillants-éducateurs pour sa succession. On hésite en général entre Jean-Claude Houssonlonge, qui a assumé son remplacement durant son absence, et Eric Jaminet, éducateur plus jeune et bibliothécaire. Ce sera un troisième larron, Dominique Embrechts, professeur de langues et titulaire au cycle inférieur. Les questions ne manquent pas. A-t-il la carrure pour cette fonction difficile? Sa petite taille n’est-elle pas un handicap? Ce prof se rend-il compte qu’il va changer de métier?

 

Embrechts 2003Dominique est un enseignant de caractère et, sous des dehors bonhommes, c’est un ambitieux. Contrairement à ce que certains pensaient, Dominique a su se faire respecter. Je l’ai vu engueuler un élève en hurlant littéralement sa colère: celui-ci s’en souviendra toute sa vie. J’avais peur pour lui.

En revanche, c’est un homme de relations, volontiers souriant et non dépourvu d’humour. On commence à découvrir vraiment qui il est après un bon trimestre, période d’apprentissage normale. Il commencera alors à utiliser régulièrement les News (anciennement Valves de Poche) pour communiquer avec le corps professoral.

Pendant ses heures perdues – on n’imaginait pas que le préfet de Discipline eût du temps libre –, il étudie. Dominique veut décrocher une licence en cours à horaire décalé. Ce n’est sûrement pas pour rester chef des surveillants-éducateurs.

C’est un préfet différent, le style a changé, mais on ne peut pas dire que le Collège vive une nouvelle ère. Je n’ai pas le souvenir d’un grand bouleversement. Il est vrai que je n’ai pas souvent eu besoin de recourir aux services de cette préfecture.

3. Changement de recteur

Comme de coutume, c’est le 31 juillet, jour de la Saint-Ignace, qu’on apprend les changements importants dans la Compagnie. Le père Robert Huet (ci-dessous) cèdHuet 1997e le flambeau au père Daniel Sonveaux (voir SOUVENIRS 42 - 7) à la tête de la Communauté verviétoise. Ce changement ne surprend personne, il est dans l’ordre des choses; pas de vrai bouleversement, puisque Sonveaux est dans nos murs depuis une dizaine d’années. Pour l’école, il reste titulaire de rhétorique et devient préfet du Spirituel.

Le quotidien Le Jour du 31 juillet 1997 consacre une pleine page à l’événement avec les trois photos ci-jointes. C’est signé Claude Gillet – futur directeur de ce quotidien local fort lu –, un ancien qui n’a pas l’air d’avoir gardé un très bon souvenir de son passage rue de Rome. En tout cas, je prétends, comme Philippe Dejong, que le traiSonveaux Daniel 97tement qu’il nous inflige habituellement sent la rancœur à plein nez. Que s’est-il passé? Nous l’ignorons.

Qu’apprend-on dans cette page? Que Robert Huet (voir SOUVENIRS 40 - 1 et 68 - 6), d’origine française, a 55 ans et qu’il est arrivé en Belgique juste après Mai 68, un diplôme d’ingénieur en poche. Ordonné en 1974, il s’occupe de l’animation nationale des CVX (communautés de vie chrétienne). Il devient recteur à Verviers en 1990. Il confirme que les collèges ne représentent plus une des missions prioritaires chez les jésuites. Voilà plus de 20 ans qu’ils ont pris un tournant lors de la 32e Congrégation générale qui a adopté un décret très important sur «la Foi et la Justice» invitant les jésuites à œuvrer prioritairement dans ce sens: pas de foi sans justice. Globalement, les jésuites se répartissent en trois tiers: un dans l’enseignement (en particulier dans l’enseignement supérieur), un autre dans les missions et le reste dans des apostolats très variés. La Communauté verviétoise a consciemment pris une orientation non scolaire: investissement dans la pastorale régionale et développement de l’activité au service des pauvres via l’Entraide Saint-Ignace, qui apporte des réponses concrètes à des situations douloureuses: œuvre que René Maurage continue encore aujourd’hui (mars 2010). 

Quant au père Sonveaux, on rappelle qu’il est né en 1947 à Jette. Ses parents étant déjà dans le vaste monde de l’enseignement (son père sera même au cabinet du ministre Eglise 1997 Cresponsable), c’est tout naturellement que Daniel s’est retrouvé dans un collège. Ordonné prêtre en 1977, il entre assez tard chez les jésuites. Il prononce ses vœux définitifs le 25 mars 1987 - fête de l'Annonciation - en l'église du Sacré-Coeur de la rue de Rome, à 40 ans. C’est d’abord un intellectuel bardé de diplômes: licencié en philologie classique, en théologie et en droit de l’Eglise. Avant d’arriver à Verviers, il était déjà professeur de rhétorique au collège Saint-Paul de Godinne, où les élèves lui avaient trouvé le surnom judicieux de Périscope pour sa façon de jeter un regard circulaire, la tête relevée. Notons que c’est à Verviers, en 1986, qu’il découvre la Notre Dame des Récolletsmixité.

Il est entre-temps devenu responsable de la Communion Notre-Dame et administrateur paroissial à Notre-Dame des Récollets (église à droite), une expression bien compliquée pour dire curé.

Curieusement, pas un mot sur le devenir de l'église du Sacré-Coeur (fermée depuis un an). Or, une décision secrète et capitale est prise depuis le 1er juillet 1997, un acte notarié l'a sanctionnée, le directeur aussi étant dans la confidence, et pour cause... (Voir SOUVENIRS 84 - 2).
Si je lis bien la SFX revue de novembre 1997, je peux croire que la Communauté des pères ne compte plus que deux membres: les pères Recteur (Sonveaux) et Ministre Winandy-Pere-1996.jpg(Jean Winandy, décédé le 29 décembre 2010 à Liège, à l'âge de 84 ans). Les autres, qui sont pourtant encore 7 au moins (dont Vincent), ne sont même pas mentionnés… C’est comme s’ils n’étaient déjà plus là!

Il faut dire que la Communauté a été secouée par le décès inopiné du R.P. Dedeurwaerder; j'en reparlerai dans SOUVENIRS 84.

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18 mars 2010 4 18 /03 /mars /2010 13:10

 

Publicités et camps de montagne

 

Quand je suis arrivé au Collège comme prof, je ne me suis pas tout de suite intéressé à la publicité de l'école: j'avais d'autres chats à fouetter. Mais comme je n'étais pas à temps plein (voir Souvenirs 5), j'ai vite compris que mon avenir professionnel dépendait peut-être de l'efficacité de la publicité, voire de la... propagande en faveur du Collège.

Mon plus ancien souvenir à ce sujet date de l'année 1955-56, juste après l'ouverture de la nouvelle salle de cinéma. Je me souviens bien d'une affiche qui ornait la vitrine du Centre. On pouvait y lire ceci:

                  80% de nos élèves réussissent à l'université.

Ce slogan était surmonté de la photo d'un étudiant affichant la sérénité du fiston dont le papa a eu de la chance (comme dit Jacques Brel). Ce garçon avait en outre des épaules de déménageur, ce qui m'impressionnait beaucoup (à 12 ans, j'étais mince!). J'imagine que le nom du Collège se trouvait en bonne place, mais sûrement pas avec le sigle SFX: ce n'était pas encore la mode.

Cette pub avait séduit mon jeune esprit. Elle confortait l’idée que j'étais bien dans la meilleure école de Verviers. Un peu plus tard, je me suis quand même demandé comment ils avaient compté pour arriver à ce 80%.

Il fallait évidemment comprendre: «80% de nos rhétoriciens qui s'inscrivent à l'université réussissent... la première candidature». C'est déjà moins glorieux. 

 


En tout cas, ce que j'ai retenu, c'est que l'affiche n'a pas été utilisée longtemps (2 ans?). A mon avis, on faisait référence à une fameuse cuvée, sans doute celle de 1954. J'en ai conclu un peu hâtivement que la cuvée 1956 et les suivantes étaient moins bonnes... Finalement, je me suis demandé si l'école n'était pas en perte de vitesse: juste le contraire de l'espoir de la direction! Rien d’objectif ne vient soutenir cette thèse, mais en matière de publicité (commerciale), l’objectivité est rarement au rendez-vous. 
Je suis convaincu qu'une école ne doit pas se lancer dans ces jeux commerciaux. Evitons les slogans! Nous devons communiquer en veillant à la diffusion d’une information incontestable et actuelle.  
 

 

 

A ce sujet, depuis mes jeunes années de professeur, chaque fois que je monte la rue de Rome, je regarde instinctivement l'immense panneau collé sur le mur du bâtiment proche de l'église (voir photos ci-dessous) quand elle existait eglise-1999-Sacre-coeur-affiche.jpgencore. Je ne suis pas tout à fait sûr des dates, mais je crois bien qu'en 1966, cette affiche était toute fraîche, avec une place libre pour d’éventuels ajouts. Heureusement, puisque la section Moderne-Scientifique B ne s'est ouverte, dans le cycle supérieur, qu'en 1972.

Voilà une bonne publicité, bien visible, donnant une information objective. Oui, mais c'est toujours la même depuis... 40 ans!  

 
Pub affichée rue de Rome
Pub rue de Rome

 

                                                           



Quand j'entrais au Collège par le parking le long du bassin de natation, je voyais le panneau de bois – toujours un peu de travers (voir la photo ci-dessous qui provient de la couverture d'un livret destiné aux nouveaux inscrits)  – donnant la même information avec une petite variante à propos des Scientifiques B. En pratique, à cette époque, les sections modernes avaient toutes le même cycle inférieur (6-4) et 3 cycles supérieurs différents: les Scientifiques A (maths fortes comme à Saint-Michel), les Scientifiques B (sciences fortes comme au Collège) et les Economiques (pas à Verviers). Tant que j'y suis, je rappelle la subdivision des sections latines qui avaient toutes la même 6e (9h/semaine de latin!). En 5e et 4e, deux possibilités: les Latin-Grec (SFX) et les Latin-Math (SFX et Saint-Michel). Dans le cycle supérieur, trois catégories: Latin-Grec (SFX), Latin-Math (Saint-Michel) et Latin-Sciences (SFX).

Aujourd'hui, toutes ces sections ont disparu, on en est au système des options. Le Collège a adopté le rénové et la mixité dès 1980. Le Le Collège vous accueilletraditionnel a complètement disparu, on a ouvert des options en économie, en sciences, en langues, en informatique, en maths fortes, et, tout récemment, en arts d'expression.

Heureusement, le panneau côté bassin a été changé comme vous voyez ci-dessous. Plus laconique
on informe simplement qu'il y a du primaire et du secondaire mixtes -,  il est plus vrai. Mais il n'annonce toujours pas l'ouverture des maternelles 8 ans après l'événement!

 

Pub-jepeg.JPG

 

 




















Quand on pense que l'affiche de la rue de Rome date, elle, de 31 ans!...
Comment est-il possible que les directeurs Delobel et Camps n'aient pas eu le souci de faire connaître leur Collège? Idem pour les différents chefs d’école primaire. Comment ont-ils supporté tant de temps cette publicité mensongère? Je trouve que la ville de Verviers devrait lever une taxe communale sur les affichages non conformes à la réalité.
J'espère que la nouvelle directrice (Mme Anne Jacquemin) commencera par ce travail de mise à jour, qui ne doit quand même pas coûter les yeux de la tête.

Tout le monde lui en saura gré.

 

Appel reçu 5 sur 5. Je n'avais pas envoyé cet article de 2 mois à Mme Jacquemin  que mon voeu était exaucé: voyez la photo (du Jour du 17 mars 2012) ci-dessous.



PUB-Nouvelle-SFX-rue-de-Rome.jpg


 


Enthousiaste, je saute dans ma voiture ce samedi 17 mars et prends avec moi mon appareil pour fixer définitivement sur photo ce changement encourageant. Horreur! Rien n'a changé: c'était une photo-montage du Jour qui berne ainsi les gens sans les prévenir. .


[Précision ajoutée en avril 2014: depuis cette année scolaire 2013-2014, l'affiche, photographiée ci-dessous le 4 avril 2014, a enfin remplacé l'ancienne. 


                            Pivot 1040126
Elle est même éclairée la nuit! Tout vient à point à qui sait attendre!
Panneau-eclaire.JPG
Mais pourquoi avoir dessiné le seul drapeau des Pays-Bas devant la ligne: "Immersion en néerlandais". Cela suggérerait-il que nos élèves ainsi formés ne pourraient se faire comprendre des Flamands? ou que les Flamands ne parlent pas le néerlandais? Une terrible maladresse! ]

C'est vrai que nous avons eu d'autres types de publicité. J'ai bien aimé, dans le genre gadget, l'autocollant vert et blanc (voir photo), discret mais lumineux. Tous les profs, ou presque, l'avaient sur la vitre arrière de leur voiture et la plupart des élèves sur leur mallette cartable.

Quelques années plus tard, un autre autocollant est apparu (je n’en ai malheureusement pas de photo). Même s’il avait été conçu par le symp athique Raymond Remy, professeur de dessin, je le trouvais moins joyeux. Il était malaisé d’y retrouver notre sigle.  
Ce que nous n’avions sans doute pas imaginé, c’est que nous allions faire de la publicité pour une autre institution. Un quidam (à Battice) m’a un jour pris pour un fan du club de basket (alors en
Pub autocollant 91lavédivision I) qui s’appelait encore SFX Basket Club malgré la rupture de fait avec le Collège. Vexant! 

Le meilleur souvenir reste le fameux tee-shirt vert avec les deux loups (de Loyola) en bleu. Conception tirée du blason du Collège. L'inscription «Saint-François-Xavier Verviers» entourait clairement le dessin central.                                                               T shirt recadré

 

Ce maillot s’est vendu comme des petits pains. On le voyait un peu partout. En particulier lors des jeux de la Saint-Louis (fin juin). Ce jour-là, les instituteurs mettaient un point d’honneur à mouler ainsi leur torse: voyez les photos ci-dessous. Je me souviens que ma fille et moi avons fait un bon usage de ce vêtement léger. Une excellente publicité qui ne coûtait rien!                                         olymp x t shirt

 

 

tee-shirt-14-Evelyne-Boland--nstitutrice.jpgtee-shirt-Henrard-et-Denooz.jpg

 

 

 

 

                                           tee-shirt-7-bis-Dechene.jpg

 

 

Evidemment, la relation dans un journal local ou à la TV d'un événement porteur – élèves ou profs, seuls ou en équipe, remportant un prix, ou s'illustrant dans le caritatif ou le culturel – est incomparablement plus efficace.
Parmi mes 
collègues,      Lambiet 2003 goûter de Noel   je pense en particulier au très charismatique Philipe Massart,   Gillot-Jean-1982.jpgou à l’élégant Thomas Lambiet, auteur prolifique d'ouvrages spécialisés dans l'histoire régionale et conférencier occasionnel très apprécié: sa renommée n'est plus à faire.

Sans parler des divers voyages scolaires et des activités extérieures comme le périple à vélo des troisièmes, je crois que l’argument publicitaire fondamental reste la réputation du Collège auprès des  parents. Ceux-ci cherchent surtout l'école Massart-2006.jpg qui s'occupera le mieux de leurs enfants. L’éducation prenant parfois le pas sur l’instruction. En pratique, le véhicule principal de la communication reste le bouche-à-oreille.


Le Gospel – dont ce n’est évidemment
Longree-Geo-1978-n.jpg pas le but – est en l’occurrence un fameux vecteur (voir Souvenirs 118, 119, 120). Et je crois que les camps de montagne organisés au mois d’août par des profs du Collège démontrent clairement le souci éducatif des enseignants de la rue  de Rome.
Ça commence en 1976, sous la houlette de Jean Gillot et du R.P. Longrée, jusque-là animateurs des camps de cadets (croisade eucharistique). La première édition ouverte à tous les élèves du secondaire a lieu
à Bach, en Autriche, près de Lechtal. Puis ce furent les Gorges du Tarn (60 élèves du cycle inférieur), près de Saint-Enimie. Jean Gillot me rappelle à ce sujet que le petit Benoît Fonsny (notre médecin généraliste) était un des participants.
En 1978, retour en Autriche, à Stanzach. La troupe a pris de l’extension quand elle choisit le Val d’Aoste pour 4 années consécutives.
Camp-La-Thuile-1979-n.jpg


 

 

Camp-La-Thuile-1981nn-.jpg

 

 




Ollomont alt 1335 m





Les points de chute sont alternativement les villages de La Thuile et d’Ollomont.
Je suis allé avec eux deux fois dans cette dernière localité. Outre les initiateurs (J.Gillot et G.Longrée), le camp était animé par Thomas Lambiet (chef de camp) et Philippe Massart, assistés d’une série de moniteurs, jeunes adultes ou grands adolescents responsables des équipes d’élèves (système Patro). Je me souviens en particulier de Pascale Delsupexhe et de son mari, d’Olivier Lex et Roland Reuter, deux grands élèves.
Le 22 août 1980, vers 22h, les 131 participants au camp d'Ollomont, dont 86 élèves, débarquaient des cars à Saint-François-Xavier. On comprend que le staff de l'intendance devait être en nombre aussi. TDelsupexhe-Pascale-2005.jpgous les repas étaient préparés sur place sous la direction épatante d’Anne Longrée, la nièce de Geo, pas encore prof au Collège - elle le deviendra en septembre 1980. Il faut dire qu’elle était très bien secondée par quelques jeunes femmes parmi lesquelles on Longree-Anne-1981.jpg retrouvait souvent Jacqueline Parotte.

S’ajoutaient encore quelques parents d’élèves (6 ou 8) au titre d’amis, de collaborateurs occasionnels, et aussi de contributeurs. C’était une façon pour le trésorier Gillot de rentabiliser Parotte-1982.jpg au maximum le gîte loué. Je faisais partie de cette dernière catégorie, avec tout de même une mission particulière: organiser pour l’ensemble des jeunes une journée sportive. Pour amuser un peu les gosses, nous avions, comme eux, formé une équipe, toujours à l’heure aux rassemblements et dont le cri – attraction très prisée – changeait tous les jours…

 

Je me rappelle surtout que la région était magnifique, que l’ambiance était extraordinaire et que chacun respirait la joie. Le staff des moniteurs et organisateurs formait une véritable équipe dont le grand moment de détente – pourvu qu’ils ne fussent pas trop fourbus – se passait après le coucher des jeunes, durant un cinquième (!) repas: en montagne, on se dépense beaucoup…

Je ne peux pas oublier non plus que j’ai accompagné une expédition guidée par un professionnel, comportant un groupe de grands et quelques moniteurs (dont Philippe Massart) pour atteindre la Tête Blanche, sommet (2000 m) où la neige est éternelle. Pour y arriver, nous avions dû passer la nuit dans un gîte: c’était la première fois que je découchais depuis notre mariage, 13 ans plus tôt.

Willem-Dom-1995.jpg Après le retrait de Jean Gillot, Thomas reprit le flambeau, puis l’organisationVan-Bossche-qui-rit-05.jpg  générale échut à Dominique Willem, éducateur et professeur motivé, poussé dans l’aventure par les copains-collègues. Dominique s'en est occupé jusqu'en 1995, année du 20e camp. Ses chefs de camp successifs furent Thomas Lambiet, Philippe Massart et puis Jean-Bernard Van Bossche.
Repartant d'abord dans les mêmes villages du Val d'Aoste, Dominique changea de cap pour jeter l'ancre en Suisse, en particulier à Zinal, dans le Valais. C'est là que s'établira le record de participation: plus de 100 garçons et filles de 1re et 2e (quelques élèves de 3e prenant in extremis les places vacantes).
Je ne peux malheureusement pas en parler en connaissance de cause n'ayant jamais eu le plaisir de seconder mon ami Dominique (j'aurais dû!).
Zinal-1670-m-Val-d-Anniviers.jpg
Après cet exploit de longévité et de dévouement, Dominique céda son bâton de maréchal à Jean-Bernard, qui ne put poursuivre longtemps ce service exceptionnel aux jeunes du Collège.
Thomas Lambiet, entre-temps, avait organisé un camp (un seul?) de haute montagne pour élèves de 3e et 4e.

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4 mars 2010 4 04 /03 /mars /2010 20:01

9. Marcel, Jacques et les autres


Marcel Lepièce est un modeste. On aurait tendance à oublier sa présence et son travail tant il œuvre discrètement. Et ce n’est pas un bavard. Pourtant, dès qu’il arrive à Saint-François-Xavier (en septembre 1969), il devient malgré lui le pion essentiel de l’ouverture aux sciences entamée vers 1966. Seul licencié en sciences (chimie) durant les années 1970, il est le fer de lancelepièce 89 des sections Latin-Sciences et Scientifique B. Lepièce est d’ailleurs le premier titulaire de la 3e Scientifique B (voir SOUVENIRS 8). C’est une sorte de symbole du renouveau du Collège. Mais les premières années montrent une intransigeance à laquelle nos élèves ne sont pas habitués en sciences. Ça fait des vagues. Il maintient ses exigences et n’est pas désavoué par la direction.

Une fois le Rénové adopté, les options sciences vont encore se développer, le duo de choc composé de Lepièce et de Beaupain donne ses lettres de noblesse à ces options. Notre chimiste, qui donnera les 3 sciences tout comme son collègue Beaupain, sera le seul professeur de culture scientifique, petit cours pour lequel il travaillera beaucoup, en particulier en histoire des sciences. Pour une école catholique, il est désormais impossible d’ignorer le débat permanent entre sciences et religion, qui a surtout fait rage au XIXe siècle, mais qui est loin d’être apaisé. Mine de rien, Lepièce est au cœur d’un enjeu formidable dans l’éducation de notre jeunesse. Pour ceux (trop peu nombreux) qui s’intéressent à cette problématique, il devient une sorte de référent qui pèche par excès de modestie. N’empêche, comme il est aussi chrétien convaincu, engagé dans une série d’associations charitables, c’est un témoin précieux. Voilà le type de prof que l’on recherche de plus en plus dans l’enseignement libre: denrée rare!

Certes, il n’est pas perçu comme ça par ses élèves, d’autant qu’il se livre peu. Dans la mémoire collective, il n’occupe sans doute pas la place qu’il mérite. Cela tient à sa façon d’être en général: exigeant, scrupuleux, inquiet et… compliqué. Méfiant aussi, pour ne pas dire soupçonneux. Même dans une simple conversation, il a du mal à dire oui, tout simplement – que votre oui soit oui, dit l’Evangile. C’est un adepte du oui, mais... La tête sur le côté et les yeux fuyants, il va tenter de vous démontrer, avec beaucoup d’hésitations, que vous généralisez trop vite, qu’il faut être prudent, qu’il y a sans doute des cas où… Mais si vous vous rangez à son avis, vous aurez droit à des réserves dans le sens contraire; bref, il ne sait pas ce qu’il veut! Voilà le vrai problème avec Marcel: c’est un indécis, un sceptique si j’ose dire. Je me souviens qu’en 1973, nous étions les deux profs élus au conseil d’administration et nous allions ensemble, dans la même voiture, aux réunions. Durant le trajet, je parlais des points importants de la réunion pour voir si nous avions une vision commune. Je ne me souviens pas qu’il ait jamais acquiescé totalement à mes suggestions, ni le contraire d’ailleurs. Pour moi, c’était impossible de connaître vraiment le fond de sa pensée, même après la réunion.

Ce qui ne m’empêche pas d’affirmer haut et fort que c’est d’abord un honnête homme. On pourrait le croire retors alors qu’il est simplement scrupuleux. Quand il n’est manifestement pas de votre avis – cela peut quand même arriver –, il vous sortira un «Tèche-tu, va!» assorti d’un petit sourire de connivence, comme s’il avait bien compris que vous exagérez. Un instant après, il jettera les yeux au ciel, sans doute pour implorer l’aide de l’Esprit-Saint, une aide pour… vous.

Mon collègue Lepièce, que j’aime beaucoup, est aussi très économe: jamais une dépense inutile, on ne jette que si on est sûr que c’est impossible de recycler et qu’on n’en aura jamais besoin. Je crois que son éducation ardennaise y est pour quelque chose. Comme dans le temps, il pratique toujours l’interro «quart de feuille». C’est le trésorier idéal pour les voyages scolaires: vous lui confiez la gestion des finances et vous pouvez être sûr qu’il pourra redistribuer une partie à chacun en fin de séjour. Mais pendant le voyage, pas de folies, le nécessaire, rien que le nécessaire. D’aucuns prétendent qu’il est radin, et pas seulement les élèves! Pourtant, en voyage à Paris avec Delobel et sa rhéto, il doit un jour avouer qu’il a perdu tout le magot: catastrophe! Vous voyez d’ici les mines déconfites. Marcel était au bord de l’apoplexie quand on retrouva la bourse… intacte: ouf!

Travailleur de l'ombre, véritable cheville ouvrière de La Toque-Anciens durant toute la présidence de Philippe Demortier, il est aussi écologiste, un écologiste pratiquant: il est crédible, lui. Si on le croit avare, en revanche, il n’est pas avare de son temps ni de sa peine. Sur sa carrière, il aura dépensé beaucoup d’énergie pour organiser des excursions, des visites ou des conférences afin d’ouvrir les yeux des étudiants sur le monde, sur la réalité; pour qu’ils rencontrent des cas vécus, des situations concrètes. Dans le fond, c’est un esprit pratique, il n’est pas tellement théoricien.

Une autre manie surprenante, c’était de coter ses interrogations sur des maxima comme 2.75 ou 7! Prendre 10 ou 20 était sans doute trop simple. Certains anciens élèves estiment qu’il manquait de clarté, de structure: reproches que je n’ai pu vérifier, puisque je n’ai jamais été son élève. Je me souviens aussi d’une réflexion d’Olivier Lex (ancien élève; photo ci-dessous) Lex Olivier 80affirmant qu’en chimie, un passage chez Lepièce était une garantie de réussite à l’université. Lex, psychiatre aujourd’hui, n’était pas un garçon excessif; son affirmation peut évidemment être entendue de deux façons différentes.

Marcel Lepièce sait se montrer courageux et patient, il l’a prouvé durant toute la durée de la maladie qui devait emporter son épouse. Je ne me rappelle pas l’avoir jamais entendu se plaindre. Et depuis qu’il est veuf, il s’est encore davantage investi dans les opérations caritatives.

Ce dont je suis sûr, en tout cas, c’est que c’est un homme généreux, très attentif à la formation de ses élèves, ne comptant pas son temps pour aider les autres, surtout les plus démunis.

Aujourd’hui encore, je vois qu’il rend de nombreux services à la paroisse (Saint-Bernard à Lambermont), à l’hôpital, aux CSA, chez Oxfam, lors de l’Action Damien, et je ne connais pas tout. En latin, on parlerait de vir bonus.







Servais-J-nn-84.jpgCette année-là, Jacques Servais va quitter le Collège par la petite porte, sur la pointe des pieds, comme pour s’excuser de ne pas être déjà parti. Incompréhensible! C’est un enseignant qui a occupé durant 20 ans une fonction essentielle, le poste de première ligne: préfet de Discipline, et qui s’est acquitté de cette tâche redoutable d’une façon admirable. Et il part comme un voleur…

Voilà bien un événement que je ne m’explique pas et auquel j’ai souvent repensé. Je ne l’ai plus vu durant 13 ans. Je lui ai écrit une fois, il m’a répondu, et puis plus rien. Il n’habite pourtant pas loin, à Dolhain (Limbourg si vous voulez), soit à 10 km de Verviers.




Je suis aussi coupable que lui. Je viens de le revoir pour la première fois depuis le jour de sa retraite et on s’est parlé comme si on ne s’était jamais quittés, comme deux copains qui se rencontrent régulièrement. Etonnant!

Jacques a commencé sa vie professionnelle comme instituteur à l’école Saint-Joseph de Dolhain, en 1962. Il entreprend une formation pour devenir directeur de la section spéciale, mais il est barré à l’ancienneté dans son institut. Henri Defawes, qui connaît bien Jacques, joue les intermédiaires et recommande chaudement son copain instituteur à SFX. Le Collège, en cette année 1975, cherche un surveillant qui pourrait devenir préfet de discipline. Un laïc pour remplacer le père Vincent? Très surprenant; nous ne sommes d’ailleurs au courant de rien, Henri a su se taire (il est surtout bavard quand il a un micro). Comme la fonction de préfet de Discipline n’est pas reconnue par l’Etat, il faudra nommer Servais secrétaire de direction pour qu’il reçoive une gratification en rapport avec cette responsabilité essentielle dans le fonctionnement des écoles jésuites. Ce genre d’entourloupe est admise par tout le monde.

Pour commencer, Jacques arrive rue de Rome le 3 novembre 1975 Servais-j-1983-4-c-.jpgcomme surveillant. Manifestement, c’est un type qui a le sens de l’élève et l’autorité nécessaire pour s’imposer dans notre contexte. Il fait donc partie du trio d’éducateurs (mot à la mode pour dire surveillants) avec le père Dedeur et Joseph Doneux; Jacques semble le plus équilibré des trois. Tout baigne, semble-t-il. Pourtant, il ne s’intègre pas facilement dans le corps professoral. Il redoute par-dessus tout les moqueries de deux profs, plus jeunes que lui, qui ne ratent pas une occasion de rigoler aux dépens des nouveaux: Jean Gillot et moi. Pour nous, c’est un sport inoffensif. C’est notre façon d’intégrer les gens. Servais nous a confié des années plus tard qu’il en avait bavé (sic). Jusqu’à ce qu’il comprenne enfin notre manège. Dès cet instant, nous sommes devenus de véritables copains. On s’est occupé plus tard, et de la même façon, de Thierry Fraëys (écuyer) et de Dominique Willem. Il n’ont pas dû apprécier tous les jours (il est bien temps de s’en apercevoir!).

En 1977, les deux préfets du Collège quittent leurs fonctions: les pères Vincent (Discipline) et de Lannoy (Etudes). Ce dernier, ancien recteur de Saint-Stanislas à Mons et véritable comte (De Donder le surnommait ironiquement le grand connétable!), était un personnage hors du commun. Ce jésuite (voir SOUVENIRS 9 et 10) d’une droiture exceptionnelle était devenu le pédagogue (ce mot que j’utilise rarement est ici totalement justifié) le plus respecté du Collège, tant des professeurs que des élèves. En outre, qualité rare, il savait écouter. Je me souviens lui avoir dit une fois – je ne sais plus dans quel contexte – qu’à Saint-Michel (Verviers), je trouvais remarquable de voir le directeur systématiquement dans la cour au moment de la formation des rangs. A partir du lendemain, Antoine de Lannoy était à chaque coup de cloche en faction devant les rangs des élèves du cycle inférieur. Droit, attentif, calme mais le regard intense, les mains accrochées aux revers de son veston, prêt à intervenir, il avait le don d’apaiser les élèves comme par enchantement. Quel homme! Quand on parle du préfet à un ancien de cet époque, il pense en général à de Lannoy. Auparavant, quand j’étais élève, on ne connaissait que le préfet de Discipline, qu’on prenait d’ailleurs pour le vrai patron du Collège. Il faut dire qu’on n’a connu un préfet des Etudes à temps plein qu’entre 1969 et 1977: de Lannoy (Cacahuète, comme l’appelaient les élèves, rapport à son profil particulier sans doute - je n'ai qu'une seule photo de lui!). Ce poste était en général cumulé avec celui de directeur et donc ignoré des élèves.

Quand Servais est devenu préfet d’Education en septembre 1977, les élèves pouvaient croire qu’il remplaçait à lui seul de Lannoy et Vincent! Pas étonnant qu’ils l’aient considéré comme un usurpateur, ce «petit» surveillant, laïc de surcroît. Il a donc dû ramer au début, en tout cas face aux aînés de nos élèves qui l’ont parfois méprisé, du moins en paroles. Mais comme nous n’avions pas d’élèves insoumis, ça n’a pas fait trop de vagues.

Avec le temps, cette rancœur s’est estompée et Servais a largement mérité ses galons. Comme le père Vincent, il s’est investi à fond dans la fancy-fair, devenant l’organisateur responsable. Il y passait d’ailleurs tout le week-end. Jusqu’au jour où il buta sur un os.

C’était en février 1982. Le dimanche soir, on lui amène un adolescent qui ne tient plus sur ses jambes. Manifestement un abus d’alcool. Après avoir installé le garçon dans le lit de l’infirmerie (son bureau), il cherche à joindre ses parents: ils sont chez eux. Il téléphone pour expliquer dans quel état leur fils se trouve. Entre-temps, le père Jaspar apprend les nouvelles et fonce au bureau du préfet. Jaspar-Pere-1980.jpgIl s’inquiète immédiatement de savoir si Jacques connaît le papa. Non. Alors, je reste avec vous, répond Jaspar, nous ne serons pas trop de deux pour recevoir ce personnage imbu de sa personne. Il s’agit d’un ancien du Collège, industriel et ancien dirigeant du club de basket local. Effectivement, ce malotru est à peine arrivé qu’il élève la voix et enguirlande Servais comme du poisson pourri, le rendant responsable de l’état de son fils. Il se croit chez lui dans le bureau du préfet, il prend tout le monde de haut, puis s’inquiète seulement de son petit prince – bourré (!) aux as –, qui a régalé la compagnie toute l’après-midi et tenté d’en mettre plein la vue à ses petits copains (copines?). Au moment où son père s’occupe enfin de lui, le gamin est affalé sur le lit et râle littéralement: il est au bord du coma éthylique!

Après cette entrevue, le préfet d’Education est groggy: il n’a jamais rencontré dans sa vie un type aussi grossier, un si imbuvable (!) personnage; une caricature de patron du XIXe siècle. Servais ne s’en remettra pas facilement; en tout cas, c’est fini pour la fancy-fair, on ne l’y verra plus. Trop is te veel! Lannée suivante, c’est le père Tommy Scholtès qui Scholtes-Tom.jpgreprendra le flambeau.

Avouons tout de même que le nombre de débits de boissons alcoolisées était impressionnant durant ce week-end de festivités. En fallait-il un pour les Parents, un autre pour les Anciens, un troisième pour le Basket et encore un près du carrousel, sous le préau? Sans compter la crêperie et le restaurant qui servait du vin à chaque repas. En 1997, on ajoutera encore le Bar du refuge et la Cave à Vins...On commencera seulement à régler ce problème au… XXIe siècle!

Notre préfet sait être sympathique. Grand supporter des Mauves (Anderlecht), il a régulièrement des discussions animées avec les élèves entichés des Rouches du Standard: ça met de l’ambiance. Au total, il passe plutôt bien auprès des élèves qui reconnaissent, souvent plus tard, qu’il fait bien son travail. Evidemment, celui qui se fait coller râle toujours un peu sur le moment: c’est la vie! Les tâches du préfet sont très variées. Le matin, sa plus grande préoccupation, c’est de voir si tous les profs sont à leur poste à 8h30. Sinon, il faut envoyer un remplaçant (prof de piquet ou surveillant) au pied levé. Dans certains cas, c’est pour peu de temps: Jacques téléphone chez le prof d’anglais pour le réveiller… C’est assez fréquent! D’autre part, habituellement, lorsqu’un élève perd un parent ou un grand-parent, il envoie un mot de condoléances. Un élève de troisième arrive un jour avec un motif d’absence signalant le décès de sa grand-mère. D’où lettre de condoléances. Quelques jours plus tard, il reçoit un remerciement de la famille lui signalant que la grand-mère est en parfaite santé…

Dans le même registre, il envoie le même jour des condoléances à une famille et des félicitations pour une naissance à une autre, mais il inverse les lettres! Je ne vous dis pas les réactions…

L’arrivée de la mixité ne l’impressionne pas beaucoup, mais c’est du travail supplémentaire. Au début, il aura même une nouvelle surveillante dont la fonction principale sera de s’occuper des filles de 1re. On les chouchoute, nos premières donzelles. L’année suivante, on ne renouvelle pas l’expérience de la surveillante «spécialisée», c’était une mauvaise idée. Les filles sont capables de s’intégrer toutes seules.
Je me demande si ce n’est pas la mixité du corps professoral qui embête surtout Jacques: la psychologie féminine est plus complexe, surtout dans un milieu de travail. Un jour, ça se passe très mal avec deux éducatrices. Elles n’entendent pas se trouver préventivement dans les couloirs pour surveiller les inter-cours, qui deviennent au fil du temps de plus en plus bruyants et l’occasion de mini-récréations intempestives. Ces dames ne veulent quitter leur bureau qu’au coup de sonnette, comme les élèves. L’affrontement se termine chez le directeur, qui désavoue son préfet! C’est la goutte d’eau qui va faire déborder le vase. Je suis sûr que cet événement lui restera en travers de la gorge. Jacques sera absent pour cause de maladie tout au long de l’année suivante (1994-1995). Y a-t-il une relation de cause à effet? Je n’en sais rien. Mais on peut deviner que cette longue absence était due à une méchante dépression.
Il reviendra courageusement après l’intérim, assuré très convenablement par son ami Jean-Claude Houssonlonge, et il terminera sa carrière par une année de grèves. Il profitera des avantages de la loi Onkelinx, lui aussi, pour se sauver de la rue de Rome sans même assister au souper traditionnel de fin d’année.

Ses ennuis de santé ne sont pas terminés pour la cause. Il va développer un cancer du poumon (il arrêtera enfin de fumer): après une opération délicate et un traitement lourd, il en est très bien sorti et est retombé sur ses pieds aujourd’hui: je l’ai revu plusieurs fois depuis novembre 2009, et avec beaucoup de joie partagée.


Raymond Gaillard, dont j’ai déjà beaucoup parlé (voir SOUVENIRS 44 et 60), vient d’avoir 60 ans, âge normal pour prendre une retraite bien méritée. Durant la grève, il s’est absenté (si on veut) quelques jours sans regrets: il a ainsi pu participer à un procès en cour d’Assises de Liège en tant que juré. Une expérience unique sur laquelle, comme de juste, il reste assez discret. Durant le souper de ce samedi 29 juin, il recevra comme cadeau de départ une assiette en porcelaine de Delft, cadeau qu’il apprécie beaucoup. Il remercie l’assemblée d’une façon très agréable et très joyeuse. En voilà un qui part le cœur en fête.

 

[Je reprends la plume pour ajouter un paragraphe douloureux: ce mardi 22 mars 2011 - 15 ans après avoir pris sa pension -, Raymond Gaillard nous a quittés définitivement. Vous voyez ci-joint le souvenir que nous avons reçu lors de ses funérailles. Heureusement, la veille, j'avais accompagné le père Charlier pour lui rendre une dernière visite (on s'en doutait en le voyant immobilisé depuis des semaines dans son lit). Il en a profité pour lui donner le sacrement des malades. Je perds un ami.

Gaillard 2011

 

 

Je ne sais plus si j'ai déjà raconté que Raymond était très doué pour la peinture, son sujet favori étant la Fagne. Mais il a aussi appris à écrire des icônes. Il doit en avoir offert une pour les 50 ans de Delobel.
Nous venons de voir, dans l'église Saint-Joseph de Jupille (sa paroisse), la grande icône inspirée du Christ de Saint-Damien à Assise. Raymond? un artiste!]


Icone-Gaillard-1989.jpg
(photo de J.Perrier d'Hauterive; 1989)















 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le départ d’Henri Defawes n’est pas vraiment une surprise non plus, on le voyait décrocher tout doucement, il préparait Defawes-1980.jpgsa retraite en catimini, mais il n’allait pas rester inactif pour la cause. Il va s’investir à fond dans les bébés nageurs. Mais on l’a encore souvent revu (ou plutôt entendu) comme speaker du jogging de Verviers et dans d’autres événements. Il tiendra mêmePoumay-Fernand-71.jpg le micro au grand jogging de Bruxelles: Henri n’est vraiment bien qu’avec une sucette! Et il va s’occuper activement des Cliniclowns de Verviers.

Jean Arnold, ancien du Collège, qui était un grand quand j’étais moi-même élève de Primaire, m’épatait par sa façon de jouer au basket chez les Jaune et noir du cru. Il avait un excellent shoot à distance, qui ne valait pas encore 3 points à l’époque. Commençant carrière comme maître de la 4e Primaire, il se retrouve assez vite en 6e, où il forme avec Fernand Poumay un excellent tandem. Pour avoir connu en 1re Secondaire des élèves sortant des diverses écoles primaires de la région Je peux témoigner que les élèves venant du Collège étaient drôlement bien formés. Ce ne peut être un hasard.

Jean Arnold, ce doux rempli d’humour, sera curieusement candidat à la succession d’Herbert Arnold-Jean.jpgDechêne, en 1988 – je suppose Denooz-B-1975.jpgqu’il cherchait déjà un travail moins stressant: toute la journée avec des enfants, ça use. Mais c’est Fernand Poumay qui sera choisi. Pour la petite histoire, il y avait aussi comme candidats José Lambrette et Bernard Denooz, que certains (des "mauvaises gueules"!) comparaient à Coluche (candidat folklorique à l’élection présidentielle française en 1988).





[J'ai revu Bernard pour la première fois le mois passé (j'ajoute ce commentaire en août  2012).  Je crois que ne l'avais plus vu depuis 15 ans. Il m'a paru nettement plus sympathique que dans ma mémoire.
Comme quoi, il faut se méfier de ce qu'on raconte dans ses souvenirs: je ne l'ai sans doute pas assez fait...]

[Jean Arnold, que je voyais régulièrement à la messe de 17h à Lambermont - toujours le mot pour rire -, est décédé le 31 décembre 2013]

 

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24 février 2010 3 24 /02 /février /2010 19:30
7. Six retraités d'un coup

Après la longue et pénible grève et l’annonce de la fermeture de l’église du Sacré-Cœur, le Collège va perdre 6 de ses collaborateurs fin du mois de juin, tous pour mise à la retraite. Si on peut considérer que Raymond Gaillard, 60 ans, est arrivé au bout de son cursus normal, les 5 autres, Jacques Servais, André Beaupain, Marcel Lepièce, Henri Defawes et Jean Arnold (instituteur), tous âgés de 55 ans, profitent des fameuses mesures dites Onkelinx (voir Souvenirs 67) pour quitter ce navire qu’ils ont tant aimé, mais qui leur semble fragilisé.
Lepièce et Beaupain, tous deux professeurs de sciences, avaient déjà pris un mi-temps pour préserver leur santé. Marcel me faisait remarquer en outre que le fait de ne pas être présent tous les jours est un handicap pour l’intégration de l’enseignant: il se sent petit à petit hors du coup. Cette constatation, l’occasion, l’herbe tendre… l’ont poussé à faire le pas vers la retraite définitive.

Beaupain-85-.jpgAndré Beaupain donne une autre version dans «La Toque des Anciens» d’octobre 1998. Dans l’interview menée par Pierre-Laurent Fassin (photo de 3eB en 1988), il estime que le mi-temps représente pour lui «l’idéal du travail». Malgré cela, il semble bien que ce qui l’a décidé à faire le saut vers la retraite Fassin-P-L-nn-88.jpgprématurément tient aux mesures Onkelinx et surtout à son amertume après les grèves. J’ai aussi entendu dire par quelqu’un de généralement bien informé qu’on l’y aurait un peu poussé: qui et pourquoi?

Je note dans La Toque cette réponse d’André: «J’étais la bête noire, j’étais le seul à donner cours, à la demande des élèves. J’avais l’impression que la direction avait donné sa démission face aux événements pour laisser les délégués syndicaux agir. L’aspect humain avait vraiment disparu, cela devenait de la gestion de marchandises.» Répartie pour le moins étonnante de la part d’un scientifique, ancien délégué syndical de surcroît! Pour ma part, cette remarque est tout à fait excessive, donc c’est dérisoire! Notez qu’on peut lire un peu plus bas une sorte de courbe rentrante: «Mais je ne suis rancunier envers personne. Chacun a agi en fonction de ses convictions.» Non, ça ne rattrape pas l’accusation précédente. Je retrouve ici l’exagération dont le Beaupain des premières années était coutumier.
Comme prof de géographie – son premier métier –, il donne 1h/semaine de cours dans chaque classe, il connaît donc tous les élèves, il lui arrive d’inventer des petites histoires, dont il est parfois le héros, pour agrémenter son discours. Il se prenait parfois pour Tintin au Congo, constataient les grands élèves. De même, dans la Revue des Parents, il a une fois communiqué un article bien tourné, lu dans une autre revue, sans en mentionner l'auteur. Comme ce texte provenait des Saints-Anges, vous voyez le tollé dans le microcosme verviétois! Ces écarts prêtaient le flanc aux moqueries des élèves, qui trouvaient déjà bizarre son accent ardennais et s’amusaient de voir sa dégaine quand il franchissait le porche du Collège sur son antique vélomoteur, un casque démodé vissé sur la tête. Il faut savoir qu’à cette époque (1966-1967), tout le monde entrait par la rue de Rome, que l’on fût piéton, cycliste ou motorisé. Et les jeunes élèves étaient à l’affût des cabriolets rutilants de Hermann Scholzen (Fiat blanche) et de Jean Mineur (MG verte).

Beaupain 1962Mais cette période «marseillaise» d’André semblait révolue. Comme je l’ai déjà dit (voir SOUVENIRS 24), c’est un des rares profs du Collège qui ait, du côté de la discipline, réussi à redresser une situation compromise. Faut dire qu’en filant une carte à copier pour le cours suivant à la moindre incartade, il jouait sur du velours, me fait remarquer Jean-Paul Adam … Il prit dans ce domaine un virage en épingle à cheveux imprévisible.

Méthodique et exigeant (prière d’acheter l’atlas mondial, collection Roland, couverture orange), il utilise alors un local réservé à la géographie, dont les murs sont couverts de cartes. La lumière reste le plus souvent éteinte pour que ses Adam JP 73diapositives passent bien, d’où la difficulté de prendre des notes. C’est encore la préhistoire de l’ère électronique.
En physique, il va se régaler, épatant ses élèves par la clarté de ses explications, la rigueur de sa méthode et surtout la qualité de ses expériences. Seul, il aménage tout le local de physique pour en faire, comme il le dit dans l’article, sa seconde maison. Il passe tout le temps scolaire – et bien au-delà – dans cet ancien auditorium. Pour lui, pas de vacances à Noël, ni à Pâques. Mais, le premier jour de l’année, l’accueil est glacial: il martèle dans le cerveau des étudiants, afin que nul n’en ignore: «Ici, vous êtes chez moi! Et chez moi, on n’arrive pas en retard, je ferme la porte au coup de sonnette; prière de ne pas me déranger avant la fin du cours!
». C’était pour moi une mesure de sauvegarde pour éviter tout chahut, dit-il. Je voulais avoir la paix pour pouvoir travailler sans devoir faire la police. Ce n’était pas facile, mais j’estime avoir atteint les objectifs fixés.

L’électronique est partout dans cette classe-laboratoire. Les jeunes gens sortent de là subjugués. Après quelques cours, ce n’est plus le matamore du premier jour, il est même agréable, répondant volontiers aux questions après avoir réfléchi le temps de dire «ma foi, ma foi…» pendant qu’il réajuste ses lunettes avec le majeur droit (photo ci-contre). Dans d’autres circonstances, c’est un Beaupain lunetts 1980« remarquable… (il remonte ses lunettes) et remarqué»!
Pour plusieurs élèves, il sera un véritable déclencheur de vocation. Il donnera aussi de l’assurance dans le domaine des médias à ceux qui en auront besoin, comme Didier Bailoux (photo en 4LM en 1972), qui s’en souviendra en 1985. Celui-ci est alors concepteur de jeux à la RTBF. Il lance l’idée de base de l’émission de la Bailoux-n-Didier-.jpgRTBF «L’esprit de famille». Il doit pour cela imaginer des séquences où les compétences «technico-spatiales» des candidats seront mises en évidence. Il a besoin d’un expert scientifique: qui mieux que le professeur Tournesol-Beaupain pourrait convenir? Il pense même à le faire monter sur le plateau, sous les feux de la rampe: Beaupain a une bonne tête, me confie Didier. Sollicité dans son domaine de prédilection, André se montre enthousiaste. Il élargit le champ des applications et propose des expériences simples mais spectaculaires. C’est le right man in the right place! Malheureusement, le plateau lui est interdit (quelle erreur!), on se contentera du présentateur, devenu célèbre depuis, Philippe Geluck. Nous ne verrons que le Geluck-Philippe.jpgnom de Beaupain, au générique, en tant que conseiller scientifique. L’émission s’arrêtera en 1988, en même temps que la carrière télévisuelle d’André. 

La dernière fois que je suis allé lui rendre visite, à Eweréville (fin 2004), je le trouvai très heureux de me rencontrer et très enthousiaste pour me faire visiter son célèbre cabanon construit dans le jardin. C’était un endroit relativement restreint dont chaque centimètre cube était rentabilisé au maximum. On y trouvait une manne d’inventions géniales permettant tout à la fois de bricoler et de contrôler tout son environnement sans sortir de l’abri. Je me suis alors souvenu que c’est André qui eut, le premier des enseignants du Collège, un ordinateur. C’est lui aussi qui s’aperçut très vite que cet engin était diabolique: on peut en devenir esclave. Voilà pourquoi il avait imaginé un système coupant automatiquement l’alimentation électrique à 20h; et impossible de le remettre en marche avant le lendemain! Ah! si j’avais ce même bidule… 
Retraité, il bricolait tous les jours dans cet abri de jardin perfectionné, il «effectuait des réparations dans toute la province». Mais on ne l’a plus vu au Collège, ni ailleurs, il sortait très peu de son antre. Son moral était vacillant.

Lieutenant-Andre-4LG-1973.jpgLors des funérailles d’André Beaupain (décédé le 18 mai 2008), l’abbé André Lieutenant , un ancien qui se rappelait très bien son professeur de physique, avait commencé très sobrement la cérémonie jusqu’au moment où il entama son éloge funèbre par une phrase plus que choquante: «Beaupain était une véritable peau de vache…» Imaginez l’effroi de l’assemblée. Bien entendu, ce n’était qu’une manière de capter l’attention de tous pour expliquer comment évolua dans l’esprit des élèves leur appréciation de ce professeur hors normes. Terrifiant le premier jour, il finissait par être admiré voire adulé par ses élèves. Lieutenant nous a même parlé du petit verre de vin qu’il offrait à la fin de ses cours en rhéto.

Beaupain? Un grand personnage du Collège Saint-François-Xavier.  Je suis sûr qu’il aura les honneurs de la plaquette du… 175e anniversaire.

 

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18 février 2010 4 18 /02 /février /2010 20:05

6. Recteur et Sacré-Cœur

Le père Robert Huet, recteur depuis 1991, s’est aperçu que l’église devenait un fardeau pour les finances de la Huet-96.jpgcommunauté jésuite de Verviers. L’engouement des années 1970 est définitivement passé et les vocations jésuites sont en chute libre. En outre, le prix des combustibles ne fait qu’augmenter et, bien entendu, le bâtiment du Sacré-Cœur – inauguré en 1872 – accuse le poids des ans. L’optimisme naturel de notre recteur le pousse à espérer un changement de tendance. Et puis l’espérance est une vertu théologale. Sa première idée est de remplacer le bâtiment existant par un nouveau, plus petit, plus fonctionnel, moins coûteux à l’entretien. Il en fait part à l’architecte maison, José Fettweis (ancien élève et papa de Christophe, professeur de sciences). Celui-ci dessine un avant-projet et réalise une maquette de la future construction. Le tout sera présenté en janvier 1994 (aucun souvenir!). Il s’agit d’un bâtiment de 400 m² au sol, à peu près les dimensions de l’église Marie-Médiatrice des Hougnes. En comptant la démolition de l’édifice existant, le coût de la réalisation doit être exorbitant, mais n’est pas chiffré. En ces temps difficiles, je suppose que la Compagnie ne joue plus les mécènes avec les communautés vieillissantes dont le rayonnement religieux reste à démontrer.

Fettweis présente aussi un tout autre projet: la transformation de l’église existante. Je l’ai rencontré par hasard le 17 février 2010. Il m’a expliqué qu’il avait prévu de couper l’église en deux, le chœur (ci-dessous) servant à créer une chapelle pour les jésuites. égliseAvec le reste, il aurait créé une nouvelle église et même quelques pièces destinées au logement des jésuites locaux. Nous n’avions jamais été au courant de cette variante, qui devait sans doute être un peu plus intéressante, mais pas beaucoup moins coûteuse. Le responsable financier de la communauté, le père Ministre sans doute, devait trouver son supérieur assez rêveur. Je me demande si, secrètement, Robert Huet n’espérait pas un don du ciel: par exemple l’héritage d’une vieille et riche demoiselle accrochée au sanctuaire de la rue de Rome. Ce cas de figure ne se présentait plus depuis plus de 20 ans, soit que Verviers n’abritât plus que des vieilles dames désargentées, soit que les riches demoiselles ne fussent plus attirées par les œuvres de la Société de Jésus. Quoi qu’il en soit, Robert Huet croit en sa bonne étoile, comme dirait un laïc. Il y croit aveuglément: étonnant pour un scientifique possédant un diplôme d’ingénieur! Je le soupçonne même de dire des prières du genre: «Cœur sacré de Jésus, ayez confiance en moi.»

En attendant, les projets de Fettweis resteront définitivement dans ses cartons – il s’y attendait.

7. Courage, fuyons

Mais une solution imprévisible va sauver (si l’on peut dire) le Recteur de ses ennuis immobiliers: les voies du Seigneur sont impénétrables. L’animation pastorale est en crise partout en Belgique. Les paroisses sont aux abois. Les évêchés et les doyennés cherchent à réorganiser les paroisses, on parle essentiellement de rationalisation. Moins de paroissiens et moins de curés, donc moins de paroisses et logiquement moins de bâtiments à entretenir. L’équation n’est pourtant pas simple à résoudre; d’ailleurs, aujourd’hui (18 février 2010), le problème est loin d’être résolu, même si 14 paroisses de Verviers-Dolhain (entité appelée désormais Jean XXIII-Val-de-Vesdre) doivent vivre avec seulement 3 prêtres (dont 2 Africains, étonnant retournement de situation). En 1996, le doyen Lemmens (invité permanent au conseil d’administration du Centre scolaire SFX) est probablement à l’origine des gros changements qui se préparent rue de Rome. Il crée d’abord un noyau de Centre-Ville composée de prêtres, diacres, mais aussi de religieuses et de religieux, donc il fait appel aux jésuites. Dans ce contexte, «Monseigneur l’Evêque a demandé au Père Provincial des Pères et Frères jésuites de Belgique de bien vouloir mettre à la disposition du doyenné de Verviers une petite équipe de religieux, afin d’aider à développer deux projets.» D’abord mettre en place un accueil au sanctuaire de l’église Notre-Dame; ensuite, participer à la création d’une équipe de chrétiens engagés dans l’animation et l’organisation d’une aumônerie de jeunes. Quelques pères habiteront l’ancienne maison du vicaire afin d’être plus accessibles. Un peu plus tard, les jésuites auront la charge complète de l’église Notre-Dame, église phare du centre de Verviers.

En mars 1996, voici ce que les lecteurs de la Revue du Collège – mais pas les profs, trop occupés avec les problèmes syndicaux – découvrent dans une interview du père Huet à propos de l’église du Sacré-Cœur: « Nous devons nous rendre à l’évidence: cette église a rendu le meilleur de son service [que c’est délicatement dit!]. Nous ne pouvons assurer l’animation de deux églises et devons être disponibles pour la nouvelle mission qui nous est confiée. Si nous devons fermer notre église [on y est], ce n’est pas de gaieté de cœur [il ne manquerait plus que cela!], mais ce sentiment premier s’effacera devant l’espérance attachée à cette mission nouvelle [une espérance à court terme…].

La question suivante coule de source: «Alors, c’est que vous allez quitter le Centre scolaire?» Réponse rassurante de Robert Huet: «Mais non! Ignace de Loyola [tiens, qui voilà!] tenait pour essentielle l’union des esprits et des cœurs au sein des collèges. Nous continuerons à garder un lien privilégié avec le centre scolaire.» Un lien privilégié… Un élastique, en langage jésuite, est-il un lien? Quant au terme privilégié, il ne signifie pas grand-chose. En tout cas, même sans tirer dessus, l’élastique n’a pas résisté longtemps…

Le père Huet est un optimiste, sans doute, mais moins naïf qu’il n’y paraît.

 

[NB: d'après les Echos de juillet-septembre 2012, "le P.Robert Huet, après six Huet-Robert-2012.jpgans au service de la formation des futurs séminaristes à la maison Saint-Augustin à Paris, devient supérieur de la maison Saint-Claude La Colombière. Il poursuivra ses engagements dans le cadre de l'IET et ses services d'organisation et d'accompagnement des Exercices spirituels."]

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